Au IIIe millénaire av. J.C., la civilisation mégalithique est déjà en phase d’essoufflement en Bretagne. Notons que les Bretons actuels ont environ 20% de gènes en commun avec les Armoricains de cette époque-là.
Vers 2400 av. J.-C. en effet, la démographie de la région comme de toute l'Europe occidentale a été bouleversée par l'arrivée en plusieurs vagues des Indo-Européens originaires des steppes d’Europe Orientale. Ceux-ci ont amené avec eux une technique révolutionnaire : la métallurgie du bronze...
L'Âge du bronze en Armorique
L’Armorique étant particulièrement riche en étain, ressource rare nécessaire à la fabrication du bronze, il s'en est suivi l’apparition de nouvelles chefferies puissantes qui remplacent les anciennes. Des tombes à tumulus caractéristiques de cet Age du Bronze apparaissent vers 2100 av. J.-C., surtout dans le Finistère, et montrent une société très hiérarchisée.
L’usage du bronze ne se démocratise qu’à la fin du IIe millénaire av. J.-C., ce qui réduit les écarts sociaux et atténue le rôle de l’élite militaire. La vitalité commerciale se renforce encore au IXe siècle, époque à laquelle les Phéniciens implantent des comptoirs jusqu’à Gadès (l'actuelle Cadix, en Andalousie) pour s’approvisionner en étain.
Les Cornouailles, à la pointe de la Grande-Bretagne, sont le principal producteur d'étain. Sans doute sont-elles les fameuses îles Cassitérides évoquées par les chroniqueurs grecs de cette époque (d'après un mot grec qui désigne l'étain). L’Armorique sert de pivot dans ce commerce atlantique très fructueux.
En parallèle, la métallurgie du fer émerge au nord des Alpes sous l’impulsion d’un nouveau peuple indo-européen, les Celtes. La diffusion d’armes et d’outils en fer fait peu à peu diminuer la demande en bronze, et l’Armorique traverse une phase de déclin aux VIIe et VIe siècles.
Les Celtes imposent leur langue
L’arrivée des Celtes au Ve siècle av. J.-C. redonne de la vigueur à la région. D’importants défrichements attestent de l'expansion démographique. La langue et la culture celtiques s’imposent comme dans une grande partie de la future Gaule, mais sans lien direct avec le breton actuel. Sur le plan génétique, l’apport des immigrants celtes reste peu marqué : il s’agit donc d’une élite minoritaire qui parvient à imposer sa langue et sa culture sur un domaine immense.
La société celte est structurée en chefferies dirigées par un roi qui mène les hommes au combat et un druide qui possède l’autorité spirituelle. Tous ces peuples, que les Romains appelleront Gaulois, sont en rivalité et entrent fréquemment en guerre, ce qui encourage l’érection de villages fortifiés au sommet des collines, les oppidums.
Au Ier siècle av. J.-C., les Celtes d'Armorique se répartissent en cinq peuples principaux : les Redones, dont le nom se retrouve dans celui de la ville de Redon, les Vénètes (Vannes), les Namnètes (Nantes), les Curiosolites (autour de Saint-Brieuc) et les Osismiens (autour de Brest). Les Curiosolites en particulier profitent d’un commerce florissant à travers la Manche tandis que les Vénètes possèdent une flotte puissante sur l’Atlantique. La frappe de monnaie gagne la région au moment où les Romains s’installent en Gaule Narbonnaise.
En 58 av. J.-C., Jules César, en quête de gloire militaire, entreprend la conquête de l'ensemble du territoire entre Rhin et Pyrénées. Cette guerre des Gaules se prolongera pendant sept ans et se soldera par un nombre incalculable de victimes (un million ?). Le général romain commence par soumettre les rudes Belges, au nord de la Seine, mais un an plus tard, les Vénètes soulèvent une coalition contre lui.
Pour prendre leurs places fortes ravitaillées par voie de mer, les Romains constituent leur propre flotte avec l’aide des Pictons. Ils remportent une victoire navale sur les Armoricains en 56 av. J.-C. et l'on montre encore, à la pointe du golfe de Vannes, le tumulus du haut duquel, paraît-il, César surveilla la bataille.
