Dérèglement climatique

Bakou siffle la fin des illusions

20 novembre 2024. Le président de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev a invité dans sa capitale Bakou tout ce que la Terre compte de gouvernants et de spécialistes du climat, au titre de la 29e conférence des parties sur le climat (COP 29, 11-22 novembre 2024). Les précédentes COP s’étaient tenues à Dubaï (COP 28, 2023) et Charm el-Cheikh (COP 27, 2022), dans des États aussi peu soucieux de l’environnement, des droits humains et du climat. À chaque fois, le secrétaire général des Nations Unies António Guterres a répété qu’il n’y avait plus de temps à perdre. Mais qui l’écoute encore ?...

Faut-il le préciser ? Aucune de ces COP ne s’inscrira dans l’Histoire.. sauf peut-être pour signifier la fin de la lutte contre le réchauffement climatique !

C'est au milieu du XIXe siècle, à la fin du « Petit âge glaciaire » (1300-1850), que les scientifiques ont deviné les prémices d'un réchauffement climatique.

À l'époque, ils ont montré que le climat change en permanence sous l'effet de causes naturelles : tâches sur le Soleil, précession des équinoxes, cycles de Milankovic, volcanisme, etc. C'est ce que nous rappelons dans notre Histoire du climat.

Mais les variations de température induites par ces causes naturelles sont tout au plus de quelques dixièmes de degrés par siècle ainsi qu'ont qu'ont pu le constater les paléoclimatologues et les historiens du climat, tel Emmanuel Le Roy Ladurie.

Le changement climatique actuel est d'une autre ampleur et il ne fait plus guère de doute qu'il vient pour l'essentiel des gaz à effet de serre émis par la combustion de nos énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). Cet « effet de serre » a été mis en équation par le climatologue de la Nasa James Hansen en 1988. La même année, l’ONU a créé le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) afin de diffuser les travaux scientifiques sur le sujet.

L'opinion publique mondiale a pris pleinement conscience du changement climatique au début du XXIe siècle. En 2007, l’ex-vice-président américain Al Gore a obtenu le Prix Nobel de la Paix pour son blockbuster sur le climat : Une vérité qui dérange et l’a partagé avec le GIEC ! 

Quelques chiffres pour situer l’enjeu

Les données recueillies par les climatologues et publiées par le GIEC et l'AIE (Agence internationale de l'énergie) confirment d'année en année le changement climatique et même son accélération  en ce début du XXIe siècle !

En 1963, quand l’effet de serre a commencé à se manifester, la hausse des températures par rapport à 1850 n’était encore que de 0,2°C et nous émettions dix milliards de tonnes de CO2 ; c’était à peu près le maximum de ce que pouvaient absorber les « puits naturels de carbone » de carbone (forêts, océans, etc.).

Vingt-cinq ans plus tard, à la création du GIEC, nous en étions à +0,6°C avec un doublement des émissions de CO2 (vingt milliards de tonnes).

Nous en sommes en 2023 à +1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle… avec un nouveau doublement de nos émissions de CO2, de l’ordre de quarante milliards de tonnes. Toujours en 2023, les consommations mondiales de charbon, pétrole et gaz ont continué de progresser à un rythme soutenu. Elles se montent à un total d’environ 140.000 TWh (térawattheures) contre 122.000 en 2010 (+18.000). Dans le même temps, les énergies renouvelables (solaire, éolien) sont passées de presque rien à… 4.000 TWh (source : AIE).

Suivant la trajectoire actuelle, la hausse des températures sera de +1,5°C en 2030 et peut-être de +4 ou 5°C d’ici la fin du siècle. C’est un écart plus élevé que celui qui nous sépare des grandes glaciations (en sens inverse). Le monde de nos enfants et petits-enfants en sera complètement bouleversé... à moins que nous n'arrivions à inverser la tendance dans les prochaines années et les prochaines décennies. 

La mobilisation des jeunes n'a cessé de monter en puissance. Elle a fait le succès des partis écologistes et des grandes manifestations de lycéens derrière Greta Thunberg… mais c’était en 2019 !

Depuis, la lassitude a gagné l’opinion. La jeunesse se réfugie dans le vote protestataire d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. Beaucoup de citoyens, par dépit ou ressentiment, manifestent leur hostilité aux politiques de lutte contre le réchauffement climatique et prêtent l’oreille aux thèses climatosceptiques.

