Simple sous-préfecture des Bouches-du-Rhône, Arles évoque la douceur de vivre provençale et le rêve méditerranéen. Mais ses ruelles héritées du Moyen Âge et ses places à l’ordonnancement classique ne sauraient faire oublier son passé antique, plus présent qu’en toute autre ville de la France actuelle.
Songeons que cette ville de cinquante mille habitants est à peine plus peuplée qu’à la fin de l’empire romain, il y a 1600 ans, quand elle avait été désignée comme préfecture des Gaules en remplacement de Trèves, en Rhénanie, trop exposée aux invasions barbares.
Arles est aujourd’hui sans aucun doute l’une des plus belles villes de France. Bien entendu inscrite au patrimoine de l’humanité, elle est vouée au tourisme et à la culture, avec ses vestiges antiques et ses monuments, ses musées et ses festivals, ses Rencontres de la photographie.
Arles, c'est aussi une maison d’édition parmi les plus dynamiques de France, Actes Sud, et les éditions Picquier, spécialisées dans les traductions d'auteurs asiatiques. La ville héberge le Centre national des traductions étrangères et bientôt une fondation culturelle d’avant-garde dans une tour érigée par l’architecte Franck Gehry, la fondation Luma.
Tout cela dans un périmètre très restreint qui se parcourt aisément à pied...
Une cité entre fleuve et mer
L’histoire de la cité remonte à plus de 2500 ans et il n’y a guère que Marseille et Nice pour rivaliser en ancienneté avec elle. Ce sont d’ailleurs des Phocéens de Massilia qui l’auraient fondée sur une éminence qui a l’avantage de dominer le Rhône à l’endroit où celui-ci se divise en deux bras pour former un vaste delta. Ces commerçants avisés ont immédiatement vu l’intérêt stratégique de ce lieu pour les échanges entre l’arrière-pays celte et le monde méditerranéen.
Fondée sous le nom grec de Théliné (la « nourricière » en grec), la ville est ensuite passée sous la domination des tribus celto-ligures du coin sous le nom d’Arelate, d’après une expression celte qui signifie « près des marais » et d’où dérive le nom actuel de la cité.
De fait, la cité est née au milieu d'une vaste zone marécageuse qui remontait jusqu'à l'abbaye de Montmajour, fondée au Xe siècle par des moines bénédictins à quatre kilomètres au nord-est.
Arles est encore aujourd'hui la porte d’entrée des vastes étendues marécageuses de la Camargue.
D’ailleurs, la plus grande partie de celle-ci est incluse dans les limites de la commune actuelle, ce qui fait d’Arles la commune la plus vaste de France avec 758 km2.
Les Romains profitèrent d’un conflit entre les Grecs de Marseille et leurs voisins celtes pour s’installer dans la région en 122 av. J.-C.
Ils fondent sous le nom de Gaule transalpine la première province extérieure à l’Italie. Elle prendra plus tard le nom de Provence, une déformation phonétique du latin provincia.
Dans son prolongement, entre le Rhône et les Pyrénées, ils ne tardent pas à fonder aussi une nouvelle province, la Narbonnaise, Arles se situant à la jonction des deux.
Dans la guerre civile qui va suivre, Arles va faire le bon choix en prenant, contre Marseille, le parti de Jules César.
Elle en sera récompensée en devenant une colonie à part entière et en accueillant les vétérans de la VIe Légion.
La colonie va prospérer comme port de commerce et débouché maritime des Gaules. C’est le long de ses quais que l’on transborde les marchandises des navires de haute mer vers les bateaux fluviaux et vice-versa.
Les naviculaires ou armateurs qui assurent le commerce au long cours sont des hommes puissants et riches qui traitent avec l’ensemble du monde méditerranéen. Ils bénéficient de la protection du préfet de l’annone, en charge de l’approvisionnement de Rome.
Sur le Grand Rhône, trop large et trop puissant pour un pont à piles, les Romains lancent un pont de bateaux d’un type inédit, comme en construisent aujourd’hui les militaires, avec des embarcations ancrées côte à côte et reliées par un pont de planches.
On peut encore voir les portes en pierre qui marquent les extrémités du pont.
Bien entendu, comme toutes les colonies qui se respectent, Arles se dote des équipements de prestige incontournables, à l’image de Rome : forum, temples, théâtre, arènes, hippodrome, thermes…
Construit dès l’an 30 av. J.-C., le forum est une grande place dont il ne reste rien de visible si ce n’est le fronton d’un petit temple.
Le plus curieux est dissimulé aux promeneurs ; il s’agit des fondations du forum qui courent sous la place de la République et l’Hôtel de ville. Elles forment une galerie souterraine en fer à cheval de 90 mètres sur 60 mètres. Ces « cryptoportiques » corrigeaient la déclivité du terrain et pouvaient servir à stocker des marchandises.
