Langue française

« Écrasons l'inclusive !... »

26 février 2021 : on doit au général de Gaulle l'invention du langage « inclusif » avec le célèbre : « Françaises, Français ! » par lequel il entamait ses discours. Ce mode d'expression, qui ne trahissait pas la langue, fut parfaitement admis. Il en va autrement de l'« écriture inclusive ! » qui défigure la langue écrite à coup d'injonctions idéologiques. La voilà qui revient sous les feux de l'actualité : le combat continue !

Le 17 février dernier, une soixantaine de députés ont demandé à ce que l’écriture inclusive disparaisse des textes administratifs. Ce n’est pas trop tôt, même s'il est douteux qu'une loi dissuade certains universitaires, étudiants et enseignants d'utiliser dans leurs courriers et leurs devoirs le nouveau point médian !

Il y a près de quatre ans déjà, Herodote.net avait tiré le signal d’alarme en publiant un éditorial sur les dangers représentés par cette mode qui commençait alors à envahir nos écrits (note).

Dessin de Hermann, Suisse. Source : Courrier international.

Rappelez-vous le principe : il s’agit pour les auteurs de supprimer toute trace d’identité sexuelle dans les textes pour mieux affirmer leur soutien à l’égalité homme/femme. Car vous l’ignoriez, mais écrire « On appelle les électeurs aux urnes » revient à nier le droit de vote des femmes qui sont bien entendu trop simplettes pour ne pas comprendre que, elles aussi, font partie du groupe des électeurs.

Les principes de l'écriture inclusive, Guide Pratique du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (novembre 2015).Pour réaliser ce rêve d’égalité, on va ajouter, chaque fois que nécessaire, une marque indiquant que le mot peut désigner une personne de tel ou tel sexe. Et voici ce que cela peut donner :

"Les auteur.e.s doivent écrire au ralenti pour ne pas oublier de lettres, iels1 sont géné.e.s dans leur rédaction et pensent moins à leurs lecteur.rice.s ou auditeutrices et au.à la chef.fe de rédaction qu’à toutstes2 celleux3 qui risquent de leur reprocher une quelconque étourderie mettant en danger les droits humains !"

1 : ils+elles ; 2 : tous+toutes ; 3 : ceux+celles

Vous n’avez rien compris ? Pourtant je viens de passer 3 minutes à écrire avec le plus grand soin cette phrase. Essayez, vous allez vite en perdre votre français mais gagner la fierté d’apprendre une nouvelle langue, à mi-chemin entre le sabir et le charabia, sans attendre qu'une chaire lui soit consacrée à la Sorbonne.

Dans les écoles, les lycées et les universités, par des témoignages concordants, nous savons que certains professeurs s'obligent déjà à écrire dans cette novlangue exotique. Pour forcer le mouvement, des enseignants de Sciences Po promettent des points en plus aux étudiants qui l'emploient dans les partiels (note) !

Les enfants eux-mêmes sont invités à manier le point médian et à s’interroger sur le nombre de femmes qui composent une foule, avant de pouvoir affirmer : « Elles sont arrivées » (et tant pis pour les deux hommes qui se dissimulaient au sein dudit groupe).

Sommaire du manuel de CE2 Questionner le monde, publié aux éditions Hatier.

Ne nous moquons pas : l’affaire n’incite pas à rire mais plutôt à pleurer. Pleurer devant l'irresponsabilité des universitaires qui acceptent sans broncher ce galimatias. Pleurer face à la lâcheté des fonctionnaires qui préfèrent des textes incompréhensibles par la majorité plutôt que de se faire mal voir par une minorité. Pleurer face aux intellectuels qui font de la langue de Molière « une arme de guerre » militante, pour reprendre l’expression d’Alice Ferney, et qui en détruisent l’harmonie par indifférence (note).

Qui peut aujourd’hui se prévaloir d’être capable de rédiger dans ce type de jargon et de le lire avec aisance ? N'y a-t-il donc rien de plus urgent, pour promouvoir la cause des femmes, que de torturer la langue au mépris de l'usage ? Imaginez une circulaire officielle en écriture inclusive. C'est la migraine assurée ! Les textes administratifs sont déjà assez illisibles pour qu'il ne soit pas besoin d'en rajouter.

