« Dis donc, Rainer... Tu vas enfin l'ouvrir, ta gueule, oui ? »
Ce « Rainer », c'est une femme de 70 ans, Madeleine Riffaud de son vrai nom. Et si Raymond Aubrac se permet de la bousculer ainsi, en 1994, c'est parce qu'elle a un sacré caractère ! Et qu'elle n'a pas jugé utile, jusque-là de témoigner sur son parcours. Pourtant, elle avait beaucoup à dire… Et pourquoi pas en bandes dessinées ?
Le refus de la résignation
Jean-David Morvan, scénariste, n'y croyait pas vraiment quand il a osé aller toquer à la porte de Madeleine, en 2017. Et pourtant la vieille dame, âgée alors de 93 ans, s'est lancée avec passion dans l'aventure, déroulant au fil des séances d'entretiens ses souvenirs intacts de la Seconde Guerre mondiale.
Le résultat est à la hauteur du personnage : impressionnant. En 3 tomes, les auteurs nous font vivre la grande et les petites histoires de la Résistance à travers les aventures d'une jeune fille a priori banale mais qui va trouver une force incroyable dans son refus de la soumission et la résignation.
Des routes de l'exode à Ouradour-sur-Glane, des ruelles de Paris aux cachots de la Gestapo, on la suit dans ses amitiés, ses doutes, ses souffrances, sans jamais qu'elle se départisse de ce regard déterminé que le dessinateur, Dominique Bertail, a si bien su rendre. Ses aquarelles, par leur précision dans les détails et leur couleur bleu-gris, sont le résultat d'un travail documentaire et artistique qui permettent à la lecture d'être aussi agréable qu'instructive.
Accompagné par la voix de Madeleine retranscrite dans les cartouches, le lecteur chemine ainsi avec elle de rebondissement en reboudissement jusqu'à l'épisode poignant des séances de torture qui n'ont pas réussi à briser sa détermination.
Avec ce projet au long cours, les auteurs ont donné la parole de façon originale à une grande dame de la Résistance qui a eu l'intelligence de parier sur un support lui permettant de toucher un public plus jeune : « J'ai compris à quel point la bande dessiné était un vecteur puissant de l'imaginaire ».
Saluons également le travail de la maison d'éditions Dupuis qui met à disposition de tous des supports pédagogiques d'une belle qualité.
Finalement, Rainer a bien fait d' « ouvrir sa gueule » pour nous délivrer une dernière fois son message :
« Je ne suis pas une victime
Je suis un résistant ».
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