À proximité immédiate, l'amphithéâtre, faussement appelé « arènes » a été érigé un siècle plus tard, sous la dynastie flavienne. Remarquablement conservé, tout comme les arènes de Nîmes, il était destiné à accueillir 25 000 spectateurs.
Il sert aujourd’hui à des spectacles divers et en particulier à des corridas lors de la Feria d’Arles.
Derrière les arènes se tiennent encore aujourd’hui les vestiges du théâtre antique où se donnaient les comédies.
Près de là a été découverte en 1651 la célèbre Vénus d'Arles. Elle est hélas aujourd'hui seulement visiable au Louvre..
L’hippodrome ou cirque a été érigé en 149, sous les Antonins, dans une plaine alluviale en bordure du Rhône, à l’écart de la ville.
Long de 450 mètres, large de 101 mètres, il accueillait 20 000 spectateurs pour des courses de biges (attelages à deux chevaux) ou de quadriges (attelages à quatre chevaux).
Il était dominé par un obélisque. Au cours du Moyen Âge, les pierres du cirque furent employées à la construction des remparts.
L’obélisque fut sauvé et réinstallé en 1676 au cœur de la cité, sur l’actuelle place de la République.
Au début du IVe siècle, la cité conquiert les faveurs de l’empereur Constantin le Grand qui y réside volontiers.
À Arles se tient notamment en 314 un fameux concile catholique qui condamne l’hérésie donatiste. De cette époque datent les magnifiques thermes de Constantin dont on peut visiter les vestiges le long du Rhône, sur 3750 m2.
L’un des vestiges les plus curieux de l’époque romaine est la nécropole des Alyscamps (« Champs-Élysées » en provençal). À l’écart de la cité comme il était d’usage dans le monde romain, ce cimetière est aujourd’hui une allée furieusement romantique avec ses haies de cyprès et ses sarcophages en ruines, qui débouche sur une chapelle romane. Le lieu a inspiré Gauguin, Van Gogh et quelques autres peintres du XIXe siècle.
Une si longue histoire
Devenue diocèse et archidiocèse, Arles a retrouvé une certaine prospérité au Moyen Âge.
Aux alentours de l’An Mil, elle est même devenue la capitale d’un éphémère royaume d’Arles puis la capitale non moins éphémère du comte de Provence. C’est à cette époque qu’elle se dote d’une belle cathédrale romane, Saint-Trophime, sur l’actuelle place de la République.
En 1483 enfin, à la mort du roi René, Arles est réunie au royaume de France ainsi que l’ensemble de la Provence.
La ville va dès lors connaître une histoire relativement paisible dans le sillage de l’histoire nationale et bénéficier de quelques embellissements dans le goût classique sous le règne de Louis XIV.
En 1866, Alphonse Daudet raconte l’histoire d’un jeune homme qui attend de se marier avec une jeune Arlésienne mais celle-ci, qui se trouve être une fille de mauvaise vie, ne vient pas à la noce et de désespoir, le jeune homme se suicide. L’Arlésienne est devenue depuis lors une expression courante pour désigner une personne ou une chose qu’on attend et qui ne vient jamais.
À la même époque, Van Gogh et Gauguin découvrent les charmes d’Arles. Il s’ensuit que la ville s’honore aujourd’hui de posséder une fondation Van Gogh.
À proximité, un ancien prieuré abrite le musée Réattu consacré aux beaux-arts, avec une collection de dessins de Picasso offerte par l’artiste andalou et quelques chefs-d’œuvre intéressants comme l’Atelier de couture à Arles, par le peintre arlésien Antoine Raspal (1738-1810).
Il va sans dire toutefois que le principal musée de la ville est le musée de l’Arles antique construit en 1995 au sud de la ville, à proximité de l’ancien hippodrome.
Dans une architecture aussi fonctionnelle qu’agréable d’Henri Ciriani, il abrite quelques-uns des inestimables trésors archéologiques de la ville, en particulier un chaland fluvial découvert en 2004. Il abrite aussi le buste que l’on suppose être celui de Jules César et le seul qui ait été réalisé de son vivant parmi tous ceux que l’on connaît.
En marge de ces merveilles et de diverses trouvailles archéologiques, le musée présente de belles reconstitutions de la ville antique et de ses principaux monuments, de façon que les visiteurs de tous âges puissent s’instruire en se distrayant.
On retiendra de ce rapide survol du patrimoine arlésien que sa découverte implique du temps et de la sérénité. Arles se laisse aborder sans façon mais sa richesse paraît inépuisable, sans compter que les environs réservent aussi beaucoup d'émois, avec la Camargue bien sûr, lovée dans le delta du Rhône, et la romantique abbaye de Montmajour.
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Liger (27-07-2020 03:09:50)
Magnifique article qui instruit et fait rêver : je suis allé en Arles il y a un peu plus de trente ans et je brûle d'impatience d'y retourner. Une correction à effectuer dans la légende ... Lire la suite