France 1940

Défendre la République !

Aujourd’hui encore, la défaite française de 1940 est comprise comme le résultat de l’invincibilité allemande : face à la Blitzkrieg, les Français sous-armés ne pouvaient rien faire.

Avec son livre, France 1940 : défendre la République (Perrin 2017), l’historien américain Philip Nord renouvelle notre vision de la défaite...

<em>France 1940</em>

Philip Nord ajoute un mois au récit traditionnel : il ne s’arrête pas à l’armistice du 22 juin 1940 mais aux pleins pouvoirs donnés à Pétain le 10 juillet 1940. Il veut ainsi montrer que le traumatisme de 1940 est au moins autant politique que militaire. Il élargit aussi la vision à laquelle nous sommes habitués en soulignant le rôle des alliés de la France. 1940 ne marque pas la défaite de la France seule, mais celle de tous ses alliés : Angleterre, Belgique et Pays-Bas.

Dès 1935, Paris s'est cherché des alliés pour contrer le nazisme intrinsèquement anti-français alors que l’Angleterre et bien sûr les États-Unis étaient réticents à toute implication dans un conflit.

Après la rupture du « front de Stresa », la France n'a eu d'autre choix que de s’associer avec des pays faibles d’Europe de l’Est (Pologne, Tchécoslovaquie) mais n'a pu faire autrement que de les abandonner quand ils ont été attaqués par l’Allemagne.

Si la France a très tôt pris conscience du danger nazi, ce sont ses alliés, y compris britanniques, qui n'ont pas su voir l’urgence d’une alliance contre l’Allemagne. La France n’est donc pas coupable de manque de volonté ou de manque de visionmais elle a été lente et trop peu déterminée : elle a agi, mais elle a fait trop peu trop tard.

La défaite de 1940 n’est pas celle de la France, c’est aussi et peut-être d’abord celle de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Angleterre...

Philip Nord détruit aussi le mythe qui voudrait que la France ait été sous-équipée. Déjà sous le Front Populaire, à l'encontre des idées reçues, le réarmement a été sérieusement engagé. Reprenant la thèse de Robert Frank et inversant la formule canonique, il montre que Léon Blum a fait plus pour les canons que pour le beurre.

Au début de la guerre, la France à elle seule avait un équipement comparable, voire meilleur pour la flotte, à celui de l’Allemagne, sauf en ce qui concerne l’aviation. Avec l'Angleterre, elle alignait davantage de divisions que la Wehrmacht !

Il manquait toutefois aux alliés des pièces de rechange de sorte que certains avions français ont dû rester au sol, loin du front, pour ne pas être bombardés. Plus que le manque d’équipement, c'est plutôt le manque de coordination internationale qui est responsable de la défaite.

Des occasions manquées

Comme pour les avions auxquels il pouvait manquer une simple pièce, la défaite s’est jouée principalement sur des détails.

Philip Nord approuve l’analyse de l'historien et combattant Marc Bloch (L'Étrange défaite, 1940) sur le manque d’imagination des généraux français qui seraient restés bloqués dans l’idée d’une guerre de position alors qu’on était passé à une guerre de mouvement.

Mais il réhabilite la ligne Maginot (fortifications le long de la frontière française). Celle-ci devait ralentir l’avancée allemande, et par là, la France est la première à avoir élaboré une stratégie de long terme, tactique qui sera finalement victorieuse ! C’est en effet cette technique défensive qui a été adoptée par tous les Alliés. Comme le dit bien Philip Nord, « La Manche était la ligne Maginot des Anglais, les steppes russes celle de l’URSS ».

La ligne Maginot fut donc un échec, mais pas une aberration. La France a perdu la guerre mais elle a gagné la bataille des tactiques : c’est elle qui a pensé la première la guerre à long terme.

On a tant moqué la formule de Pétain affirmant que les Ardennes étaient « infranchissables » que cela nous semble aujourd’hui complètement absurde. Pourtant, il avait à l’époque tout le bon sens avec lui ; les Allemands avaient changé de plan d’attaque plusieurs fois avant d’adopter au dernier moment le plan Manstein, alors même que Hitler le trouvait trop risqué.

