Le 11 janvier 2013, le président François Hollande envoie un corps expéditionnaire au Mali pour stopper la descente d’une troupe de djihadistes sur Bamako. Après quoi, sous le nom de Barkhane, cette force s’est donnée pour mission de sécuriser les cinq millions de km2 du Sahel avec 4000 hommes. 58 d’entre eux ont perdu la vie avant que soit mis fin à l’opération en 2022.
La justification donnée à cette opération par le président Hollande et son ministre des Armées Jean-Yves Le Drian était de protéger l’Europe contre une poussée islamiste... Comme si l’Europe, séparée du Sahel par la Méditerranée et les trois grands États du Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, eux-mêmes dotés de solides armées, pouvait craindre quoi que ce soit des bandes de pillards et de rebelles qui sillonnent la savane !
Très vite, les troupes françaises ont été prises en étau entre un gouvernement inexistant, une armée malienne inapte au combat et des insurgés insaisissables. Le 15 août 2022, le gouvernement d'Emmanuel Macron s'est résigné à retirer ses derniers soldats, abandonnant un pays et une région dans le chaos. La fin de Barkhane signe l'éviction de la France de toute la frange sahélienne (Mali, Haute-Volta, Niger,... sans compter la Centrafrique).
Entêtement dévastateur
Après la chute de Mouammar Khadafi et la dispersion des combattants libyens en 2011, la guerre et l'insécurité gagnent le Mali et plus généralement le Sahel, la bande semi-désertique qui borde le sud du Sahara. Ce drame s'inscrit dans le prolongement de la poussée islamiste au Moyen-Orient et en Afrique du Nord mais il puise ses racines dans la rivalité pluriséculaire entre les nomades « blancs » du désert et les noirs sédentaires du sud. Dans cette région dont l'islam est la matrice civilisationnelle, il est aussi nourri par l'insondable incurie des gouvernants.
C'est ainsi que le 11 janvier 2013, au nord-est du Mali, les Touaregs, désireux de recouvrer leur autonomie, s'allient aux islamistes pour lancer une offensive vers Kona et Mopti, derniers verrous avant la capitale Bamako. Appelée à l'aide par le gouvernement malien et en dépit des menaces à l'encontre de ses ressortissants dans la région, la France, ancienne puissance coloniale, ne veut pas se dérober.
Le président François Hollande juge de son devoir d'engager ses troupes pour restaurer la paix, éviter une victoire des insurgés et protéger l'Europe sur son flanc sud. Il envoie au Mali une force d'intervention rapide qui a vite fait de repousser les assaillants vers le nord. C'est l'opération dite Serval qui stoppa brillamment l'offensive djihadiste. Mais derrière les troupes françaises se sont engouffrés les soldats maliens, inaptes au combat mais prompts au pillage. Ils ne tardent pas à se venger de leurs humiliations et de leur impéritie sur les Touaregs civils, au risque de leur faire regretter les exactions des islamistes.
Mais le président de la République française n'ose pas imposer au gouvernement malien la seule mesure qui vaille : accorder aux Touaregs l'autonomie qu'ils réclament et qui pourrait les convaincre de prendre eux-mêmes en main la défense de leur territoire face aux islamistes. Guerriers du désert, habitués aux embuscades, les Touaregs auraient en effet été autrement plus qualifiés pour cette guerre que les soldats maliens issus des populations sédentaires noires du sud.
Le gouvernement malien refuse également d'intégrer dans son armée les combattants peuls, des nomades qui vivent au sud du fleuve Niger et savent se battre tout autant que les Touaregs. Au lieu de cela, il encourage la formation de milices d'auto-défense, y compris dans la capitale, au risque qu'elles soient très vite noyautées par des islamistes. En conséquence de quoi, rejetés dans les marges, Touaregs et Peuls se sont très naturellement tournés vers les islamistes. Ils ont rejoint leurs rangs en leur apportant leur combativité...