Extrait du Canard Enchaîné sur la dotation des étudiant.e.s en protections périodiques (3 mars 2021) Tolérer l’écriture inclusive dans l'administration et l'enseignement revient à exclure de la vie sociale tous ceux de nos concitoyens qui n'ont pas l'agilité d'esprit et une maîtrise suffisante de la grammaire et de l'orthographe pour affronter cet obstacle supplémentaire à la lecture. Comment peut-on penser que les plus jeunes, qui déjà méprisent dans leurs tweets les bases de l’orthographe et de la construction des phrases, vont jongler naturellement avec les e, les s et les points censés atterrir au milieu de leurs mots ? Après des mois d’apprentissage inutile, propre à dégoûter les plus patients, ils seront prêts à conclure que notre belle langue, c'est finalement du « n’importe quoi » ! Et ils n’auront pas tort (note).

Isabelle Grégor

NB : nos lecteurs épris de littérature et d'histoire auront reconnu dans le titre de cette chronique une allusion à la célèbre imprécation de Voltaire : « Écrasons l'infâme [i.e. le cléricalisme] ! ».

Publié ou mis à jour le : 2024-01-13 07:16:22
Gilles (19-10-2023 02:12:21)

Bravo, Isabelle, vous êtes mon idole

Tournesol (29-07-2021 11:16:07)

La question n'est-elle pas de savoir si la destruction de la langue va faire avancer la cause (justifiée) des femmes dans la société réelle ? Pour moi, tout ce galimatias n'est qu'un pauvre alibi... Lire la suite

Francis Grosjean (13-03-2021 14:47:41)

Albert Einstein dixit :
Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue.

François (07-03-2021 17:15:29)

Imagine-t-on un roman ou un article scientifique en écriture inclusive ? Notre langue française s'y trouverait trop défigurée et le lecteur s'en lasserait bien vite. Cela me fait penser à Molièr... Lire la suite

Bertrand (07-03-2021 12:46:24)

Charles Péguy distinguait les « époques » et les « périodes », ces dernières étant aux premières ce que sont aux marées d’équinoxe « les mortes-eaux », comme on dit dans l’Ouest. ... Lire la suite

oldpuzzle (07-03-2021 10:03:41)

Parmi les langues qui ignorent le genre, on peut également citer le hongrois qui ne connait ni masculin ni féminin.

Loignon (04-03-2021 20:42:45)

Je me permets de commenter à nouveau pour glisser la référence d'un article du "Monde des religions" montrant que la démarche inclusive n'est pas seulement ment une récente lubie de féministes r... Lire la suite

lamoignon (04-03-2021 07:06:12)

J'ai posté un nouveau commentaire à l'adresse suivante :
http://www.guillaume-de-lamoignon.fr/2021/03/04/complement-sur-lecriture-inclusive/

Brigitte (02-03-2021 17:48:09)

Deux plateaux de la balance : - sur l'un : le masculin l'emporte sur le féminin - sur l'autre : il faut passer par le féminin pour trouver le masculin ( gentille/gentil, grande/grand ) Ques... Lire la suite

Vincent Rosset (02-03-2021 14:27:01)

Le grand nombre de réactions montre certes que le débat sur la langue est souvent passionné, mais plus encore, il révèle les stratégies parfois cocasses ("Mieulx est de ris que de larmes escripr... Lire la suite

line (02-03-2021 12:20:39)

J'adhère totalement au commentaire de M. Philippe-Jean, dont les exemples prouvent bien que vouloir féminiser la langue en la complexifiant n'apporte rien à la femme.

Olympe (01-03-2021 19:29:16)

Je suis SCANDALISEE par cet article militant et qui ne propose pas l'ombre d'une argumentation. Merci notamment pour le titre qui compare donc l'écriture inclusive à l'Infâme, comme si rendre visib... Lire la suite

Xuani (01-03-2021 18:36:32)

Totalement d'accord (d'accorde?) avec l'essentiel de l'article. Je n'avais jamais vu les iels mais les points au milieu des mots suffisent à rendre n'importe quel texte illisible. Il m'est arrivé de... Lire la suite

TVE (01-03-2021 11:03:58)

Merci au commentaire d'Alma. je suis également choqué du ton nauséabond. J'ai envie de défendre l'écriture inclusive depuis. Par ailleurs les exemples sont faux ( iels pour ils + elles). Déceva... Lire la suite

lamoignon (01-03-2021 10:02:05)

