Alfred Hitchcock (1899 - 1980)

Maître incontesté du grand frisson

Alfred Hitchcock sur le plateau de Psychose (1960). En agrandissement : Sur le plateau d'Alfred Hitchcock Presents en 1956.

ChantageLes 39 marchesL'Inconnu du Nord-Express, La mort aux trousses, VertigoPsychoseLes Oiseaux, Fenêtre sur cour... 

Indémodables, ces chefs-d’œuvre du cinéma mondial signés Alfred Hitchcock tiennent aujourd'hui encore le spectateur en haleine du début à la fin.

Le grand public fut le premier à reconnaître le talent du maître incontesté du suspens et du frisson. Car Hitchcock, assimilé au divertissement, fut longtemps boudé par ses pairs. Mais si les Britanniques et les Américains l’ont conspué, la France a su l’élever au rang de grand cinéaste qu’il méritait...

Charlotte Chaulin
De Londres à Hollywood

Alfred Hitchcok est né le 13 août 1899 à Leytonstone, dans la banlieue nord-est de Londres. Baignant dans la religion catholique, il fréquente le collège jésuite St Ignatius de Stamford Hill. Son éducation religieuse a laissé des traces comme en témoignent maintes allusions au christianisme dans ses films.

La sévérité paternelle lui a aussi inspiré la crainte des châtiments corporels ainsi qu'il l'a plusieurs fois raconté à à des journalistes venus l’interroger : alors qu’il était âgé de cinq ans, son père l’aurait envoyé au commissariat avec une missive à remettre au commissaire. Une fois que ce dernier en eut pris de connaissance, il l’enferma aussitôt dans une cellule pendant dix minutes, expliquant que « c’est ce qu’on fait aux petits garçons méchants ». Une anecdote freudienne qui expliquerait sa crainte de la police, du père et son obsession pour les vrais ou faux coupables. Toujours est-il que le thème préféré du futur grand cinéaste sera l’innocent accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis.

« Dans l’ombre d’Hitchcock : Alma et Hitch », documentaire du cinéaste Laurent Herbiet, présenté au FIPADOC de Biarritz. En agrandissement : Alfred Hitchcock avec sa femme, Alma Reville, et sa fille Patricia, en 1939.

Il fait ses premiers pas au cinéma en Angleterre dans le registre du film muet, dans la compagnie Famous Players, comme concepteur d’intertitres. En 1923, sur le tournage du film Woman to Woman (La Danseuse blessée) de Graham Cutts, au scénario duquel il collabore, il rencontre Alma Reville. Trois ans plus tard, il l’épouse à l’Oratoire de Londres. Une connivence à la ville comme à la scène, Alma sera sa collaboratrice pendant toute sa carrière, participant à l'écriture de plusieurs scénarios.

Affiche du film Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock 1963). En agrandissement : un extrait du film.La dernière collaboration de Cutts et d'Hitchcock conduit ce dernier en Allemagne en 1924, où il travaille en tant que décorateur puis scénariste. Le film Le Voyou (1925) réalisé par Cutts et coécrit par Hitchcock, est produit à Potsdam, près de Berlin. Alfred Hitchcock a alors l'occasion d'assister au tournage du Dernier des hommes (1924) de Friedrich Wilhelm Murnau. Cette expérience le marque profondément et Hitchcock s’inspirera beaucoup des réalisateurs expressionnistes allemands, notamment Murnau et Fritz Lang.

C'est en 1925 qu'il réalise son premier film, Le jardin du Plaisir, immédiatement salué par la critique en Angleterre. Hitchcock donne au cinéma britannique quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, parmi lesquels Les 39 Marches (1935), Agent secret (1936) et Une femme disparaît (1938). 

Il décide ensuite de conquérir le marché international à Hollywood, invité par un ponte du cinéma américain de l’époque, David O. Selznick, producteur, entre autres, du film Autant en emporte le vent (1936) de Victor Fleming. 

Son premier long métrage tourné sur le sol américain, Rebecca (1940) est acclamé par la critique et le public. Suivent d’immenses succès commerciaux, Fenêtre sur cour (1954), Vertigo (1957), La Mort aux trousses (1959), Psychose (1960) et Les Oiseaux (1963).

Extrait du film Rebecca d'Alfred Hitchcock (1940). En agrandissement : l'affiche du film.

Littérature et cinéma font bon ménage. Si Hitchcock est un grand réalisateur à la personnalité débordant d’inventivité, d’imagination et d’humour, les intrigues de ses films proviennent souvent d’adaptations d’œuvres littéraires. Rebecca et Les Oiseaux sont tirés de nouvelles de Daphné du Maurier, Vertigo d’un roman de Boileau-Narcejac, Psychose d’un roman de Robert Bloch, Les 39 marches d’un roman de John Buchan, Jeune et innocent d’un roman de Joséphine Tey.

