Byzance en mode chronométré : 6 secondes par décennie de 476 à 1453
Dans cette vidéo, je raconte l’Histoire de l’empire byzantin en cartes animées au rythme de 6 secondes par décennie, en 5 parties. Dans la première, on a encore l’impression que l’empire romain pourra rétablir tout son prestige d’antan.
Démarrons en l’an 476 : l’empire romain d’Occident vient alors de s’effondrer sous le coup des Germains, et seul l’empire d’Orient subsiste. Celui-ci est surtout confronté à la menace des Ostrogoths qui pillent le territoire. Menés par leur roi Théodoric, ils finissent par jeter leur dévolu sur l’Italie où ils s’installent durablement en 493.
L’empire d’Orient parvient finalement à ramener la paix sur son territoire. Il bénéficie à la fois de l’or d’Asie Mineure qui sert à payer les armées et du blé d’Egypte qui alimente la population de Constantinople. Lorsque Justinien arrive au pouvoir en 527, il bénéficie de caisses bien remplies. Il intervient d’abord en Crimée et en Colchide et mate durement une sédition dans la capitale. Son général Bélisaire reconquiert ensuite le royaume vandale en Afrique, puis le royaume ostrogoth en Italie, tandis que la basilique Ste Sophie est construite à Constantinople. Enfin les Romains profitent de guerres intestines entre Wisigoths pour reprendre pied dans le sud de l’Espagne.
Cependant l’empire a été dépeuplé par une épidémie de peste, et l’arrivée des Avars provoque une nouvelle surpression aux frontières : les Lombards quittent leurs terres d’origine et conquièrent une bonne partie de l’Italie. Pendant ce temps, les Avars ravagent la Thrace avec leurs vassaux slaves et bulgares. De plus la guerre reprend contre les Wisigoths comme les Perses. Finalement, l’empereur Maurice parvient à restaurer la paix, mais au prix d’impôts très lourds : il est renversé en 602, ce qui déclenche un effondrement rapide : les Balkans sont dévastés, l’Espagne est perdue, et les Perses s’avancent jusqu’en Egypte et aux portes de Constantinople. Finalement, l’empereur Héraclius parvient à redresser la situation grâce à une alliance avec les Göktürks, mais les Balkans sont en partie perdus au profit des Slaves. Ce sont les Arabes musulmans qui vont bientôt porter le coup de grâce.
Dans la 2e partie, on va assister à un effondrement dramatique de l’empire byzantin qui va définitivement tourner la page du rêve romain.
En 636, le califat arabe fraîchement constitué s’empare de la Syrie, puis de l’Egypte 5 ans plus tard. Il progresse ensuite vers la Libye et achève en même temps la conquête de l’empire perse. En 655, les Byzantins subissent une défaite navale majeure et les musulmans peuvent librement piller les îles. Grâce à l’invention du feu grégeois, ils parviennent cependant à défendre Constantinople.
Après une courte pause due à des troubles dynastiques, le califat peut finalement reprendre son expansion sous les Omeyyades : les Arabes s’emparent d’abord de l’Arménie, puis ils reprennent leur progression au Maghreb. La ville de Carthage est détruite en 698 et l’empire byzantin doit abandonner définitivement ses possessions au Maghreb. Les pillages sur la Sardaigne et la Corse s’intensifient et Byzance perd tout contrôle effectif dans le secteur. En parallèle, le califat poursuit son expansion en conquérant le royaume wisigoth.
L’absence de représentation humaine dans l’art musulman semble leur réussir, ce qui donne des idées aux Byzantins : en 730, l’empereur Léon III publie un édit iconoclaste qui va entraîner une crise profonde et durable dans l’empire. Le pape prend alors ses distances avec Byzance, d’autant que les Byzantins ne peuvent plus défendre Rome contre les Lombards et les Arabes. Finalement, le pape appelle Pépin le bref à l’aide et les Etats-Pontificaux sont créés en 754. L’empire byzantin ne conserve plus que quelques petites enclaves en Italie.
En se faisant sacrer par le pape, les Carolingiens ont obtenu une légitimité romaine. Par la suite, Charlemagne entreprend d’agrandir le royaume franc dans toutes les directions. Celui-ci apparaît de plus en plus comme la résurgence de l’ancien empire romain d’Occident, ce qui est officialisé en l’an 800. Or l’empire romain d’Orient est alors aux mains d’une femme, Irène : le mariage est envisagé pour réunifier l’empire romain d’antan, mais Irène est renversée avant. Les 2 empires ont de toute façon trop divergé, l’un de culture romano-germanique, et l’autre romano-grec.
