Au cours de l'été 2014, les lecteurs d'Herodote.net et Notre Temps ont été invités à raconter un souvenir marquant de la libération de leur commune, 70 ans plus tôt. Ces témoignages complètent notre récit de la Libération de Paris (25 août 1944).
Voici l'ensemble des témoignages recueillis par Herodote.net. Au total près de 150 récits émouvants, drôles ou tragiques, toujours sincères et inattendus, qui inspireront peut-être plus tard des historiens ou des romanciers.
Trois témoignages ont été primés le 30 septembre 2014 par le ministre délégué aux Anciens Combattants, M. Kader Arif.
Il s'agit de ceux de Lucienne Delannoy (Saône-et-Loire), Gilbert Garibal (Boulogne-Billancourt) et Michel Pesneau (Manche). La lauréate se verra offrir une croisière en Méditerranée pour deux et les deux lauréats un voyage familial en Grande-Bretagne...
Témoignage de Francis WANG- GENH à Jouques
Après avoir subi le bombardement du 25 juin 44 en Arles, notre maison étant inhabitable, nous nous sommes réfugiés dans un petit village : Jouques. Agé de
14 ans, toujours dans la rue j'ai fin juillet 44 été surpris par le passage d'un avion à basse altitude, cap ouest un P47 THUNDERBOLT. Quelques jours plus tard, même cap même altitude, je vois surgir un P38 LIGHTNING très reconnaissable à son double fuselage. Des décennies ont passé, je viens d'apprendre
récemment que c'est un 31/7 que Saint-Exupéry a disparu, cela coïncide très exactement avec le jour du passage de son appareil. 15 jours plus tard le débarquement eut lieu, l'attente fut longue nous attendions les Américains mais ce fut la Wermacht en déroute qui fit une pause dans le village, soldats hirsutes, hagards, dépenaillés. En fin de journée un obus éclata en plein village sur une terrasse tuant sa propriétaire. Ce fut le signal du départ vers les
collines. A l'aube nous descendîmes prudemment vers le village et aperçûmes au loin des silhouettes de soldats. Ce qui nous interpella ce fut le silence,
habitués aux bottes ferrées nous comprîmes vite que c'étaient les Américains grâce à leurs chaussures souples. Toute la journée ce fut un flot discontinu de
véhicules militaires, un vacarme incroyable. Les GI nous lançaient bonbons, vitamines, cigarettes, rations, même des préservatifs que nous prenions pour des
chewing gum. Un souvenir et ne joie inoubliable. Le lendemain une colonne de chars SHERMANN stoppa dans le village, tous les villageois offrirent des fruits
que les tankistes absorbaient avec délice. D'autre profitèrent de la pause et des fontaines pour se rafraichir les pieds dans leurs casques lourds. Puis ce fut le
départ, une heure plus tard nous entendîmes une canonnade au loin, un accrochage eut lieu. Nous attendîmes anxieux un éventuel retour des Allemands. Ils
ne revinrent pas, mais ceux qui revinrent furent les équipages de chars, tous morts, entassés dans les ambulances dont on ne voyait que les pieds à travers
les vitres arrières des véhicules. Une pensée pour les maquisards de Jouques qui furent massacrés le 10/6/44.