L'offensive Manstein a néanmoins été l’occasion d’un signe de plus du manque d’imagination de l'état-major français : quand des pilotes de reconnaissance virent les chars allemands avancer dans les Ardennes, ils pensèrent que ce n’était qu’une diversion et aucune décisionne fut prise. Encore un manque d’adaptation aux circonstances, encore une occasion manquée !

Abdication politique

Très rapidement après l’armistice, les Français ont cherché à expliquer leur échec. Le 17 juin, Pétain mit en avant le triptyque « trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés » et durant l’été 1940, Marc Bloch écrivit ce qui sera publié sous le titre : L’étrange défaite.

Aussi différents qu’ils soient, ces deux représentants des élites nationales incriminèrent à la fois les militaires et la société dans son ensemble. Même pour le général de Gaulle, la France d’avant-guerre était condamnée et c’est de la Résistance qu'allait sortir le renouveau...

À l'opposé, Philip Nord justifie le comportement d’une partie de la classe politique. Il est trop facile selon lui de prétendre que la IIIe République était à bout de souffle et ne pouvait rien faire d’autre que s’auto-détruire. Il reprend les événements précis qui ont mené au vote donnant les pleins pouvoirs à Pétain pour montrer qu’il n’y avait là rien d’inéluctable.

Ce processus fut lié aux manoeuvres d’une minorité politique menée par Laval qui a réussi progressivement à s’imposer : « On ne peut pas dire que la IIIe République se soit auto-détruite, elle a été acculée à l’autodestruction », écrit-il. La défaite de 1940 n’est donc pas celle d’une société en déclin, bloquée dans les schémas du passé. Les Français avaient élaboré la bonne tactique générale, mais n’ont pas su saisir les occasions. Juger 1940, c’est finalement juger les élites, à la fois militaires et politiques, mais en aucun cas la société dans son ensemble.

On avait bien besoin d’un historien américain, étranger au traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, pour renouveler notre vision de l'Histoire nationale !

Soline Schweisguth
Publié ou mis à jour le : 2021-06-09 12:25:45
Bougnat (12-04-2018 20:45:04)

L'historien américain est trop gentil avec l'armée française et ses responsables. Si les responsabilités post-Versailles sont partagées,notamment avec l'Angleterre, que de mauvais calculs en dÃ... Lire la suite

Pierre Martin (06-04-2018 11:28:17)

Pas d'accord!...La défaite commence au traité de Versailles. Les alliés n'ont pas voulu assurer la sécurité de la France, de quoi dépendait la leur. Au fond, ils étaient animés par le réflexe... Lire la suite

pierre (05-04-2018 18:02:28)

Tres sympa de la part de M. Nord.. mais helas il y a bien eu un grave echec de notre elite a cette epoque, explicable bien sûr (les pertes enormes de la guerre de 14/18, la demographie declinante, La... Lire la suite

BROURI (03-04-2018 18:51:17)

Quels anti-américanisme primaire que ces bla-bla-bla ci-dessus !
Ne seriez vous pas des bolcheviques attardés par hasard ?

&nne (02-04-2018 18:14:33)

Bien d'accord avec Romain, Nous avons vaincu grâce aux Américains et aux Anglais. Mais combien de bourdes de leur part et pour la guerre de 40 et pour leurs guerres à tous deux? Mr. Nord devrait... Lire la suite

Romain (02-04-2018 07:54:46)

Cet article pas mal mais cet Americain sait-il que le 29 mars 1973 ses compatriotes ont ete vires du Viet-nam? alors laissez l'histoire de France a la France
Merci

Epicure (02-04-2018 06:08:56)

Blablabla "gentil" de Mr Nord qui veut sans doute se faire bien voir ici...?....Par QUI ??? La crapulerie politique des USA de FDR et des Droites débiles britanniques ne disculpent en rien l'attente... Lire la suite

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