Non sans raison, les uns et les autres se sont convaincus de l’incohérence de l’action politique sur le climat...

Image extraite du livre Le Climat et la Vie, Manifeste pour une écologie globale (André Larané, Herodote.net, 2021, 168 pages, 14 euros)

Il est urgent de ne rien faire !

Cette incohérence affecte en premier lieu l'Union européenne.

En 2019, la Commission de Bruxelles a lancé un « Pacte vert » avec l’objectif louable de la « neutralité carbone » en 2050. Mais sans se soucier d’en démontrer la pertinence. Ainsi les industriels européens doivent-ils supporter une énergie beaucoup plus chère que leurs concurrents chinois ou américains. Ils doivent aussi ne plus fabriquer de voitures thermiques dès 2035 ! Déjà se font sentir les conséquences avec des licenciements chez Volkswagen comme chez Michelin. Passons aussi sur les programmes lourdement subventionnés et dont rien ne prouve qu’ils profitent au climat : rénovation énergétique des logements, pompes à chaleur, etc.

En même temps, les dirigeants européens se refusent à changer de modèle de société. Ils encouragent les importations de produits agricoles brésiliens, d’équipements électrotechniques chinois, de textiles et médicaments indiens, etc. Ils multiplient les infrastructures lourdes (autoroutes, tunnels, méga-bassines, etc.). Ils étendent sans fin les métropoles au détriment des terres arables. Ils développent tant et plus l’aviation commerciale et ne remettent pas en cause la détaxe du kérosène et du fioul maritime…

Au moins les Américains ont-ils, eux, le mérite de la cohérence. Leur mode de vie, l’american way of life, n’est pas négociable ainsi que le rappellent régulièrement leurs dirigeants. Et tant pis s’il est incompatible avec la sobriété énergétique. Bercés par l’optimisme des premiers colons face à une Nature aux ressources inépuisables, les Américains sont convaincus qu’ils sauront s’adapter aux températures à venir. Après tout, grâce à l’invention du climatiseur, n’ont-ils pas réussi à créer des villes modernes au cœur du désert de l’Arizona ?

En attendant, leurs pétroliers et avionneurs n’excluent pas de trouver des solutions techniques pour continuer à brûler du pétrole tout en émettant moins de CO2. De la même façon, les industriels chinois croient possible de capter le CO2 issu de la combustion du charbon. Laissons faire le marché et l'innovation, ajoutons-y de confortables aides publiques, et tout ira pour le mieux, réchauffement ou pas.  Partout le même mantra : Business as usual (« les affaires continuent »).

Autant dire que la COP 29 de Bakou est dans la vérité du moment : les citoyens du monde n’ont rien à attendre des politiques environnementales actuelles dont les chiffres disent l'échec et la ruine. Ils doivent se préparer à affronter le changement climatique en cours. C'est ce à quoi les invitent les conférenciers de Bakou : leur seule décision a été de recommander l'octroi de 300 milliards de dollars par an aux pays pauvres (lesquels ?) à seule fin qu'ils s'adaptent au réchauffement climatique et non pas qu'ils le préviennent.

André Larané
 
Publié ou mis à jour le : 2025-01-06 17:17:47

Voir les 7 commentaires sur cet article

Sganarello (08-01-2025 21:45:54)

Il n'y a pas si longtemps on demandait la pluie ou le beau temps en faisant des messes et des processions. Que dire du battage climatique actuel relayé par les maîtres de l'inquiétude, la presse, ... Lire la suite

Philippe (21-11-2024 00:51:22)

A ceux qui parlent encore des cycles de Milankovic pour justifier de leur climatoscepticisme, je rappelle juste que ces cycles sont pour le plus court de 20 000 ans. Or si je ne m'abuse, il y a 20 00... Lire la suite

Ouallonsnous ? (20-11-2024 18:47:37)

Les "brillants" intervenants que nous lisons auraient ils, d'aventure entendus parler des cycles de Milankovitch qui régissent les cycles climatiques depuis qu'ils sont étudiés ?

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire

Histoire & multimédia

Nos livres d'Histoire

Récits et synthèses

Jouer et apprendre

Frise des personnages