19 février 1803

Les Suisses adoptent l'« Acte de médiation »

Fin 1802, le Premier Consul Napoléon Bonaparte se lasse des désordres continuels dans la République helvétique « une et indivisible » constituée cinq ans plus tôt.

Il décide en conséquence de donner à ce pays montagnard de 1,5 millions d'habitants une structure fédérale plus conforme à ses traditions. Cette structure a survécu pour l'essentiel jusqu'à nos jours.

Gabriel Vital-Durand
Napoléon Bonaparte remet l'Acte de médiation aux délégués helvétiques (gravure d'époque)

La renaissance des cantons

Quatre tentatives de coup d'État ont déjà eu lieu dans la République helvétique et seule la présence des troupes d'occupation a permis de maintenir les institutions unitaires. Bonaparte convoque à Paris une délégation des cantons, la « Consulta », et recueille ses doléances et suggestions.

On lui prête ces observations : « La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par les événements qui s'y sont succédé depuis plusieurs siècles, soit par la situation géographique, soit par les différentes langues, les différentes religions, et cette extrême différence de moeurs qui existe entre ses différentes parties. La nature a fait votre État fédératif, vouloir la vaincre n'est pas d'un homme sage... La neutralité de votre pays, la prospérité de votre commerce, et une administration de famille sont les seules choses qui puissent agréer votre peuple et le maintenir... » (19 frimaire de l'an XI).

Une nouvelle Constitution est octroyée par l'« Acte de Médiation ». Elle ressemble fort à un retour à l'ancien régime confédéral. L'appellation de Confédération Suisse est d'ailleurs rétablie ainsi que les anciens cantons.

Le Premier Consul Bonaparte asseoit l'indépendance de la nouvelle Confédération vis-à-vis du Saint Empire romain germanique en faisant publier un arrêt par la Diète qui se tient au même moment à Ratisbonne  : « Tous les droits et juridictions des princes, États et membres de l’Empire germanique sont désormais abolis sur le territoire helvétique, de même que tous les droits de seigneurie et titres honorifiques ». Mais il s'érige lui-même en « Médiateur » de la Confédération, consacrant la suzeraineté de la France sur celle-ci.

Il ne subsiste de l'acquis de la tourmente révolutionnaire que la notion d'égalité (relative) des citoyens, la règle d'une majorité des 3/4 (au lieu de l'unanimité) pour faire adopter une décision à la Diète confédérale, et l'installation d'un Landamann fédéral chargé d'expédier les affaire courantes dans l'intervalle des sessions.

L'Acte de Médiation porte à 19 le nombre de cantons en érigeant six pays alliés et sujets en cantons souverains. C'est le cas de l'Argovie ou encore du pays de Vaud. Certaines parties de la Suisse sont annexées à la France, comme Genève, Mulhouse et la région de Delémont. Le Valais est érigé en république « indépendante ». Neuchâtel conserve son statut hybride de principauté et canton.

Les institutions centrales de l'ancienne République sont dissoutes. Il n'y a plus désormais ni nationalité, ni armée, ni monnaie, ni système de mesure commun, encore moins de drapeau ! En retour, comme les autres républiques-soeurs et alliés de la France, la Consulta s'engage à fournir un contingent de 12 000 hommes de troupe par an.

L'Acte de Médiation

Ralliement à la France

Les effets de l'Acte de Médiation s'avèrent bénéfiques. L'ordre public est rétabli et les Suisses vont observer leurs obligations vis-à-vis de la République française puis de l'Empire. De son côté, Napoléon va respecter la souveraineté suisse malgré les occasions offertes par la poursuite des opérations militaires à travers l'Europe.

Déjà accoutumés à servir la monarchie française, les Suisses vont devoir combattre aux côtés des Français dans les guerres de la Révolution et de l'Empire. Du moins échappent-ils à la conscription obligatoire. Leur contingent, initialement fixé à 18 000 hommes, est graduellement abaissé jusqu'à 12 000. La sanglante bataille de Baylen, en Andalousie (1808), vit s'opposer des troupes suisses de chaque côté de la ligne de front. Pas moins de 9 000 Suisses participèrent par ailleurs à la campagne de Russie. Le corps de pontonniers du général Eblé était largement constitué de Tessinois qui s'illustrèrent lors du passage de la Bérézina (1812).

Notons que le Vaudois Jomini atteignit le grade de général dans l'armée impériale avant de se mettre au service du tsar. Quant au commandant du génie Dufour, d'origine genevoise, il étudia à Polytechnique avant de servir en Dalmatie et de poursuivre une brillante carrière militaire et scientifique en Suisse.

Bien des traits de la Suisse moderne sont dûs à ces quelques années de tutelle ou d'occupation française (code civil, franc et Union Latine, statut des juifs et code communal à Genève). Les cols de la Faucille et du Simplon, le pont sur l'Arve à Genève, le passage de l'Écluse sont alors établis ou modernisés sous l'action énergique de l'ingénieur Céard, un Genevois d'adoption.

Conséquences du Congrès de Vienne

À la chute de Napoléon, en 1814, la Suisse réussit à se présenter comme victime et à faire prévaloir ses intérêts lors du Congrès de Vienne. Talleyrand s'en impatiente : « Il faut donc croire que Genève est le centre du monde ! ».

Genève et le Valais rejoignent la Confédération. Les négociateurs La Harpe et Pictet de Rochemont obtiennent en prime pour la Confédération des gains territoriaux conséquents aux alentours de Genève. Un courant d'opinion réactionnaire au sein de la République de Genève ne manque pas de s'inquiéter du poids démographique ainsi donné aux catholiques genevois.

La vallée de la Valteline, c'est-à-dire le nord du Trentin, qui avait été rattachée à la République Cisalpine puis au Royaume d'Italie, reste italienne.

Malgré l'occupation autrichienne de la Suisse occidentale, à la fin 1813, et la réaction entraînée par le succès des Alliés, la Confédération réussit à rester à l'écart de la Sainte Alliance.

Elle va sortir grandie et fortifiée de cette épreuve et renoncera au service étranger (le mercenariat) en 1831, sauf pour les États pontificaux. Les idéaux et les principes proclamés par la Révolution française vont resurgir avec force en 1848, après la guerre du Sonderbund, et aboutir à la restauration d'une autorité centrale et à la constitution d'un État fédéral qui ne dira pas son nom puisque le pays continuera de s'appeler Confédération suisse.

Nombre d'institutions de ce nouveau régime reprendront alors les traits de l'infortunée République Helvétique. Le nouvel équilibre des pouvoirs entre les cantons et la Confédération va donner pleine satisfaction jusqu'à nos jours.

Publié ou mis à jour le : 2023-02-16 11:56:46
rolanptitsuisse (14-02-2012 16:29:00)

Bonaparte a eu vis à vis de nous Suisses un trait de génie en imposant le fédéralisme.Il avait mieux compris les habitants des différentes régions de mon pays que nos pontifes de l'époque.Dans ... Lire la suite

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