Ces histoires, bourrés de suspens, ont passionné le cinéaste. Qu’est-ce que le suspens ? Hitchcock le définit en opposition à la surprise qui est, par exemple, un meurtre soudain auquel on ne s’attend pas. Le suspens consiste, quant à lui, à dévoiler le plan des futurs assassins et à voir si le héros saura le déjouer.

Les hommes préfèrent les blondes

Dans les années 1950, Hitchcock, fervent francophile, se rend régulièrement à Paris où il apprécie loger au luxueux Plaza Athénée pour faire la promotion de ses films dans les rues de la capitale. «  La France et Paris ont toujours représenté pour lui la légèreté, le romantisme, la gastronomie. Tout ce qu'il adorait dans la vie », explique Patrick McGilligan, biographe américain du cinéaste.

Caméo d'Alfred Hitchcock dans La main au collet (1955). En agrandissement : James Stewart et Grace Kelly dans Fenêtre sur cour (1955).En France, il tourne deux films : L'étau avec Philippe Noiret et surtout en 1954 La Main au collet, avec Cary Grant et Grace Kelly. C’est lors du tournage de ce dernier que la belle américaine bénéficie pour sa promotion d’une séance photo avec le prince Rainier qui débouchera sur une histoire d’amour qui va faire la prospérité de la principauté de Monaco.

Si «  les hommes préfèrent les blondes », comme le raconte en musique Howard Hawks dans sa cultissime comédie de 1953 mettant en scène le belle Marilyn Monroe, Hitchcock en est bien la preuve ! Les premiers rôles de ses films sont très souvent confiés à des actrices blondes : c’est le cas de Madeleine Carroll dans Les 39 marches, Ingrid Bergman dans Les Enchaînés, Marlene Dietrich dans Le Grand Alibi, Grace Kelly dans Le crime était presque parfaitFenêtre sur cour et La Main au collet, Kim Novak dans Sueurs froides, Eva Marie Saint dans La Mort aux trousses, Janet Leigh dans Psychose ou encore Tippi Hedren dans Les Oiseaux.

Les hommes qui leur font face sont des bellâtres, souvent avec des têtes de premier de la classe, qui font rêver les spectateurs : Laurence Olivier, Grégory Peck, Montgomery Clift, Henry Fonda mais ses acteurs fétiches restent Cary Grant et James Stewart. Les hommes veulent leur ressembler, et les femmes les épouser.

Comme tout réalisateur qui se respecte, Hitchcock a ses petites manies. Dans presque tous ses films, il fait de rapides apparitions de quelques secondes. On peut le voir prendre le bus aux côtés de Cary Grant dans la Main au Collet, monter dans un train avec un violoncelle dans l’Inconnu du Nord-Express, rater un bus dans La mort aux trousses

James Stewart dans Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock (1954). En agrandissement : Janet Leigh dans Psychose (1960).

Mais ne dévoilons pas tout, à vous de le retrouver ! Ces apparitions sont ce qu’on appelle dans le langage cinématographique un caméo.

Si le cinéaste a inventé une machine à effrayer, c'est parce qu'il est avant tout un homme de son temps, un artiste qui puise son inspiration dans son vécu et son analyse du XXème siècle, un siècle « hitchcockien ». Les totalitarismes constituent la toile de fond de plusieurs de ses films : SabotageCorrespondant 17Cinquième colonneLes EnchaînésLe Rideau déchiré...

Ses décors témoignent de ses inspirations. La maison de Norman Bates dans Psychose est un mélange subtil du tableau House by the Railroad de Edward Hopper et de la maison de la famille Addams dans le dessin animé de Charles Adams (1938).

Le rôle de la France dans sa reconnaissance

Hitchcock est un vrai technicien. Il est capable de tourner un film d’une heure et vingt minutes en onze plans-séquences (La Corde), de faire une scène sous une douche de quarante-cinq secondes et soixante-dix-huit plans (Psychose), une œuvre qui tire vers le genre historique (Les Amants du Capricorne), une autre vers le fantastique (Les Oiseaux), un film en VistaVision et en Technicolor (La Main au collet) ou encore des téléfilms à l’image carrée et en noir et blanc à partir de 1955.

Le cinéaste ne se cantonne pas à ce qu’il maîtrise mais cherche constamment à se renouveler, à prendre des risques, à déjouer les attentes de son public et du système. Pourtant, il ne parvient pas à se défaire de son statut de « maître du divertissement ». Les gourous du septième art continuent de le bouder. C’est la France qui lui vient en aide. Les critiques dithyrambiques des Cahiers du Cinéma dans les années 1960, qui voient en lui l’inventeur d’une nouvelle écriture cinématographique, vont avoir une influence considérable dans le milieu hollywoodien.

Entretien entre François Truffaut et Alfred Hitchcock dans les années 1960. En agrandissement : affiche du film Complot de famille (1976).