Il y a trente ans, résidant aux États-Unis d’Amérique, j'y rédigeais des manuels techniques. Mon éditeur y remplaçait impitoyablement la moindre occurrence de “he” par “he or she”. Da... Lire la suite

Dominique (01-03-2021 09:23:57)

Merci pour cet article qui essaie de remettre les pendules à l'heure. Non, ce n'est pas la langue qui génère le machisme, ce sont les comportements sociaux comme le dit si bien Claude Hagège cité... Lire la suite

Lamoignon (28-02-2021 23:57:06)

L’écriture inclusive, une imposture Il y a plusieurs millénaires, faisant appel à son cerveau et à son appareil phonatoire, l’homme a développé la communication entre individus grâce au ... Lire la suite

Bonne-maman (28-02-2021 20:23:29)

Bravo Isabelle, et merci d'avoir réagit à cet folie féministe (une de plus !) Pire que le langage SMS des d'jeunes ! Déjà que certains ne lisent pratiquement plus, c'est à les en dégouter compl... Lire la suite

Loignon (28-02-2021 17:37:16)

Je suis étonné du ton excessivement polémique de l'article d'Isabelle Grégor et de bon nombre des commentaires. Ainsi la langue française ne serait qu'un univers harmonieux où chacun aurait sa ... Lire la suite

YBlanc (28-02-2021 16:55:37)

N'est-ce pas un trait de l'évolution de notre civilisation: "la tyrannie de politiquement correct", " la dictature de la vague d'effacement", et la "domination de l'empathie sur le rationnel" qui ten... Lire la suite

Nicole (28-02-2021 16:55:03)

Une citation trouvée sur internet : Cet homme sage-femme sera-t-il déféré devant les Prud'hommes ?" Limites de l'écriture inclusive : il est impossible de féminiser certains mots (maïeuticien :... Lire la suite

LEVEQUE BERNARD (28-02-2021 16:21:49)

Bien d'accord, Isabelle Grégor ! Lorsqu'il s'agit d'une femme, auteure, agricultrice, artisane, savante, puissante, OUI. Lorsqu'il s'agit de plusieurs femmes, pareil avec le s. Lorsqu'il s'agit d'... Lire la suite

Hélène Millien (28-02-2021 15:15:54)

J'ai peu de choses à dire mais je ne peux qu' ajouter mon modeste propos aux pertinents commentaires précédents : bravo Hérodote ! J'ai un tel amour de notre belle langue et de sa riche grammaire ... Lire la suite

alma (28-02-2021 15:02:04)

Je suis en total désaccord avec la chronique et surtout la violence des mots me choque. Je ne savais pas que c'était ça aussi Herodote. L'usage, je crois, qui fait les langues, finira par inclure l... Lire la suite

BERANGER (28-02-2021 14:13:06)

"les sapeuses-pompières étaient de grands coureuses, pratiquant la marathone, elles étaient aussi entraîneuses ". Est-ce du sexisme ou de l'humour ? Je n'ose répondre face aux ayatollahs du genre... Lire la suite

Philippe-Jean (28-02-2021 12:00:52)

Excellent texte. Si je peux me permettre d'ajouter mon grain de poivre : au-delà des arguments circonstanciés évoqués je vois deux points essentiels qui ne sont pas évoqués. Primo, l'écriture i... Lire la suite

Jean-Claude PETERS (28-02-2021 10:56:54)

Bravo de défendre le bon sens devant les aventuriers férus de réformes inutiles. Le plus grave pour moi est le néologisme "Cheffe". Le chef veut dire la tête (chef de file...) et non patron. Il ... Lire la suite

Achiardi (28-02-2021 10:48:14)

Pourquoi aberrant : Une Fable inclusive =
Le.a. Corbeau et le.a. Renard.e
Maître.esse Corbeau, sur un arbre perché.e,
...

Troianowski (28-02-2021 10:43:47)

"Voilà bien un des grands mystères des hommes, ils perdent l'essentiel et ignorent ce qu'ils ont perdu" Saint Exupéry. Ou comment renoncer à l'essentiel par manque de courage pour s'occuper en fut... Lire la suite

Achiardi (28-02-2021 10:38:05)

Merci à tous ceux qui ont encore du bon sens. L'écriture inclusive est vraiment une "aberration". En 1917, l'Académie française soulignait qu'elle était un "péril mortel". Bravo à Hérodote,... Lire la suite

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