Depuis 2013, la guerre et l'insécurité ravagent le Mali et plus généralement le Sahel, la bande semi-désertique qui borde le sud du Sahara. Ce drame s'inscrit dans le prolongement de la poussée islamiste au Moyen-Orient et en Afrique du Nord mais il puise ses racines dans la rivalité pluriséculaire entre les nomades « blancs » du désert et les noirs sédentaires du sud. Dans cette région dont l'islam est la matrice civilisationnelle, il est aussi nourri par l'insondable incurie des gouvernants.
La France, ancienne puissance coloniale, a cru de son devoir d'engager ses troupes pour restaurer la paix, éviter une victoire des insurgés et protéger l'Europe sur son flanc sud. Après avoir stoppé une attaque djihadiste sur Bamako, capitale du Mali, le 11 janvier 2013, le président François Hollande a maintenu son corps expéditionnaire sur place. Il a assuré le gouvernement malien de la protection de la France sans pour autant lui demander des réformes de structure et des concessions à l'égard des minorités nomades. Très vite, les troupes françaises ont été prises en étau entre un gouvernement inepte, une armée malienne inapte au combat et des insurgés insaisissables. Le 15 août 2022, le gouvernement français d'Emmanuel Macron s'est résigné à retirer ses derniers soldats, abandonnant un pays dans le chaos...
Entêtement dévastateur
Le 11 janvier 2013, au nord-est du Mali, les Touaregs et leurs alliés islamistes lancaient une offensive vers Kona et Mopti, derniers verrous avant la capitale Bamako. Cette guerre était la conséquence de plusieurs phénomènes croisés : la guerre en Libye qui a déstabilisé les populations sahariennes, le réveil des Touaregs, l'usure du pouvoir malien, le repli vers le Sahara d'islamistes chassés d'Afghanistan, etc.
Appelée à l'aide par le gouvernement malien, la France n'a pas voulu se dérober. Elle a envoyé au Mali une force d'intervention rapide qui a eu vite fait d'arrêter l'invasion et de repousser les assaillants vers le nord. Ce fut l'opération dite Serval qui a brillamment stoppé l'offensive djihadiste. Mais derrière les troupes françaises se sont engouffrés les soldats maliens, inaptes au combat mais prompts au pillage. Ils ne tardèrent pas à se venger de leurs humiliations et de leur impéritie sur les Touaregs civils, au risque de leur faire regretter les exactions des islamistes.
François Hollande, président de la République française, n'a pas osé imposer au gouvernement malien la seule mesure qui vaille : accorder aux Touaregs l'autonomie qu'ils réclament et qui pourrait les convaincre de prendre eux-mêmes en main la défense de leur territoire face aux islamistes. Guerriers du désert, habitués aux embuscades, les Touaregs auraient en effet été autrement plus qualifiés pour cette guerre que les soldats maliens issus des populations sédentaires noires du sud.
Le gouvernement malien a refusé également d'intégrer dans son armée les combattants peuls, des nomades qui vivent au sud du fleuve Niger et savent se battre tout autant que les Touaregs. Au lieu de cela, il a encouragé la formation de milices d'auto-défense, y compris dans la capitale, au risque qu'elles ne soient très vite noyautées par des islamistes. En conséquence de quoi, rejetés dans les marges, Touaregs et Peuls se sont très naturellement tournés vers les islamistes. Ils ont rejoint leurs rangs en leur apportant leur combativité...
Barkhane en voie d'enlisement
Se prévalant du succès de Serval, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian n'a pas voulu en rester là. Il a craint de voir le Mali et, par ricochet, l'ensemble du Sahel tomber aux mains des islamistes et des bandes mafieuses, comme la Libye voisine. Il a donc fait le choix de pérenniser l'intervention française. Une faute lourde de conséquences car le président fraîchement élu Ibrahim Boubakar Keïta s'est défaussé du maintien de l'ordre sur les Français et, tout occupé à détourner l'aide étrangère à son profit, il ne s'est pas soucié de rétablir la concorde dans le pays. Quant à ses généraux d'opérette, ils ne se sont plus occupés que de se remplir aussi les poches en puisant dans le budget de l'armée, en rançonnant les populations, voire en revendant leurs armes aux rebelles !
Le 1er août 2014, l'opération Serval a donc été convertie en opération Barkhane et associée aux forces militaires de cinq pays, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. De ces cinq pays, seul le Tchad d'Idriss Déby a une armée digne de ce nom. Elle est elle-même issue de la victoire des nomade toubous sur les noirs sédentaires du sud. Mais cette armée tchadienne est aussi de plus en plus bousculée sur son propre territoire par d'autres rébellions issues des confins nomades et s'est trouvée de moins en moins disponible pour combattre au sein de Barkhane.
En 2020, le corps expéditionnaire français en est venu à compter 5 100 hommes. C'est beaucoup plus qu'il y en eut jamais à l'époque de la colonisation, quand la sécurité était assurée avec quelques poignées d'officiers et des troupes indigènes. Mais cela reste un effectif somme toute très faible pour faire face à quelques centaines ou quelques milliers de djihadistes très mobiles sur un territoire semi-désertique deux fois plus vaste que la France et dans lequel l'ennemi bénéficie de la complicité des populations.
Soixante ans après leur indépendance, le Mali mais aussi le Niger et le Burkina Faso apparaissent plus que jamais démunis avec des administrations, des armées et des économies à la merci des premiers venus.
N'osant pas imposer un règlement politique et l'octroi de l'autonomie aux touaregs, la France et l'Union européenne se contentent d'ouvrir leur carnet de chèques et d'envoyer des soldats et des humanitaires. Cette solution de facilité encourage la corruption et aggrave la déliquescence des États et de leur armée, chaque clan au pouvoir n'ayant rien de plus pressé que de s'enrichir en pillant l'aide occidentale... et quitter la place pour un exil doré en Europe.
C'est en vain que soldats et humanitaires français se dévouent, parfois au sacrifice de leur vie, pour tenter de maintenir un semblant de paix et de bien-être (note). Dans le même temps, à Bamako mais aussi à Ouagadoudou et Niamey, capitales du Burkina Faso et du Niger voisins, les manifestations se multiplient à l'instigation des islamistes pour dénoncer la présence de l'ancienne puissance coloniale et la suspecter de vouloir s'approprier les « richesses » de la région (note) !
Le gouvernement civil du Mali ayant été renversé le 18 août 2020 par des colonels et ceux-ci ayant confié leur sécurité personnelle aux mercenaires du groupe russe Wagner, le corps expéditionnaire français s'est vue marginalisé avant d'être expulsé deux ans plus tard du pays...

Vos réactions à cet article
Christian (26-09-2021 07:43:34)
Sans un mot de condoléances pour le caporal-chef Maxime Blasco (notre 52ème soldat tué au Sahel depuis 2013), le premier ministre malien Choguel Maïga a critiqué sévèrement la France hier à l'ONU à p... Lire la suite
Christian (16-09-2021 03:51:11)
Ce n'est qu'une hypothèse, mais c'est peut-être la Russie qui s'apprête à prendre le relais de la France dans cette partie du monde. On vient d'apprendre en effet que le Mali envisagerait de faire app... Lire la suite
Thierry (27-11-2006 11:53:43)
Merci pour cet article une fois de plus parfaitement documenté et construit et en rapport avec l'actualité.