Jean Douchet écrit en 1967 : « Le titre "maître du suspense" est volontiers décerné à Hitchcock et il convient de l’envisager comme la principale définition de l’œuvre hitchcockienne. L’histoire de l’épée de Damoclès en est la plus célèbre illustration. Le suspense exprime la plus ancienne attitude philosophique. Il porte en lui la forme primitive de l’angoisse existentielle, car il est lié à un sentiment d’insécurité fondamentale. »

Le réalisateur de la nouvelle vague, François Truffaut, participe à élever Hitchcock au rang de grand cinéaste. En 1962, il débute la rédaction d’un livre issu d’entretiens avec Hitchcock qui paraît en 1967. Un an après la sortie de l’ouvrage, la reconnaissance internationale du maître du suspens a lieu. 

En 1971, Alfred Hitchcock est fait chevalier de la Légion d'honneur. Mais alors que le cinéma reconnaît enfin son talent, Hitchcock est sur le déclin. Complot de famille, sort en 1976 et rencontre un accueil mitigé. Ce sera son dernier film. 

Il prépare ensuite l'adaptation d'un roman d'espionnage de Ronald Kirkbride, The short night mais son état de santé ne lui permet pas de mener à bien ce nouveau projet. L’arthrite lui cause d’intenses douleurs aux genoux. Pour oublier la douleur, il a la main lourde sur le cognac et la vodka.

Affiche du film Hitchcock de Sacha Gervasi (2012) avec Anthony Hopkins. En agrandissement : extrait du remake de Psychose par Gus van Sant (1998).L’American Film Institute organise une soirée à Hollywood pour lui rendre hommage en 1979. Quelle consécration ! Pourtant, l’angoisse est palpable. « Hitch », comme on le surnomme dans le milieu, est angoissé par cette cérémonie qu’il pressent comme un mauvais présage. La maladie gâche un peu la soirée, présidée par Ingrid Bergman, souffrant d’un grave cancer. Et le couple Hitchcock a grise mine, leur état de santé dégradé est flagrant. 

À Noël 1979, la reine d'Angleterre le nomme « grand chevalier de l'empire britannique » et lui accorde le titre de Sir Alfred. Il fait sa dernière apparition publique le 16 mars 1980 puis rédige son testament. Jusqu’à sa mort, il ne verra plus personne à part son unique fille Patricia.  Alfred Hitchcock meurt dans son sommeil des suites d’une insuffisance rénale à l’âge de 80 ans, le 29 avril 1980. 

C'est la voix off de Jean-Luc Godard, dans ses Histoire(s) du cinéma, qui explique le mieux à quel point ce génial artiste avait su s'emparer de l'imaginaire des foules au XXe siècle : « Alfred Hitchcock réussit là où échouèrent Alexandre, Jules César, Napoléon : prendre le contrôle de l'univers. » 

Aujourd’hui, Alfred Hitchcock est le cinéaste le plus cité, pastiché, parodié, repris de l’Histoire du cinéma. De grands réalisateurs, officiant dans des genres variés, ont rendu hommage au réalisateur par différents biais. Avec des remakes de ses films, par exemple, ou en diffusant des extraits de ses films dans leurs propres productions, c’est le cas de Gus Van Sant, Brian de Palma, François Truffaut ou encore des frères Coen.

En 2012, Anthony Hopkins campait le réalisateur dans un biopic retraçant son parcours. Mais Hitchcok et le cinéma, c’est une histoire d’amour qui n’en finit pas. La seriemania reprend le flambeau des hommages, notamment avec la série Bates Motel qui revient sur la relation entre le tueur fou de Psychose et sa mère, diffusée sur Netflix en 2020. 

L'homme qui en savait trop (1934)

À 35 ans, Hitchcock tourne pour la Gaumont un premier film d'espionnage The man who knew too much, avec une histoire très simple :  à Saint-Moritz, Suisse, un Anglais recueille fortuitement les derniers mots d'un agent secret qui vient d'être tué. Il apprend l'imminence d'un assassinat politique à Londres. Mais les tueurs enlèvent son enfant pour l'obliger à se taire... Inspiré par l'expressionnisme allemand et d'une facture maladroite, le film recueille néanmoins un certain succès. Vingt ans plus tard, dans la pleine maîtrise de son art, Hitchcock réalise pour la Paramount une deuxième version de l'histoire, entre Marrakech et l'Albert Hall de Londres, avec James Stewart et Doris Day. C'est un triomphe d'autant plus que le film est assorti d'une chanson qui va conquérir les coeurs, Que sera sera...


Publié ou mis à jour le : 2022-06-26 07:51:43
Guillaume_rc (29-07-2020 14:43:21)

Petit complément d'information concernant les caméos d'Hitchcock. Comme tout le monde les guettait dans ses films, Hitchcock, voulant avant tout maintenir la tension et préserver le suspense, a pl... Lire la suite

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