Vingtième épisode :
Les Phéniciens (de 1200 à 572 av. J.-C.)
En 1200 av. J.-C., l’arrivée des Peuples de la Mer libère la côte du Levant des empires du Proche-Orient. Après Israël, on s’intéresse maintenant à la Phénicie. Sur la côte, 4 cités déjà anciennes prennent un nouvel essor grâce au commerce : Tyr, Sidon, Byblos, et Arwad. Chacune se retrouve à la tête d’un petit royaume. La Phénicie n’est pas unie politiquement, mais elle est caractérisée par une certaine unité culturelle. Notons que la ville d’Ugarit plus au nord a été rasée par les Peuples de la Mer et ne s’en remettra pas.
La position centrale de la Phénicie entre l’Egypte, la Mésopotamie et la Grèce explique son rôle de plaque tournante commerciale. Le commerce met au contact des langues très diverses, ce qui pousse à utiliser une écriture simplifiée pour faciliter les échanges : dès 1200, l’alphabet phénicien est mis en place dans la ville de Byblos. Il est adapté d’un proto-alphabet apparu 500 ans plus tôt dans le Sinaï égyptien, lui-même issu d’une simplification des hiéroglyphes : les étroits contacts de Byblos avec l’Egypte ont favorisé sa diffusion vers le nord.
L’alphabet phénicien donnera naissance à l’alphabet araméen : celui-ci favorisera l’expansion de la langue araméenne dans tout le Proche-Orient et inspirera l’alphabet arabe. L’alphabet phénicien conduira aussi à l’alphabet grec, dont s’inspirera l’alphabet latin. Les Phéniciens sont donc à l’origine d’une évolution capitale de l’écriture.
Dans un premier temps, Byblos et Sidon sont les plus prospères, dans la continuité des périodes précédentes. Puis à partir du XIe siècle c’est Tyr qui devient la plus dynamique. Chypre est alors la principale destination, grâce à ses mines de cuivre. La forte demande en métaux pousse les Phéniciens à aller de plus en plus loin : en Sardaigne d’abord, mais surtout jusqu’à la péninsule ibérique où se trouvent des gisements de cuivre, d’argent, de plomb et de fer. 2 routes existent : celle du nord passe par Chypre, la Grèce, la Sicile, la Sardaigne et les Baléares, celle du sud passe par l’Egypte et longe les côtes d’Afrique. Outre les métaux, les Phéniciens échangent des tissus, du vin, de l’huile, de l’ivoire, des épices et aromates, et des chevaux. Ils fournissent aussi des denrées locales : le bois issu des forêts de cèdre, et des produits d’artisanat. Enfin, ils initient le commerce d’esclaves en provenance du sud du Sahara.
La ville de Tyr entretient des relations de plus en plus étroites avec Sidon. Vers 900 av. J.-C., les 2 royaumes fusionnent et Tyr accroît encore son rayonnement : à partir de 850, elle commence à développer de véritables colonies à partir des comptoirs préexistants. Cette expansion est sans doute stimulée par les razzias fréquentes de l’empire assyrien.
Les premières colonies se développent à Chypre et en Cilicie, en Afrique avec Utique et Carthage, en Espagne avec Gadir. Puis de nouvelles colonies apparaissent dans le siècle suivant en Sicile, à Malte, en Sardaigne, dans les Baléares et dans la péninsule ibérique. Le détroit de Gibraltar est franchi avec l’implantation de Lixus sur la côte marocaine.
Dans le même temps, l’empire assyrien renforce son emprise sur la Phénicie à partir de 740. Les cités phéniciennes perdent peu à peu leur autonomie : Tyr est la dernière à subir le diktat de l’Assyrie, en 670. Les colonies phéniciennes se détachent alors de la métropole et mènent leurs propres colonisations, à commencer par Carthage d’où émergera la civilisation punique.
En Phénicie, les révoltes sont récurrentes. A partir de 620, les cités profitent de l’affaiblissement de l’Assyrie pour retrouver une dernière fois leur autonomie. C’est à cette époque qu’a lieu le périple phénicien le plus remarquable qui nous ait été rapporté : vers 600 av. J.-C., le pharaon Nechao II aurait demandé à des marins phéniciens de faire le tour de l’Afrique pour son compte, sans doute pour reconnaître une nouvelle route menant aux ressources minières de l’Ibérie. Le périple aurait duré 3 ans et aurait été accompli avec succès, 2100 ans avant le voyage de Vasco de Gama, ce qui constitue une performance extraordinaire mais douteuse.
Finalement, l’empire babylonien finit par remplacer l’empire assyrien au Proche-Orient : Tyr est prise en 572 après 13 ans de siège. A partir de cette date, les cités phéniciennes continueront à bénéficier de certains privilèges, mais elles ne retrouveront jamais plus leur indépendance. C’est alors Carthage qui se chargera de perpétuer l’héritage des Phéniciens.
Finalement, le chamboulement des Peuples de la Mer aura permis le développement de nouvelles civilisations en affaiblissant les anciennes. La Grèce est sans doute le meilleur exemple de cette fabuleuse renaissance.
Vincent raconte...
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