Miklos Horthy (1868 - 1957)

Amiral sans flotte, régent d'un pays sans roi

L’amiral Horthy, régent de Hongrie entre 1920 et 1944, fut selon ses détracteurs la double incarnation du néant : amiral d’un pays sans accès à la mer, régent d’un pays sans roi.

Il figure en bonne place parmi les chefs autoritaires qui ont gouverné la majorité des pays européens entre les deux guerres mondiales.

Michel Psellos
L'amiral Miklos Horthy, Régent de Hongrie, en 1931 (18 juin 1868, Kenderes - 9 février 1957, Estoril, Portugal)

L'ascension chanceuse d'un Hongrois

Miklos (en français : Nicolas) Horthy naît en 1868 dans une famille de petite noblesse de la plaine centrale hongroise, à l’époque où le compromis austro-hongrois de 1867 crée la double monarchie dont François-Joseph 1er, empereur d’Autriche et roi de Hongrie, est la clé de voûte. Cette réforme ouvre de nouvelles perspectives de carrière aux Hongrois qui acceptent cette demi-sujétion de leur pays à l’Autriche, au lieu de s’obstiner à réclamer une indépendance complète.

C’est le cas de la famille Horthy qui sait gérer les situations complexes : les Horthy sont de confession calviniste dans un pays à majorité catholique, mais leurs épouses sont catholiques (comme la mère et de la femme de l’amiral) et élèvent leurs fils dans la foi calviniste.

Horthy est éduqué dans un collège germanophone, condition sine qua non d’accès aux écoles de formation des officiers de l’empire, et réussit l’examen d’entrée à l’académie navale austro-hongroise de Fiume, située sur la côte adriatique dans le « royaume » de Croatie associé à la Hongrie comme cette dernière l’est à l’Autriche.

Miklos Horthy pendant la Première Guerre mondialeIl y apprend d’autres langues utiles à un officier de marine : le croate pour commander aux marins souvent originaires de cette région côtière, l’anglais pour se faire comprendre entre navires de pavillons différents.

Le jeune Horthy, qui ne sera jamais un intellectuel, effectue un parcours scolaire médiocre à l’académie navale, mais révèle son tempérament par la suite, dans ses fonctions d’officier de marine : il est sportif, a épousé une femme un peu plus fortunée qui sait recevoir, et montre une souplesse de caractère qui fait merveille dans son commandement d’un navire de guerre ancré au large d’Istanbul pendant la deuxième guerre balkanique, en appui militaire des menées diplomatiques de l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie auprès de l’empire ottoman.

De telles qualités jointes à sa parfaite connaissance des principales langues de l’empire ne passent pas inaperçues, et le voici appelé en 1909, à l’âge de 41 ans et muni du grade de lieutenant-colonel, aux fonctions stratégiques d’aide de camp de l’empereur François-Joseph qu’il partage avec 3 autres aides de camp, des généraux d’autres armes. Il y passe 5 ans et en retire une admiration sans bornes à l’égard du vieil empereur, puis prend le commandement d’un bateau sur l’Adriatique après la déclaration de guerre de 1914.

Il devient en mai 1917 le héros d’un épisode amplement relaté par la presse, durant lequel il parvient malgré ses blessures à tirer son bateau d’affaire face à la marine italienne après une tentative ratée de levée du blocus de l’Adriatique, à Otrante.

La marine austro-hongroise ne faisant pas preuve d’une grande efficacité, le nouvel empereur Charles qui a succédé en 1916 à François-Joseph décide au printemps 1918 de rajeunir son commandement et nomme à sa tête Horthy, qui est promu amiral à l’âge de 50 ans et passe ainsi devant une trentaine d’amiraux plus âgés.

La plus brillante carrière dans les armées de l’empire s’ouvre désormais à lui, mais tout s’effondre en quelques mois : l’Autriche-Hongrie vaincue est démembrée, Horthy doit remettre le commandement de sa flotte aux nouveaux dirigeant de la Yougoslavie qui seule conserve un accès à la mer.

Le reste de l’empire est dispersé entre une Autriche réduite à sa plus simple expression, une Tchécoslovaquie et une Roumanie qui tirent leur épingle du jeu en emportant des pans entiers de territoires où cohabitent tant bien que mal des populations slovaques, roumaines et hongroises : la Hongrie vaincue est en effet réduite au tiers de son ancien territoire par le traité de Trianon de 1920.

Les soubresauts qui précèdent le partage de la Hongrie voient la « République des conseils » du communiste Bela Kun imposer une « terreur rouge » en 1919, puis la réaction monarchiste l’emporter grâce à une armée dont le commandement a été confié à Horthy.

