En s'internationalisant, la guerre civile espagnole devient un enjeu majeur de la lutte que se livrent dans toute l'Europe les démocrates et les mouvements totalitaires de tous bords...
La guerre civile devient un enjeu européen
Dès le 22 juillet 1936, Franco, l'un des chefs de la rébellion « nationaliste », adresse une demande d'aide en matériel, en avions et en experts à Hitler. La demande est transmise au Führer alors qu'il assiste à Bayreuth au traditionnel festival Wagner.
Hitler y répond avec empressement en lançant l'opération « Feuerzauber » aux accents wagnériens. Il promet à Franco un soutien matériel et logistique, ainsi que des chars et des avions sans se soucier du financement de l'opération. Le général en profite pour traverser le détroit de Gibraltar avec ses tabors marocains.
En octobre 1936, l'amiral Wilhelm Canaris, chef de l'Abwehr, le service de renseignement de l'armée allemande, propose à Franco la création d'une unité aérienne spéciale en échange de la livraison de minerais. C'est ainsi qu'est créée la Légion Condor sous le commandement du général von Speerle.
Benito Mussolini, allié de fraîche date de Hitler, entre aussi dans l'aventure. Il envoie en Espagne pas moins de 60 000 à 70 000 soldats.
Dès le 30 juillet 1936, Français et Anglais ont la preuve de l'intervention italienne à la suite du crash d'un avion italien lourdement armé en Algérie...
À partir de ce moment, on prend l'habitude de regrouper les mouvements totalitaires nationalistes sous le nom de « fascisme » (bien que Mussolini, seul leader à proprement parler fasciste, ne partage en aucune façon les délires racistes de Hitler ou la cruauté de Franco).
Timidité des gouvernements démocrates
En dépit de l'engagement de Hitler et Mussolini, les gouvernements démocrates de Londres et Paris persistent à prôner la « non-intervention ». Ils y sont encouragés par le spectacle des violences exercées en Catalogne par les anarchistes et les communistes, notamment contre le clergé (prêtres et religieuses).
Ils ne seront hélas informés que bien plus tard des violences tout aussi exécrables (exécutions sommaires, viols collectifs, castrations) commises en Andalousie et à Badajoz par les Moros et les tercios de Franco.
• Le gouvernement de Londres appréhende une internationalisation du conflit et ne voit pas sans déplaisir l'échec d'une république espagnole marquée à gauche, écartelée entre les anarchistes et les communistes, violente et brouillonne.
• Pour sa part, le gouvernement français présidé par le socialiste Léon Blum n'ose pas s'engager ouvertement dans le conflit ; il envoie néanmois une aide militaire importante aux républicains, notamment 200 avions (note).
• L'URSS de Staline affiche bruyamment son soutien aux républicains. Elle pousse en avant les communistes espagnols, jusque-là discrets, et leur égérie, la Pasionaria.
Mais le dictateur soviétique prend soin de vendre chèrement ses armes aux républicains, engrangeant à Moscou pas moins de 510 tonnes d'or espagnol (il s'agit des réserves d'or accumulées pendant la Première Guerre mondiale grâce au fructueux commerce de l'Espagne avec les puissances combattantes).
Des volontaires de toutes sensibilités
Faisant fi, souvent, des options de leur propre gouvernement, quelques dizaines de milliers de volontaires de toutes nations, surtout français et... italiens, constituent par ailleurs des Brigades internationales et combattent aux côtés des républicains.
Parmi eux, l'écrivain Ernest Hemingway (américain) qui tirera de son expérience au sein des Brigades internationales le roman Pour qui sonne le glas. L'écrivain George Orwell (britannique) raconte quant à lui dans Hommage à la Catalogne ses combats aux côtés des militants du POUM et notamment les journées tragiques de mai 1937 durant lesquelles se sont entretués staliniens, dissidents et anarchistes. Cette expérience va conduire l'auteur au rejet du communisme.
André Malraux (français) finance une escadrille aérienne de l'armée républicaine. Son chef est le lieutenant-colonel Antonio Camacho Benitez , ex-gentilhomme de la chambre du roi marié à une aristocrate de Cordoue ! L'écrivain tirera de son expérience espagnole le roman L'Espoir.
