Dernier empereur de droit divin du Japon, considéré comme descendant de la déesse du soleil Amaterasu, Hirohito (on écrit aussi Hiro-Hito) eut également le plus long règne de l'histoire du pays du Soleil Levant (62 ans).
D'un naturel discret et même timide, il ne mit néanmoins aucun obstacle à la militarisation du pays dans les années 1920 et à ses dérives ultranationalistes...
Petit-fils de l'empereur Meiji (Mutsuhito) et fils aîné de l'empereur Taishô tenno (Yoshihito), le jeune Hirohito est élevé selon la coutume à l'écart de la cour impériale, dans la famille de l'amiral comte Kawamura. Au cours de ses études, il se passionne pour la biologie marine.
Ouvert sur le monde et curieux, il obtient de son père, en 1921, au grand scandale de la cour, le droit de voyager au Royaume-Uni et en Europe. C'est ainsi qu'il visite des usines et des monuments et rencontre des ministres. À Paris, il est reçu à l'Hôtel de Ville où il prononce un discours : « J'admirais Paris avant de la connaître s'est écrié le prince : j'étais encore tout enfant quand mon précepteur français m'en décrivait les merveilles et m'inspirait déjà le désir de voir de mes yeux cette Ville Lumière vers laquelle convergent tous les regards du monde civilisé... ». Il assiste aussi à une séance à la Chambre des Députés. Ce voyage fait de lui le premier membre de la famille impériale japonaise à se déplacer hors du Japon.
De retour au Japon, il doit contre toute attente assurer la régence car son père est écarté des affaires par une forme de méningite qui occasionne de graves troubles mentaux.
Le pays est doté depuis 1889 d'une Constitution qui donne théoriquement au Premier ministre, issu du Parlement, tous les pouvoirs de gouvernement. Mais la répartition des pouvoirs entre l'empereur, l'armée et le pouvoir exécutif n'est en réalité pas très claire et laisse au souverain comme aux généraux une grande latitude d'intervention. L'empereur lui-même est sacré et réputé infaillible...
1923 s'avère une année riche en événements pour Hirohito. Un violent tremblement de terre fait 140 000 morts à Tokyo. Le régent organise lui-même les secours. Trois mois plus tard, il échappe à un attentat, qui lui donne l'occasion de purger son entourage des proches d'un influent général et de les remplacer par des personnes de confiance.
En 1924, déjouant les intrigues de la cour, il épouse la princesse Nagako, tout en refusant le principe traditionnel de la polygamie impériale.
Le 25 décembre 1926, à la mort de son père, Hirohito monte enfin sur le trône, devenant le 124e empereur du Japon. Il donne à son règne le nom de « Shôwa » (la paix brillante) et se fait couronner à Kyoto deux ans plus tard. Tenu par la dignité de son statut d'empereur divin, le nouvel empereur se garde d'intervenir publiquement sur les questions politiques.
Pendant les premières années de son règne, l'armée acquiert de plus en plus de poids dans les affaires publiques.
En 1931-32, des troupes japonaises occupent la Mandchourie sans le feu vert du gouvernement. Mais celui-ci et l'empereur lui-même entérinent le fait accompli.
En 1932, Hirohito exige, après une tentative de coup d'état militaire contre le gouvernement civil, que la rébellion des officiers soit matée sans complaisance, mais il laisse la guerre entre le Japon et la Chine prendre de plus en plus d'ampleur.
Bien que réticent devant la perspective de l'entrée du Japon dans la Seconde Guerre mondiale, Hirohito semble s'être réjoui du succès de l'offensive japonaise sur Pearl Harbor et des victoires qui l'ont suivie en Asie du Sud-Est.
Au début de l'année 1945, comme la défaite du Japon devient probable, le gouvernement se divise entre les militaires, partisans de continuer la lutte et les civils qui souhaitent y mettre fin. Hirohito penche pour la paix mais n'ose trancher. Il faudra que les États-Unis lâchent deux bombes atomiques sur le Japon et que l'URSS lui déclare la guerre pour qu'enfin, il admette la reddition sans condition exigée par les Alliés.
Le 15 août 1945, sans en référer à ses ministres, il annonce sa décision au peuple japonais sur les ondes de la radio et lui demande d'« accepter l'inacceptable ». Pour la première fois, « avec stupeur et tremblement », dans la rue comme à leur domicile, les citoyens entendent la voix monocorde et rauque du dieu vivant, descendant de la déesse Amatérasu.
De concert avec les dirigeants nippons et pour ne pas se compliquer la tâche, les Américains se dispensent de poursuivre Hirohito parmi les criminels de guerre et le maintiennent sur le trône, garant de l'unité du peuple japonais.
Le 27 septembre 1945, l'empereur rencontre à l'ambassade américaine de Tokyo le général Douglas Macarthur, qui va diriger de fait le Japon vaincu jusqu'en 1951.
Obéissant à son mentor, l'empereur renonce à son statut de souverain divin. Il endosse un rôle purement honorifique. La nouvelle Constitution, en 1947, ne le désigne plus comme chef de l'État mais comme symbole du Japon et de l'unité du peuple japonais. Les fonctions de représentation normalement dévolues au chef de l'État sont dès lors confiées au Premier ministre.
L'empereur s'attire néanmoins une popularité inédite auprès de la population en parcourant le pays en reconstruction. Pendant les quatre décennies suivantes, il va incarner le Japon et accompagner sa transformation en démocratie exemplaire et grande puissance économique. Il va aussi voyager à l'étranger malgré l'hostilité qui perdure à son égard, liée à son rôle ambigu pendant la guerre.
À peine deux décennies après les ravages de la guerre, les Jeux Olympiques de Tokyo (1964) et l'Exposition universelle d'Osaka (1970) témoignent de la prodigieuse renaissance du pays.
Quand Hirohito meurt le 7 janvier 1989, il devient pour la postérité Shôwa tenno, les Japonais ne connaissant les empereurs défunts que sous leur nom de règne. Né le 23 décembre 1933, son fils et successeur Akihito endosse stoïquement toutes les contraintes inhérentes à l'étiquette, qui font dire que l'empereur (tenno) est le seul prisonnier politique au monde qu'Amnesty International ne défendra jamais ! Il abdiquera cependant à 85 ans, le 30 avril 2019, au profit de son fils Naruhito.
Ibn Séoud, un roi sorti du désert
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