L'amiral Miklos Horthy fait son entrée à Budapest le 16 novembre 1919 (18 juin 1868, Kenderes - 9 février 1957, Estoril, Portugal)

Dérive autoritaire

Il fait une entrée triomphale à Budapest le 16 novembre 1919 mais ne se grandira pas en laissant ses troupes se livrer à une « terreur blanche » encore plus cruelle.

Dans la foulée de cette reconquête, la Hongrie restée un royaume élit Horthy au poste de régent, dans l’attente du choix d’un nouveau roi rendu presque impossible par le refus des alliés vainqueurs de voir l’ancien empereur Charles ou tout autre Habsbourg se réinstaller sur le trône de Hongrie.

Horthy éconduira à deux reprises Charles venu reprendre possession de son trône, ce qui lui vaudra une réputation indélébile de traître à son serment de loyauté : peut-être en effet les Alliés auraient-ils fait contre mauvaise fortune bon cœur si Charles s’était réinstallé à la tête de la Hongrie, ou peut-être auraient-ils décidé de l’en déloger par la force, la question est impossible à trancher.

En tout cas, Horthy demeurera régent pendant un quart de siècle ans jusqu’en 1944, avec des pouvoirs considérablement étendus à partir de 1931, dans un pays obnubilé par le « révisionnisme », c’est-à-dire la volonté d’obtenir une révision du traité de Trianon pour récupérer les provinces perdues.

Les Alliés auteurs des traités de paix de 1919-1920 n’entendant pas rouvrir la boîte de Pandore, la Hongrie est conduite à se tourner vers l’Autriche et l’Allemagne pour obtenir satisfaction, malgré la grande méfiance de Horthy pour Hitler.

Au cours de deux « arbitrages de Vienne » en 1938 puis 1940 qui suivent le dépeçage de la Tchécoslovaquie, la Hongrie récupère les territoires convoités de Ruthénie sur la Slovaquie et une partie seulement de la Transylvanie sur la Roumanie. Horthy aimerait s’en tenir là et se limiter à une politique antisémite d’affichage pour complaire à Hitler. Il refuse aussi bien de déporter la population juive hongroise (un million de personnes, soit environ le dixième de la population totale) que de suivre l’Allemagne dans la Seconde Guerre mondiale.

Humour hongrois

L’absurdité tragique de la situation de la Hongrie et de son régent est résumée par ce dialogue, qui se serait tenu en 1942 entre le chargé d’affaires hongrois à Washington et un haut fonctionnaire du Département d’État, peu de temps après l’entrée en guerre des États-Unis :

- La Hongrie est-elle une république ?
- Non, monsieur, c’est un royaume.
- Vous avez donc un roi ?
- Non, nous avons un amiral.
- Vous avez donc une flotte ?
- Non, car nous n’avons pas de mer.
- Avez-vous des revendications envers qui que ce soit ?
- Oui.
- Envers les Etats-Unis ?
- Non.
- Envers l’Angleterre ?
- Non.
- Envers la Russie ?
- Non.
- Alors envers qui avez-vous des revendications ?
- Envers la Roumanie.
- Vous allez donc entrer en guerre contre la Roumanie ?
- Non monsieur, nous sommes alliés.

Lâches compromissions

Horthy finit par entrer dans le conflit en 1941 en participant à l’invasion de la Yougoslavie. C'est afin de récupérer la Voïvodine. Puis il s'associe à l’attaque de l’URSS qui signera sa perte : après la défaire allemande devant Stalingrad, l’armée hongroise présente en Russie est décimée et Horthy essaie de revenir à la neutralité pour préserver les acquis territoriaux sans se trouver à nouveau dans le camp des futurs vaincus.

Miklos Horthy et Hitler en 1938Hitler ne l’entend pas de cette oreille et la Hongrie est envahie début 1944 par l’armée allemande. Elle déporte la population juive et se livre à des exactions avec l’aide du parti nazi hongrois qu’elle a porté au pouvoir.

Le 17 octobre 1944, Horthy est lui-même enlevé par le SS Skorzeny, celui-là même qui avait libéré Mussolini un an plus tôt. Il est aussitôt déporté en Bavière.

La suite est encore pire pour la malheureuse Hongrie, qui subit comme la Pologne l’invasion de l’Armée Rouge pour la « libérer » de la Wehrmacht et tombe ainsi de Charybde en Scylla.

Après avoir libéré Horthy des Allemands en 1945, les Américains ont considéré après quelque hésitation qu’il n’y avait pas lieu de le faire comparaître en tant que criminel de guerre au procès de Nuremberg, puisqu’il avait seulement essayé de profiter de la situation tout en essayant de protéger sa population.

Il s’exile au Portugal où il meurt en 1957, après avoir vu son pays revenir à ses frontières étriquées de 1920 puis subir à nouveau la botte de l’URSS après la révolte de 1956.


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Publié ou mis à jour le : 2019-06-05 16:39:16

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