Barkhane en voie d'enlisement
Se prévalant du succès de Serval, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian ne veut pas en rester là. Il craint de voir le Mali et, par ricochet, l'ensemble du Sahel tomber aux mains des islamistes et des bandes mafieuses, comme la Libye voisine. Il fait donc le choix de pérenniser l'intervention française.
Une faute lourde de conséquences car le président fraîchement élu Ibrahim Boubakar Keïta se défausse du maintien de l'ordre sur les Français et, tout occupé à détourner l'aide étrangère à son profit, il ne se soucie pas de rétablir la concorde dans le pays. Quant à ses généraux d'opérette, ils ne sont occupés que de se remplir aussi les poches en puisant dans le budget de l'armée, en rançonnant les populations, voire en revendant leurs armes aux rebelles !
Le 1er août 2014, l'opération Serval est donc convertie en opération Barkhane et associée aux forces militaires de cinq pays, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. De ces cinq pays, seul le Tchad d'Idriss Déby a une armée digne de ce nom. Elle est elle-même issue de la victoire des nomade toubous sur les noirs sédentaires du sud. Mais cette armée tchadienne est aussi de plus en plus bousculée sur son propre territoire par d'autres rébellions issues des confins nomades et se trouve de moins en moins disponible pour combattre au sein de Barkhane.
En 2020, le corps expéditionnaire français en vient à compter 5 100 hommes. C'est beaucoup plus qu'il y en eut jamais à l'époque de la colonisation, quand la sécurité était assurée avec quelques poignées d'officiers et des troupes indigènes. Mais cela reste un effectif somme toute très faible pour faire face à quelques centaines ou quelques milliers de djihadistes très mobiles sur un territoire semi-désertique deux fois plus vaste que la France et dans lequel l'ennemi bénéficie de la complicité des populations.
Soixante ans après leur indépendance, le Mali mais aussi le Niger et le Burkina Faso apparaissent plus que jamais démunis avec des administrations, des armées et des économies à la merci des premiers venus.
N'osant pas imposer un règlement politique et l'octroi de l'autonomie aux touaregs, la France et l'Union européenne se contentent d'ouvrir leur carnet de chèques et d'envoyer des soldats et des humanitaires. Cette solution de facilité encourage la corruption et aggrave la déliquescence des États et de leur armée, chaque clan au pouvoir n'ayant rien de plus pressé que de s'enrichir en pillant l'aide occidentale... et quitter la place pour un exil doré en Europe.
C'est en vain que soldats et humanitaires français se dévouent, parfois au sacrifice de leur vie, pour tenter de maintenir un semblant de paix et de bien-être (note). Dans le même temps, à Bamako mais aussi à Ouagadoudou et Niamey, capitales du Burkina Faso et du Niger voisins, les manifestations se multiplient à l'instigation des islamistes pour dénoncer la présence de l'ancienne puissance coloniale et la suspecter de vouloir s'approprier les « richesses » de la région (note) !
Le gouvernement civil du Mali ayant été renversé le 18 août 2020 par des colonels et ceux-ci ayant confié leur sécurité personnelle aux mercenaires du groupe russe Wagner, le corps expéditionnaire français s'est vue marginalisé avant d'être expulsé deux ans plus tard du pays...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Voir les 4 commentaires sur cet article
Christian (05-08-2023 08:04:22)
A supposer que ce soit souhaitable, seul le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, est peut-être en mesure d'intervenir contre les putschistes du Niger au nom de la CEDEAO (Communauté économique ... Lire la suite
Christian (26-09-2021 07:43:34)
Sans un mot de condoléances pour le caporal-chef Maxime Blasco (notre 52ème soldat tué au Sahel depuis 2013), le premier ministre malien Choguel Maïga a critiqué sévèrement la France hier à l... Lire la suite
Christian (16-09-2021 03:51:11)
Ce n'est qu'une hypothèse, mais c'est peut-être la Russie qui s'apprête à prendre le relais de la France dans cette partie du monde. On vient d'apprendre en effet que le Mali envisagerait de faire... Lire la suite