13 décembre 2012

Union bancaire : historique, dites-vous ?

Le 13 décembre 2012, les 27 ministres des Finances de l’Union européenne se sont mis d’accord sur une supervision des grandes banques par la Banque centrale européenne (BCE) à partir du 1er mars 2014...

Prodigues en superlatifs, les commentateurs ont qualifié l’accord d’historique. Le ministre chypriote y a vu un « cadeau de Noël pour l'ensemble de l'Europe ». Lyrique, le quotidien Le Monde a évoqué « Le grand bond en avant de l’union bancaire »

Déjà ont été qualifiés d’historiques le pacte de stabilité (1995), violé en 2003 par ceux-là mêmes qui l’avaient imposé, la France et l’Allemagne ; le traité de Nice sur l’élargissement de l’Union, contesté à peine signé ; le traité de Lisbonne, copie conforme du traité constitutionnel rejeté par les Français et les Néerlandais, qui devait donner un « vrai » président et une « vraie » diplomatie à l’Union européenne (jamais celle-ci n’a été aussi impuissante et inaudible que depuis lors)...

Sauver l’euro avant tout

En 2008, les banques européennes, compromises dans les crédits pourris américains (par le truchement de la « titrisation » des subprimes), ont été sauvées de la faillite par leur État d'appartenance. Ces derniers ont dû aussi relancer l’économie, tétanisée par la crise. Il s’en est suivi un endettement massif des États et les plus faibles de ceux-ci se sont trouvés ipso facto en situation de quasi-faillite, à commencer par la Grèce.

Après une longue série de compromis et d’accords « de la dernière chance », destinés à sauver la monnaie unique et le système bancaire, voilà les dirigeants européens déterminés à mieux surveiller les banques. S’agit-il bien d’un accord « historique » ?

Les banques font d’ores et déjà l’objet d’une surveillance par les autorités de leur pays. Par exemple, la Banque de France enquête régulièrement sur les activités de toutes les banques françaises, de façon tatillonne et généralement scrupuleuse, sans que cela ait d’ailleurs empêché la banque franco-belge Dexia de faire faillite.

L’accord du 13 décembre transfère cette surveillance à la BCE en ce qui concerne les grandes banques de l'Union européenne (à l'exception notable du Royaume-Uni, de la Suède et de la République tchèque).

Si, malgré cette surveillance, l'une de ces banques se place dans une situation périlleuse et met en danger l'ensemble du système bancaire, elle pourra obtenir d'être secourue au niveau européen et non plus national, par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Cette caisse de solidarité créée en octobre 2012 pourra recapitaliser la banque dans les limites de ses moyens, au lieu et place de l'État d'appartenance de la banque en cause. C’est déjà beaucoup, se félicitent certains.

Des États « plus égaux que d'autres »

Le quotidien économique allemand Handelsblatt estime que l’accord est une « très bonne nouvelle » pour les contribuables de la zone euro : « Il était grand temps de déchoir les autorités de surveillance nationales. Elles se trouvaient sous l’influence de politiques qui persistaient à tenir une main protectrice au-dessus de leurs banques et d’empêcher ainsi des mesures d’assainissement pourtant nécessaires » (cité par Courrier International).

En d’autres termes, ce journal se félicite que des « politiques », autrement dit des élus, cèdent une partie de leurs responsabilités à des experts choisis de façon opaque. C’est un déni de la démocratie, d’autant plus stupide que les dits experts ne sont pas moins corruptibles et faillibles que les élus. On a ainsi vu de quelle manière les financiers de Lehman Brothers ont travesti les comptes de la Grèce à laquelle ils prodiguaient leurs conseils.

Il est vrai que les critiques d’Handelsblatt s’appliquent aux élus du Sud de l’Europe. Les élus allemands ne sont pas concernés. La preuve en est qu’ils vont conserver la supervision de la plus grande partie de leur secteur bancaire. Celui-ci étant très segmenté, il échappe pour l’essentiel à l’accord du 13 décembre, lequel ne concerne que les banques ayant un bilan d’au moins 30 milliards d’euros.

Par contre, quasiment tout le secteur bancaire français est concerné par l’accord du fait de sa concentration autour de quelques grandes banques (SG, BNP Paribas, Crédit Agricole-LCL, …). D’aucuns pourraient y voir une défaite des négociateurs français face à leurs homologues allemands… Passons.

La supervision des banques par les autorités nationales ou européennes est-elle de nature à éviter de nouvelles embardées ? Pas plus demain qu’hier. Les fonctionnaires de la BCE ou de la Banque de France ne sont pas mieux outillés que les cadres de la Société Générale pour contrôler les agissements d’un Jérôme Kerviel.

Quant à empêcher une banque d’investir dans des opérations douteuses, cela est illusoire. Il suffit aux banquiers mal intentionnés de procéder à ces opérations par l’intermédiaire d’une filiale non bancaire et si possible située hors de la zone euro, par exemple à Londres.

On touche là au dernier aspect du problème : 40% des opérations bancaires effectuées en euros se passent à la City de Londres. Elles échappent de ce fait au contrôle de la BCE. Et l’on peut gager que la Banque d’Angleterre se montrera toujours accommodante avec ce qui ne touche pas directement la livre sterling, d'autant que  ces opérations hors zone euro sont aussi une source de profit pour l’économie britannique.

L’accord bancaire du 13 décembre ne va soulager en rien les souffrances actuelles et futures des Grecs, des Espagnols et autres Européens. Il ne va sans doute même pas réussir à sauver l’euro de la débandade. Mais il va très certainement contribuer à éloigner un peu plus le Royaume-Uni de l’Union européenne… Historique, dites-vous ?

Joseph Savès
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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