Le 25 novembre 1465, Léon de Rosmital, seigneur tchèque, part de Prague pour «rendre visite à tous les royaumes chrétiens mais aussi à toutes les principautés religieuses et civiles en terres germaniques et romanes et tout particulièrement au Saint-Sépulcre et au tombeau du bien-aimé apôtre Jacques», à Compostelle, en Espagne.
À Saint-Jacques-de-Compostelle, à l'extrémité de la Galice, le tombeau de l'apôtre Jacques le Majeur est, depuis l'An Mil, le pèlerinage le plus populaire d'Occident.
Ce pèlerinage a été trop souvent réduit à des stéréotypes de pèlerins pieux et pauvres. L'histoire du seigneur tchèque Léon de Rosmital, au XVe siècle, témoigne d'une réalité très différente.
Un diplomate aux allures de pèlerin
Un grand seigneur très pieux ? Certes, mais Léon de Rosmital donne à son pèlerinage des raisons surprenantes. Ce départ, dit-il, doit lui permettre de «tirer au mieux profit et avantage pour sa propre vie», de «s'exercer dans l'art militaire» et «d'étudier les usages des différents pays». Ces motivations personnelles cachent en fait une mission diplomatique, secrète par essence.
Il part en ambassadeur du roi de Bohême, Georges Podiebrad, afin de convaincre les rois des pays qu'il va visiter d'adhérer à un grand projet, une fédération européenne des différents royaumes et principautés, indépendante du pape et de l'Empereur germanique (deux puissances qui le gênent dans sa politique).
Le roi de France Louis XI est séduit par ce projet qui place la France à la tête de cet organisme. Afin de convaincre les autres souverains, Georges Podiebrad s'offre à les aider à lutter contre l'avance turque dans le monde chrétien en mobilisant cette fédération d'États.
Il propose en outre un conseil permanent chargé de régler les litiges réciproques des princes. C'est ainsi que Léon de Rosmital rencontre, outre Louis XI, le duc de Bourgogne Philippe le Bon, le roi d'Angleterre Édouard IV, le roi de Castille Henri IV, le roi du Portugal Alphonse V et le roi d'Aragon Jean II.
Les rencontres sont entrecoupées de visites à différents sanctuaires. En chaque lieu, on lui montre les reliques les plus précieuses (dont la tête de saint Jacques à Saumur).
Le pèlerinage n'a rien d'austère. Il est agrémenté de nombreuses fêtes données en l'honneur de l'illustre pèlerin. Léon de Rosmital participe à de grands dîners, à des bals, à plusieurs tournois, et assiste en spectateur passionné à des combats à cheval contre des taureaux. Chemin faisant, il note ses impressions devant les sites et les populations, se conformant en cela à ses intentions de départ.
Léon de Rosmital arrive à Saint-Jacques-de-Compostelle le 15 août 1466, dans une ville où la guerre civile fait rage : deux archevêques se disputent le siège épiscopal. Après mille difficultés, le pèlerin peut enfin effectuer les gestes rituels autour du tombeau de saint Jacques.
Bibliographie
Denise Péricard-Méa est l'auteur d'un ouvrage illustré destiné augrand public : Dans les pas de saint Jacques (Paris, Tallandier-Historia, septembre 2001). Elle a aussi publié dans le magazine L'Histoire (octobre 2001) : Le pèlerinage à Compostelle a-t-il existé ? Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre : Compostelle et cultes de saint Jacques au Moyen Âge (Paris, PUF 2000).
Sur le voyage de Léon de Rosmital, on peut lire aussi : De la Bohême jusqu'à Compostelle. Aux sources de l'idée d'union européenne. Projet du roi Georges de Podebraady (1464). Récit du voyage en Europe du seigneur Léon de Rozmital (1465-1467) (Atlantica-Séguier, novembre 2008).
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Louis Mollaret (23-02-2010 08:47:20)
Contemporain de Rosmital, Jérôme Münzer a, lui aussi, fait un long périple en Europe, visitant l'Espagne et rencontrant les Rois Catholiques deux ans après la prise de Grenade. Le récit de son ... Lire la suite