Sur fond de crise iconoclaste qui se poursuit à Byzance, les musulmans commencent la conquête de la Crète comme celle de la Sicile dans les années 820. Isolée, Venise prend son indépendance vis-à-vis de Byzance à cette époque. Finalement, les Byzantins réalisent que l’iconoclasme n’a fait qu’empirer la situation et le culte des images est rétabli en 843.
A partir de cette date, l’empire byzantin va retrouver confiance en lui et accroître peu à peu son rayonnement jusqu’à atteindre un nouvel apogée.
Dès le milieu du IXe siècle, le pays est saisi d’une nouvelle vitalité religieuse : en 862, Cyrille et Méthode sont envoyés jusqu’en Grande Moravie pour convertir les Tchèques et ils inventent l’alphabet cyrillique au passage. Ça favorise considérablement la conversion des autres Slaves, à commencer par les Bulgares dont le dirigeant prend le titre d’empereur sur le modèle byzantin, puis les Serbo-Croates. L’expansion du commerce byzantin favorise aussi la fondation de la Rus’ de Kiev par les Varègues, embryon de la future Russie.
De partenaire commercial, celle-ci devient vite un danger : en 907, les Russes partent piller les villes côtières. Les îles Baléares tombent dans le giron des Omeyyades à la même époque tandis que Naples et la Sardaigne sont devenues indépendantes de facto.
Les 2 principaux adversaires de Byzance restent l’empire bulgare et le califat abbasside qui continuent de menacer les frontières. Mais le règne de Constantin VII va marquer un tournant : peu à peu, les Byzantins commencent à reprendre l’offensive. Profitant de la décomposition du califat, ils parviennent à regagner un peu de terrain en Anatolie. C’est aussi à cette époque que la régente Olga de Kiev se fait baptiser, ce qui va accélérer la christianisation des Rus’.
L’expansion de l’empire byzantin s’accélère sous Nicéphore Phocas qui reconquiert la Crète, Chypre, et l’Orient jusqu’à Antioche. Son successeur Jean Tzimiskès tente de poursuivre l’avantage, mais il est confronté à la menace des Rus’ sur le front ouest qui se sont emparés d’une partie de l’empire bulgare. Il parvient finalement à les repousser, mais les Bulgares ne tardent pas à redevenir la principale menace sur le Danube. L’empereur Basile II entreprend alors une conquête méthodique de l’empire bulgare qui va l’occuper pendant 30 ans. Puis il poursuit son avantage au-delà en conquérant la Croatie. Dans le même temps à l’est, il prolonge l’expansion vers l’Arménie. A la fin de son règne en 1025, l’empire byzantin a atteint un nouvel apogée.
Cependant l’absence d’héritier mâle provoque des difficultés dynastiques qui conduisent à la perte des territoires conquis : d’abord la Croatie qui retrouve son indépendance, puis la Serbie qui obtient son autonomie en 1040. Byzance est aussi confrontée à la révolte des Bulgares, à l’invasion des Petchenègues, aux attaques des Russes, et à la progression des Normands dans le sud de l’Italie. En réaction, le patriarche de Constantinople coupe définitivement les ponts avec la papauté.
On sent déjà que l’empire byzantin est en train de replonger. L’arrivée des Turcs suivie de la Quatrième Croisade vont briser définitivement sa puissance.
Au milieu du XIe siècle, les Turcs Seldjoukides arrivent au contact de l’empire byzantin : ils remportent une victoire décisive en 1071 et profitent des troubles politiques pour envahir une bonne part de l’Anatolie qui deviendra la Turquie. Les Arméniens en profitent pour prendre leur indépendance en Cilicie.
L’expansion turque vers Jérusalem motive les Latins d’Europe Occidentale à lancer leur 1ère Croisade qui permet à l’empire byzantin de regagner du terrain en Anatolie. L’empereur Alexis Comnène parvient même à restaurer son contrôle sur la Serbie en 1115. Mais il le fait en taxant les marchands vénitiens qui répliquent en pillant les îles.