Une fois la paix acquise, Auguste, héritier de Jules César, organise l'empire romain sur des bases nouvelles. Cinq cités sont fondées en Armorique : Carhaix chez les Osismiens, Corseul chez les Curiosolites, Vannes chez les Vénètes, Rennes chez les Riedones et Nantes chez les Namnètes. Elles bénéficient d’aqueducs, de temples et de thermes, et deviennent des carrefours de voies romaines menant aux autres villes provinciales.
Intégrée par Rome à la province de Gaule belgique, l'Armorique, du fait notamment de sa situation excentrée, résiste toutefois à la romanisation et conserve sans doute mieux que le reste de la Gaule ses racines celtiques.
Au milieu du IIIe siècle de notre ère, la Gaule est victime d'incursions germaniques et des chefs gaulois s'improvisent empereurs pour tenter de résister aux assaillants. Dans ce climat d'insécurité, les paysans se soulèvent contre les autorités. Leurs révoltes ou bagaudes sont cruellement réprimées par la cavalerie d'Aetius, le représentant de l'empire en Gaule, essentiellement composée de mercenaires huns.
L’Armorique est particulièrement affectée et les villes de Carhaix et de Corseul périclitent au profit de deux nouvelles places fortes : Brest et Aleth près de la future Saint-Malo qui retrouve le rôle qu’elle avait avant l’époque romaine. Les villes de Vannes, de Rennes et de Nantes s’en sortent grâce à l’érection hâtive de murailles, mais leur population est fortement réduite.
La tétrachie instaurée par Dioclétien restaure la paix au tournant du IIIe et du IVe siècle. Mais mal remise des bagaudes, la Gaule est en peine de résister à de nouvelles invasions germaniques au début du Ve siècle. L'Armorique est toutefois relativement épargnée par ces invasions.
Adieu l'Armorique, bonjour la Bretagne !
De ce fait, de la fin du Ve siècle au VIIe siècle, les Celtes de Britannia (la Grande-Bretagne actuelle) trouvent naturel de s'y réfugier lorsque leur île est envahie par des Angles, Saxons et autres Germains ! C'est ainsi que l'Armorique, devenue le refuge des Bretons, renoue avec la langue celtique et prend le nom sous lequel elle est aujourd'hui connue : la Bretagne.
Parmi les nouveaux arrivants figurent beaucoup de moines qui eurent à coeur d'évangéliser la péninsule et y multiplièrent les fondations d'abbayes (Samson, Paterne, Guénolé, Brieux, Malo...).
L’Armorique traverse un tournant à la fois génétique, linguistique, culturel et religieux, qui laissera des traces sous la forme de légendes plus tardives : on entre dans l’époque arthurienne. Certains rois parviennent à constituer de véritables coalitions de part et d’autre de la Manche, comme le roi Riothame qui aide les Romains à repousser les Wisigoths en 469. Mais finalement, les Bretons restent largement divisés en chefferies rivales.
L’Armorique va achever sa transition dans le courant du VIe siècle, pendant lequel les anciens Gallo-Romains de religion polythéiste disparaîtront définitivement au profit des Bretons christianisés venus d’outre-Manche. Cette bascule est également génétique avec près de 50% de remplacement. En d’autres termes, les Bretons actuels descendent majoritairement des Celtes qui habitaient le Pays de Galles et les Cornouailles à la fin de l’empire romain. Le dernier apport génétique, moins important, viendra plus tard au début du Xe siècle avec l’arrivée des Vikings.
Dans le millénaire qui suivra, jusqu'à la fin du XXe siècle, le peuplement demeurera très stable comme d'ailleurs tout le reste de l'ancienne Gaule et de l'empire romain d'Occident.
Provinces de France et d'ailleurs
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Carole (04-08-2024 20:53:13)
Les analyses de Monsieur Larané sont toujours forts intéressantes et instructives. Une petite question toutefois, si je peux me permettre. Elle concerne l’origine des Indo-Européens, un sujet qui... Lire la suite