Une vidéo montre la future reine faisant le salut hitlérien aux côtés de sa mère et de son oncle, le futur roi Édouard VIII. Faut-il s'en offusquer ?...
Une nouvelle fois, le tabloïd anglais The Sun a frôlé le crime de lèse-majesté avec une vidéo familiale montrant deux fillettes en train de jouer avec leur chien, leur mère et leur oncle.
Curieusement, le journal surinterprète la vidéo avec un commentaire qui implique directement le prince de Galles : « Secret 1933 film shows Edward VIII teaching this Nazi salute to the Queen » (« Un film secret de 1933 montre Édouard VIII enseignant le salut nazi à la Reine »).
La vidéo que l'on peut voir est un tantinet différente : dans la passion du jeu, la jeune mère, future Queen Mum, lève le bras droit d'un air décidé. Ses fillettes puis l'oncle Édouard reprennent le geste. On est en 1933 au château de Balmoral, en Écosse.
De l'autre côté de la Manche, un petit bonhomme à moustache lève aussi le bras droit mais ce n'est pas pour rire !...
Cette vidéo exprimerait-elle une coupable sympathie de la famille royale britannique pour le leader nazi ? Ou seulement la réminiscence de quelques conversations de table autour de son accession au pouvoir ? Pour en avoir le coeur net, des historiens anglais réclament l'ouverture des archives privées des Windsor sur lesquelles la reine Elizabeth II veille jalousement.
Bons patriotes
Il n'est pas sûr que ces archives nous apprennent grand-chose qu'on ne sache déjà. Par leur origine hanovrienne et de nombreux mariages dont celui de Victoria avec Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, les souverains britanniques ont une ascendance plus allemande qu'anglaise et donc une attention toute particulière pour les affaires d'outre-Rhin.
Cela ne les a pas empêchés de se comporter en bons patriotes et même de façon courageuse pendant le premier conflit mondial et plus encore pendant le second. Aux côtés de son mari George VI, le roi bègue, et au milieu des Londoniens, Elizabeth Bowes-Lyon a encaissé stoïquement le Blitz. Leur fille aînée, future Elizabeth II, s'est engagée pour sa part comme ambulancière dans l'armée.
Ses états de service n'ont pas pour autant conduit la famille royale à militer dans les rangs de la gauche travailliste ou aux côtés des mineurs. Chacun à sa place !... On peut y voir une forme de mépris de classe. De fait, les chroniqueurs mondains prêtent aux Windsor des comportements hautains et une morgue que l'on retrouve dans la haute aristocratie anglaise. Faut-il leur en faire reproche ? Ou pire encore, y voir une prédisposition pour le nazisme ?
Gare aux anachronismes
Entre les deux guerres mondiales, ces comportements s'accommodaient à la perfection des idées qui avaient cours dans les élites intellectuelles européennes, qu'elles soient classée à gauche ou à droite : l'eugénisme et le souci d'« améliorer la race » par la sélection naturelle et le sport ou encore la « mission civilisatrice » de la race blanche.
Bourgeois et prolétaires partageaient également une commune méfiance à l'égard de la finance juive réputée « cosmopolite ». Autant dire que les idées véhiculées par les partis totalitaires n'avaient rien pour effrayer les consciences molles, à savoir l'immense majorité des Européens.
De fait, au tout début des années 1930, une grande partie de l'Europe continentale est déjà tombée sous la coupe de régimes antiparlementaires ou de dictatures, de l'URSS au Portugal en passant par la Hongrie, la Pologne, l'Autriche, l'Italie etc. La démocratie parlementaire de type anglo-saxon est en voie de disparaître d'Europe continentale (à l'exception de la Suisse et de la façade nord-atlantique).
La plupart des observateurs, y compris les plus lucides comme Churchill lui-même, en viennent à penser que les régimes de type mussolinien sont pour les Européens du Continent un moindre mal face aux horreurs staliniennes. Il est vrai que l'antisémitisme nazi n'a pas encore démontré son pouvoir de nuisance et paraît même falot à côté de ses homologues polonais ou soviétique.
Aussi devons-nous nous abstenir de tout jugement à l'emporte-pièce sur les opinions des uns et des autres à l'orée des années 1930... en gardant humblement à l'esprit les considérations que les historiens du futur tireront de notre inaction face aux grands défis du moment : crise de la monnaie unique, djihadisme et alliances douteuses, pressions migratoires, réchauffement climatique, pollutions...