En Anatolie, la division du sultanat seldjoukide en plusieurs petits états relâche la pression sur Byzance : ça permet à l’empereur Jean Comnène de reconquérir la Cilicie arménienne en 1137. Lorsque Manuel Comnène monte sur le trône en 1143, il hérite d’un empire en voie de rétablissement. Il renforce son influence sur les états latins du levant en les aidant face aux Turcs et aux Fatimides d’Egypte. Il tente aussi de mettre la Hongrie sous tutelle par la voie militaire et diplomatique. Mais une défaite cinglante face aux Turcs en 1176 remet en cause tous ces acquis : non seulement Byzance reperd du terrain en Anatolie, mais ça motive les Serbes, les Bulgares et les Arméniens à proclamer leur indépendance. La population byzantine excédée massacre les marchands latins accusés de détourner les fonds, ce qui pousse la Troisième Croisade à prendre Chypre en 1192. Puis la Quatrième Croisade s’empare carrément de Constantinople en 1204 et l’empire byzantin est complètement démembré. Le comte Baudoin devient empereur de Constantinople, les Vénitiens récupèrent les îles, et les Grecs ne conservent plus que des petits états autour de Nicée, de Trébizonde, et en Epire. L’empire bulgare en profite pour s’étendre fortement vers le sud.
Ca ne dure pas longtemps car les Mongols font irruption en Europe et lancent des raids dévastateurs dans les années 1240 qui affaiblissent l’empire bulgare. Epargné par ces raids, l’empire grec de Nicée en profite pour regagner du terrain en Thrace, puis il récupère Constantinople en 1261. L’empire byzantin vient de renaître de ses cendres.
Pour autant, il n’y a pas forcément de quoi s’en réjouir : Byzance va traverser les 2 derniers siècles dans une sorte de longue agonie.
Dès le départ, l’empereur Michel Paléologue est confronté à l’expansion des Génois qui profitent des troubles pour s’implanter sur certaines îles : la Mer Egée devient ainsi une compétition entre Venise et Gènes. Son successeur Andronic II est confronté au regain de vitalité des Turcs qui avaient subi de plein fouet les raids mongols : ils s’emparent de la quasi-totalité de l’Anatolie à l’exception de l’empire de Trébizonde. Parmi ces états turcs figure celui d’Osman qui a fondé la dynastie des Ottomans en 1299 : il va très vite devenir le principal rival de Byzance en s’étendant aux dépens des autres beylicats.
Les Byzantins ont un peu plus de succès en Europe : l’empire parvient à repousser les assauts des Bulgares et à réintégrer le despotat d’Epire. Mais peu après, ces acquisitions sont remises en cause par l’expansion des Serbes qui fondent leur propre empire en 1346. L’Ottoman Orhan Ier en profite pour franchir les Dardanelles et poser le pied en Europe en 1354.
Heureusement pour Byzance, les Serbes et les Bulgares se dressent contre cette nouvelle menace, et l’expansion ottomane doit marquer une pause. Mais la fragmentation de l’empire serbe permet au sultan Murad Ier de remporter une victoire décisive en 1371 : l’empire ottoman annexe une partie de la Serbie et de la Bulgarie, et vassalise le reste. Quant à l’empire byzantin, il se retrouve pratiquement réduit à la ville de Constantinople. Le sultan Bayezid assiège la ville en 1394, mais l’irruption du Turco-Mongol Tamerlan l’oblige à lever le siège 4 ans plus tard.
C’est un répit inattendu pour Byzance qui va réussir à maintenir son indépendance pendant encore 55 ans. Ca me laisse 20 secondes pour vous parler des défenses redoutables de Byzance : la ville se dresse sur une péninsule face au Bosphore. Elle est fermée à l’ouest par de longues murailles qui englobent des terres cultivées et permettent de tenir de très longs sièges. Par ailleurs, l’accès au port peut être facilement verrouillé par des chaînes. Finalement, la ville ne sera prise que grâce à l’essor de l’artillerie qui permet de faire des brèches dans les murailles. Le 29 mai 1453, les Ottomans s’emparent enfin de la cité et en font leur capitale. L’empire de Trébizonde tombe peu après en 1461, ce qui marque véritablement la fin de l’empire romain après 1489 ans de continuité politique.
Il connaîtra pourtant des résurgences sous d’autres formes : en Orient, ce sont les tsars de Russie qui se réclameront de cet héritage. En Occident c’est le Saint Empire, puis l’empire de Napoléon. La mémoire de ce prestige déchu ne cessera jamais de fasciner l’Europe entière.
Justinien
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