Oscar Wilde a laissé une oeuvre mais surtout une existence. Émaillée de coups d'éclats, de frasques et de raffinement, elle est encore aujourd'hui une source d'inspiration et de réflexion. Car derrière la frivolité apparente se tient un homme conscient de ses dons. « J’ai mis tout mon génie dans ma vie, je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres », confie-t-il à André Gide.
Son destin tragique révèle un personnage complexe en butte à une époque victorienne corsetée dans une morale de l'apparence.
Une jeunesse riche de promesses
Oscar Wilde naît le 16 octobre 1854 en Irlande, dans un pays meurtri, bien loin des belles sociétés où il va briller. En 1854, l'île peine encore à se remettre de la grande famine qui a vidé ses campagnes. Mais pour le petit Oscar, l'enfance ressemble à une parenthèse enchantée entre son père médecin et sa mère lettrée qui n'aiment rien tant qu'organiser des réceptions dans leur belle maison de Dublin.
Grâce à ses bons mots pleins d'esprit, l'enfant s'y fait remarquer, sous les yeux de sa mère adorée, celle qui pour lui sera son seul public tout au long de sa vie. Lorsqu'elle meurt, en 1896, il entre en enfer et n'écrira plus qu'un seul poème.
Après une brillante scolarité au Trinity College de Dublin, de 1871 à 1874, Scar (« cicatrice ») obtient une bourse pour étudier à Oxford où il se fait un réseau d'amis parmi ces garçons brillants qui aiment l'entendre réciter ses premières œuvres pendant des soirées entières.
C'est l'heure des choix, mais dans l'Angleterre victorienne, impossible de faire part de ses penchants homosexuels sans être couvert d'opprobre.
Alors, du haut de son 1,90 m, le géant qui ne se trouvait pas beau va défier la société en prenant des poses de dandy.
Pour faire taire les rumeurs, il se marie en 1884 en grande pompe avec la jeune Constance, à laquelle il restera profondément attaché. Deux enfants naissent de cette union. Ce nouveau foyer lui permet alors de reproduire, dans sa « House Beautiful » de Londres, les réceptions qu'il aimait tant, enfant.
En 1887, il devient le rédacteur en chef du magazine Lady’s World, qu’il rebaptise Woman’s World. Journaliste, conférencier et écrivain, il est désormais l’une des figures de la haute société londonienne.
De l’acmé à la chute
Tout semble sourire à notre trublion qui publie en 1890 Le Portrait de Dorian Gray, l'histoire d'un dandy qui reste éternellement jeune cependant que son portrait vieillit et encaisse tous les stigmates de ses excès. Cet unique roman lui rapporte de virulentes critiques mais lui permet aussi de rencontrer un bien charmant admirateur, Alfred Douglas, dit « Bosie » (« Petit garçon »).
La relation qui se crée entre les deux hommes suscite une haine sans limite chez le père du garçon, membre de la haute aristocratie. Celui-ci l'ayant publiquement traité de « sodomite », Oscar Wilde commet l'imprudence de le poursuivre en justice. Insouciance ou pulsion suicidaire ? L'écrivain a-t-il sous-estimé la rigueur morale de la société ? À peine dix ans auparavant, une loi avait été votée contre les « conduites indécentes » mais les liaisons homosexuelles n'en étaient pas moins fréquentes et ordinairement tolérées dans la haute société londonienne.
Alors qu'il est au sommet de sa gloire avec le triomphe de sa pièce L'Importance d'être Constant (1895), le scandale Queensberry (du nom du marquis, père d'Alfred) conduit en quelques semaines le frivole auteur à perdre son procès le 25 mai 1895.
Le voilà en prison pour deux longues années de travaux forcés, doublement pénibles puisqu’il doit non seulement effectuer des tâches très dures mais en plus garder le silence. N’ayant droit à aucun égard particulier, le prisonnier C33 ne peut en effet parler que si un gardien l’y autorise.
C'est un homme brisé qui retrouve la liberté en 1897. Il n'a plus que trois ans à vivre, et rejeté par tous, en paria, rattrapé par la misère, il meurt à Paris.
Il évite de peu la fosse commune avant qu'on lui érige, en 1909, un tombeau d'inspiration assyrienne qui figure aujourd'hui parmi les plus visités du cimetière du Père-Lachaise : le Flying Demon Angel (« L'ange-démon volant »).
Oscar Wilde a succombé à l'épuisement d'une vie bouillonnante à 46 ans, au même âge que son double en dandysme, Charles Baudelaire.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible