Le 8 juin 1795, Louis XVII meurt à la prison du Temple, à Paris, dans l'anonymat et la détresse. Fin tragique d'un enfant né sous les plus heureux auspices.
L'enfant roi
Né dix ans plus tôt, le 27 mars 1785, Louis-Charles, fils cadet de Louis XVI, était devenu l'héritier du trône à la mort de son frère aîné, le 4 juin 1789.
C’était dans ses premières années un enfant vif et précoce, un chou d’amour, très attaché à sa Maman Reine.
Le 13 août 1792, après la chute de la royauté, il est enfermé avec ses parents, sa tante, Madame Elisabeth, et sa sœur aînée Marie-Thérèse, dite Madame Royale, dans l'enclos du Temple.
Le 21 janvier 1793, à la mort de Louis XVI, la reine Marie-Antoinette s’agenouille devant son fils devenu Louis XVII ! Les grandes puissances européennes le reconnaissent comme tel.
Mais l'enfant du Temple n'a pas le loisir de jouir de son titre. Il est enlevé quelques mois plus tard à sa mère Marie-Antoinette et élevé à la dure, dans l'enceinte de la prison, par le cordonnier Simon et sa femme.
Maltraitance d'enfant
Entre deux raclées, ce couple d'ivrognes le force à boire du vin, à chanter la Carmagnole, à jurer comme un vrai sans-culotte et à insulter sa mère et à sa tante, des « satanées putes », qui peuvent l’entendre à l’étage au-dessus. Il lui extorque des aveux indignes selon lesquels il aurait pratiqué l'inceste avec sa mère !
Lors d’une confrontation avec Marie-Antoinette, le 7 octobre 1793, la dernière fois qu’il verra sa mère, on le force à l’accuser d’attouchements. Ces fausses déclarations sont présentées au procès de Marie-Antoinette.
En pleine Terreur jacobine, en janvier 1794, Louis XVII est séquestré dans un cachot par les républicains, qui souhaitent la mort de ce « petit sapajou engendré par une guenon », selon Hébert, chef des Enragés. Cela achève de ruiner sa santé physique et mentale.
Son martyre va encore durer 19 mois. Après la chute de Robespierre et la fin de la gauche jacobine, les Conventionnels modérés songent à le remettre aux Autrichiens en échange de prisonniers français.
Paul Barras, président de la Convention thermidorienne qui a renversé Robespierre, rend visite à l'enfant dans sa prison. Il est trop tard pour envisager une libération. Au début de mai 1795, un médecin, Pierre Joseph Desault, le décrit : « mourant, victime de la misère la plus abjecte, de l’abandon le plus complet, un être abruti par les traitements les plus cruels... »
Sa mort survient pour cause de scrofule, une forme particulière de tuberculose que les rois capétiens, curieuse coïncidence, avaient la réputation de guérir en touchant les plaies des malades le jour de leur sacre.
L'enfant est enterré dans une fosse commune.
Une famille déchirée
Marie-Thérèse Charlotte, dite Madame Royale, a plus de chance que son frère. Elle est livrée à l'Autriche le jour de ses 17 ans, le 19 décembre 1795, contre des prisonniers français.
L'« Orpheline du Temple » se mariera en 1799 avec son cousin, Louis d'Artois, duc d'Angoulême. Mais son attitude étrange et sa réserve à l'égard de son passé et des gens qui l'ont connue en France ne va cesser d'entretenir la rumeur d'une mystérieuse substitution, des gens se prenant à douter de son identité.
La tante de Louis XVII, Madame Élisabeth, plus jeune sœur de Louis XVI, suit de peu celui-ci dans le malheur.
Née le 3 mai 1764 à Versailles, c'est une princesse d'une grande piété qui a refusé plusieurs fois le mariage, y compris avec l'archiduc d'Autriche Joseph II, le frère de Marie-Antoinette. Après la chute de la monarchie, elle demeure avec abnégation auprès de la famille royale et se voue à l'éducation des enfants.
Transférée à la Conciergerie après la mort de Marie-Antoinette, elle est rattrapée par Fouquier-Tinville, accusateur public du Tribunal révolutionnaire, pendant la Grande Terreur, et envoyée à l'échafaud le 10 mai 1794.
La relève royaliste
Plus chanceux que le couple royal, arrêté dans sa fuite à Varennes, le comte de Provence, frère de Louis XVI, comte de Provence, a pu quitter le royaume le 20 juin 1791. Suite à la mort en prison de son neveu Louis XVII, il devient pour les royalistes le souverain légitime. En exil à Vérone, en Italie, il prend le nom de règne de Louis XVIII.
En juillet 1795, alors que les députés de la Convention tentent de sortir à moindres frais de la Révolution, il publie une déclaration pour le moins maladroite : « Il faut rétablir ce gouvernement qui fut pendant quatorze siècles la gloire de la France et les délices des Français, qui avait fait de notre Patrie le plus florissant des États et de vous-mêmes le plus heureux des peuples... Cette antique et sage constitution dont la chute a entraîné votre perte, nous voulons lui rendre toute sa pureté ».
En prônant un retour pur et simple à l'Ancien Régime, Louis XVIII hérisse beaucoup de Français, y compris parmi les plus modestes, qui ont gagné, avec la Révolution, un supplément d'égalité civile et la fin des privilèges.
Il menace aussi tous les Français qui se sont enrichis grâce à l'acquisition de « biens nationaux » enlevés à l'Église. Au total pas moins de 100 000 foyers.
Tous ces Français ne vont plus avoir d'autre but que de se prémunir contre le retour sur le trône de Louis XVIII. Ils vont soutenir pour cette raison la dictature de salut public de Napoléon Bonaparte, sous le nom de Consulat, puis l'établissement du consulat à vie.
Ils vont enfin donner à Bonaparte le titre d'empereur avec succession héréditaire pour éviter que sa mort ne ramène Louis XVIII.
Ce dernier accèdera au trône vingt ans plus tard, après l'effondrement de l'Empire, après avoir enfin renoncé au rétablissement de l'Ancien Régime.
Dès 1795, les rumeurs les plus folles ont couru sur l'enfant du Temple, conformément à une tradition bien établie quand un souverain disparaît dans des conditions troubles... Des auteurs en mal de scénario ont contesté la version officielle de la mort de Louis XVII et imaginé que le Dauphin avait pu s'enfuir et se faire remplacer en prison par un enfant anonyme. Des dizaines d'imposteurs ont prétendu alors être le Dauphin et revendiqué la succession de son malheureux père. Le plus célèbre est un Prussien nommé Naundorff dont les descendants perpétuent la revendication après avoir obtenu de la Hollande le droit de porter le nom de Bourbon !
Mais le cœur momifié de l'enfant ayant été par miracle conservé, grâce au médecin légiste Philippe-Jean Pelletan qui l'avait examiné, des experts ont pu l'authentifier en comparant son ADN (acide désoxyribonucléique) à celui de la reine Marie-Antoinette. Les conclusions de leurs recherches ont été présentées à la presse le 19 avril 2000 et exposées dans un livre de l'historien Philippe Delorme, Louis XVII, la vérité.
Depuis le 8 juin 2004, le coeur de l'enfant royal - Louis XVII pour les royalistes- est exposé dans l'ancienne nécropole royale de Saint-Denis. Sa dépouille, malgré les recherches entreprises au XIXe siècle, n'a par contre jamais pu être retrouvée.
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