Le mot « absolutisme », forgé sur le mot absolu, est né en 1796 à la fin de la Révolution française pour qualifier ou plutôt disqualifier le régime politique antérieur à la Révolution, lui-même qualifié d'Ancien Régime.
L'absolutisme désigne depuis lors le gouvernement monarchique qui s'est épanoui sur le continent européen à la fin du XVIIe siècle et a triomphé en France sous le règne de Louis XIV. Les contemporains du Roi-Soleil et de ses successeurs ignoraient le mot mais qualifiaient déjà le pouvoir royal d'absolu, cet adjectif qualificatif désignant le gouvernement d'un seul (le souverain).
Les lois fondamentales du royaume
Dans les faits, certains historiens soutiennent que le roi Louis XIV avait moins de pouvoir que le président de la République française aujourd'hui, la principale différence tenant à la durée de son mandat !
En tout cas, la « monarchie absolue » ne saurait être confondue avec les dictatures « totalitaires » qui se sont multipliées au XXe siècle, régimes dans lesquels le chef et son parti disposent d'une autorité sans limite, totale autant qu'absolue.
La monarchie d'Ancien Régime (la monarchie désignant le gouvernement d'un seul) a des limites avant tout religieuses. On a affaire à une monarchie de droit divin, symbolisée par le sacre du roi de France à Reims. Le roi est réputé choisi par Dieu pour exécuter sa volonté et ses sujets doivent à ce titre le respecter et lui obéir. Comme preuve de ce rapport particulier avec Dieu, les rois de France étaient réputés guérir une certaine maladie, les « écrouelles », par imposition des mains.
Le roi n'a de comptes à rendre qu'à Dieu mais sa puissance n'est pas tyrannique. Elle est limitée par les prescriptions de l'Évangile :
– ainsi, le roi se doit d'être vertueux,
– il n'a pas droit de vie et de mort sur ses sujets à la différence d'un quelconque tyran.
La puissance du roi est aussi limitée par les « lois fondamentales du royaume » :
– les règles de succession (en France, la loi salique),
– l'interdiction de donner ou vendre une partie du royaume,
– le respect des hiérarchies sociales et de la prééminence du clergé.
La loi dite « salique », par référence aux anciens Francs saliens, impose à la monarchie capétienne une succession héréditaire, par les mâles uniquement (cette loi, formulée au XIVe siècle pour justifier a posteriori l'accession au trône de Philippe VI de Valois, repose en fait sur un vieux document où il est simplement dit à propos de contrats de droit privé : « femme ne peut servir de pont et de planche » !).
Vers l'absolutisme
Au sortir du Moyen Âge, la monarchie évolue vers le gouvernement absolu, conformément aux théories politiques exprimées par Jean Bodin, un juriste d'Angers, dans Les six Livres de la République (1576). Celui-ci fait valoir que la souveraineté ne se divise pas et conteste la multiplicité des pouvoirs hérités du Moyen Âge. Il en arrive à considérer que le souverain est au-dessus de la loi.
La monarchie absolue apparaît comme un gouvernement centralisé dans lequel tout le pouvoir réside dans le roi :
– pouvoir législatif : le roi fait la loi,
– pouvoir exécutif : le roi fait exécuter la loi par ses ministres et ses « officiers » ou fonctionnaires,
– pouvoir judiciaire : le roi de France délègue ses pouvoirs à des magistrats indépendants, propriétaires de leur charge, qui siègent dans les parlements et exercent la justice d'appel (ils tranchent en dernier ressort lorsque la décision d'un tribunal ordinaire est contestée) ; le roi se réserve toutefois le droit d'interner toute personne de son choix par une « lettre de cachet ».
Mais en dépit de Jean Bodin et ses émules, le pouvoir royal demeure jusqu'à la Révolution strictement encadré par les assemblées traditionnelles (parlements, états provinciaux, assemblées paroissiales, assemblée du clergé...) et les us et coutumes locaux.
Le roi fait rarement ce qui lui plaît. Ainsi, quand Louis XIV révoque l'édit de Nantes, en 1685, il répond à une demande de son entourage, de la Cour et des élites du royaume bien plus qu'à une impulsion personnelle. Quand Louis XVI veut moderniser la justice et la fiscalité avec Malesherbes et Turgot, il affronte encore plus d'obstacles qu'un quelconque président de la Ve République.
La monarchie absolue s'est effondrée en 1789, avec la Révolution. Celle-ci a achevé la centralisation administrative, à l'oeuvre en France depuis un demi-millénaire, ainsi que le montre Alexis de Tocqueville dans L'Ancien Régime et la Révolution (1856).
Certes, la Révolution a apporté la démocratie représentative en confiant le pouvoir législatif à une assemblée élue par les citoyens. Mais elle a aussi (et surtout) brisé les contre-pouvoirs traditionnels, uniformisé l'administration et le droit et, de ce fait, dégagé la voie à Napoléon Ier et à son régime, autrement plus autoritaire que pouvait l'être l'Ancien Régime.
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cyrmar (12-07-2013 15:50:24)
Bonjour. La loi Salique n'a t-elle pas été évoquée pour empêcher la fille de Louis X le Hutin (et de Marguerite) de régner et permettre à Phillippe V le long de régner. Cordialement.... Lire la suite