Saint Germain d'Auxerre (vers 378 - 448)

Évêque, gouverneur et général

Dans la vie de saint Germain d'Auxerre, né vers 378 et mort en 448, il est difficile de distinguer l’histoire de la légende. Apostolorum tu Germane compar (« Germain, tu es l'égal des Apôtres ») lit-on sur le socle d'une statue du XVIe siècle, dans une église de l'Auxerrois.

Germain s'impose comme le grand évêque gaulois du Ve siècle, à une époque d'apocalypse et de transition : en 378, la bataille d'Andrinople voit les Goths anéantir l'armée de l'empereur Valens ; en 410, Alaric prend Rome et, en 451, trois ans après sa mort, Attila envahit la Gaule.

Membre de l'aristocratie gallo-romaine, il se forme au droit à Rome et revient dans sa région d'origine pour y exercer de hautes fonctions administratives. Ses qualités, sa maturité et sa sagesse lui valent d'être désigné comme évêque d'Auxerre par les habitants de la ville en 418. À ce titre, il est conduit à défendre la ville contre les agresseurs potentiels mais aussi contre les agents du fisc.

En qualité de defensor civitatis, il se rend à Arles, siège de la préfecture des Gaules pour négocier une réduction des impôts pesant sur la cité. Rien de surprenant à cela : « Alors que tout s’effrite – l’armée, l’économie, la société – une seule puissance grandit : l’Église. Ses évêques jouent un rôle de médiateurs ; ils relaient les décisions du pouvoir romain et prennent en charge les aspirations du peuple. Ils s’efforcent de limiter les impôts, maintiennent l’ordre public » écrit le biographe Jean-Pierre Soisson (note).

La rencontre de sainte Geneviève et de saint Germain d'Auxerre (peinture murale sur toile marouflée de Pierre Puvis de Chavannes, 1877, Paris, Panthéon) ; l'agrandissement montre la même scène interprétée par un enlumineur du XIIIe siècle

Homme de tous les combats

À la fois homme d'Église et gouverneur au nom de l’empire romain finissant, Germain est désigné par l'épiscopat de Gaule, ainsi que Loup de Troyes, pour prendre la tête d'une armée et aller combattre de l'autre côté de la Manche l’hérésie pélagienne, qui a le tort de minimiser le poids de la grâce dans l'accès à la vie éternelle et de privilégier le libre arbitre et les vertus personnelles !...

C’est au début de sa première expédition, alors qu’il descend la Seine, qu’il rencontre sur la rive de ce qui est aujourd’hui Nanterre une petite fille âgée de dix ans, qui deviendra sainte Geneviève, et il la consacre à Dieu.

Dix-sept ans plus tard, il devait la revoir, à Lutèce, lors de son second voyage en Bretagne (Angleterre actuelle). « Comme Germain, elle choisit l’Église et l’empire. Ce calcul politique la conduisit à soutenir les Francs païens, à favoriser leur expansion, et à les inciter à se convertir au catholicisme... Ce fut le triomphe posthume de Germain : Geneviève, sa fille spirituelle, permit la construction d’un royaume à la fois chrétien et romain, qui donna naissance à la France » (note).

Saint Patrick, l’apôtre de l’Irlande, un Celte romanisé d’Angleterre – son père était à la fois diacre et décurion chargé de collecter l’impôt – vint ensuite rejoindre Germain à Auxerre, qui était alors le principal centre de formation des missionnaires en pays celte. Devenu évêque d’Irlande en 432, il passa trente ans à convertir l’île.

Les contradictions des sources rendent difficile la recherche de la vérité. On peut néanmoins tirer de cette histoire deux observations. La première est qu’en Gaule, l’Église avait déjà pris le pouvoir avant même la chute de l’empire. Si l’ordre d’aller guerroyer en Angleterre vient bien de Rome, il ne vient pas de l’empereur mais du pape. Ce sont des évêques qui commandent les troupes.

Dans le cas de Germain, on sait par ailleurs qu’il avait été officier, puis haut fonctionnaire. La seconde observation est que la situation démographique en Gaule ne devait pas être si mauvaise, puisqu’on pouvait encore y lever des troupes pour aller combattre en Grande-Bretagne, province abandonnée depuis 407.

À la fin de sa vie, saint Germain eut aussi à protéger l'Ouest de la Gaule, secoué par les Bagaudes, des bandes de maraudeurs et de paysans qui s'en prenaient aux populations. Le général Aétius avait demandé à ses auxiliaires germaniques, les Alains de la Loire, de mater les rebelle. L'évêque rencontra Goar, le chef des Alains, et le convainquit de modérer ses ardeurs et d'épargner l'Armorique. 

C'est peut-être pour faire entériner cette initiative qu'il entreprit là-dessus un long voyage en Italie, à Ravenne, alors capitale de l’empire romain, jusque dans le palais de l’impératrice Galla Placidia. On l’y reçut avec enthousiasme au début de juillet 448. « Mais l’admiration qu’il suscitait à la cour impériale était d’ordre spirituel et, sur ce plan-là, sa renommée augmentait chaque jour. Les foules accouraient à sa rencontre, les malades étaient guéris. Il ne se déplaçait qu’entouré de six évêques. Il s’imposait à tous par sa simplicité, son austérité, sa pratique de la charité » (note).

Épuisé, il mourut le 31 juillet 448 après une maladie de sept jours. L’impératrice l’habilla mais elle garda pour elle le sachet de reliques qu’il portait à son cou. Une procession escortée de soldats d’élite et de cinq jeunes filles de grande famille ramena son corps à Auxerre. Il y arriva le 22 septembre, le jour de la fête de saint Maurice, le commandant martyr de la légion thébaine.

À partir de cette date, Auxerre devint un lieu de pèlerinage et un demi-siècle plus tard, Clotilde y vint demander à Dieu la conversion de Clovis. Elle y fit plus tard construire une basilique.

Claude Fouquet
Publié ou mis à jour le : 2021-01-16 19:36:56

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net