Le communiste français André Marty (50 ans), membre du Komintern (l'internationale communiste inféodée à Staline), est nommé à la tête des Brigades internationales. Cet ancien « mutin de la mer Noire » (il avait refusé de combattre la Révolution russe en 1919) s'illustre par son incompétence et sa brutalité. Il gagne le surnom de « boucher d'Albacete » en souvenir des massacres qu'il couvre de son autorité dans cette ville.
Franco prolonge la guerre
Le 6 novembre 1936, le gouvernement de Francisco Largo Caballero (67 ans) doit quitter Madrid, assiégée par les « nationalistes ». Il s'établit à Valence, sur la côte méditerranéenne.
La victoire est dès lors à la portée de Franco. Au début de l'année 1937, il est en mesure d'attaquer et prendre Valence sans trop de difficulté avec ses alliés italiens. Il choisit de surseoir à l'opération car il aspire à une victoire totale et à l'éradiquation complète de l'ennemi. Il ne se soucie pas du coût humain de cette prolongation de la guerre et se montrera tout aussi implacable avec les vaincus une fois installé au pouvoir en 1939.
Se détournant de Valence, les nacionales ou « nationalistes » s'emparent donc de Malaga, au sud, avec l'aide des Italiens, conduits par le général Mario Roatta. Il s'ensuit encore une fois une violente répression.
L'aviation mitraille les malheureux qui s'enfuient sur la route d'Almeria. Mais la conquête de Madrid demeure l'objectif principal de Franco, chef des insurgés, auto-proclamé généralissime et « chef de l'État » à la suite de son succès de Tolède.
Franco lance en mars une offensive sur la capitale à partir du nord-est, avec une colonne de troupes carlistes conduite par le colonel Moscardó, « héros de l'Alcazar », et une autre, italienne, conduite par le général Roatta, qui s'était illustré peu avant à Malaga.
Malgré un début prometteur, les Italiens reculent face à la contre-offensive des républicains et des Brigades internationales, que raconte avec brio André Malraux dans L'Espoir.
L'effet psychologique de la bataille dite « de Guadalajara » est immense dans le monde libre où chacun prend conscience du danger que représente pour la paix mondiale la coalition des régimes nazi et fasciste.
Combats fratricides
Au conflit droite-gauche entre nacionales et republicanos se superposent très vite des conflits au sein du camp républicain, entre socialistes modérés, communistes staliniens, communistes dissidents du POUM et anarchistes. C'est qu'une bonne partie des volontaires étrangers ne se soucient guère de restaurer la République « bourgeoise ». Ils veulent rien moins qu'installer en Espagne une société révolutionnaire.
Au sein des Brigades internationales, les agents soviétiques s'occupent d'éliminer les dissidents qui portent atteinte à l'autorité de Staline bien plus que de combattre l'ennemi commun, les « nationalistes » !
À Barcelone, au sein du gouvernement de Front populaire de Largo Caballero, les anarchistes de la CNT et les communistes du POUM, font alliance contre les communistes staliniens. Ces derniers obtiennent l'exclusion du gouvernement catalan Andreu Nin, l'un des chefs du POUM. Là-dessus, le 3 mai 1937, les gardes d'assaut communistes attaquent le central téléphonique de Barcelone tenu par la CNT anarchiste.
Finalement, les Soviétiques obtiennent le 17 mai 1937 l'éviction de Largo Caballero et son remplacement à la tête du gouvernement républicain par le docteur Juan Negrin (52 ans).
Militant socialiste, Negrin a, un an plus tôt, en qualité de ministre des finances, livré à Staline l'or de la Banque d'Espagne.
Le nouveau chef du gouvernement liquide à Barcelone les derniers communistes antistaliniens du POUM. À l'initiative d'André Marty, il fait enlever, torturer et exécuter Andreu Nin.
Dans le même temps, la détermination du camp franquiste ne faiblit pas.
Guerre totale
Le 26 avril 1937, la Légion Condor bombarde la population de la petite ville basque de Guernica. On compte 800 à 1 000 victimes. C'est le premier bombardement délibéré d'une population civile.
L'émotion internationale soulevée par le drame de Guernica n'arrête pas les nacionales. Ceux-ci se préparent aux dernières offensives contre les bastions républicains.
Espagne, Espagnes
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible