Les conservateurs de Versailles sont farceurs : pour accompagner les épreuves olympiques équestres qui ont eu lieu cet été dans le parc du domaine, ils n'ont rien trouvé de mieux que d'ouvrir en grand les portes de leur palais à ce fier animal en lui consacrant une exposition ambitieuse, « Le Cheval en majesté ».
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont vu les choses en grand : après avoir sauté les obstacles le long des canaux, le voilà qui investit les appartements de madame de Maintenon, s'attarde dans le Salon de la Guerre et pose dans la Galerie des Glaces !
Entre le rez-de-chaussée et 1e étage, il est partout, ce qui risque de transformer pour certains la visite en chasse au trésor au milieu de groupes de touristes à la recherche du lit royal. Mais le jeu en vaut la chandelle puisque ce sont près de 300 œuvres qui attendent les curieux partis sur ses traces.
Le parcours commence par l'œuvre certainement la plus photographiée : la statue équestre de Louis XIV, sur la place d'Armes. Si elle ne fait pas partie de l'exposition, elle en donne le ton en présentant le cheval comme partenaire de prestige, comme symbole de pouvoir.
Il peut être tellement magnifié qu'on en oublierait presque son cavalier, comme dans cet extraordinaire portrait de Léopold de Médicis par Justus Sustermans (1624), présenté dans la Galerie des Glaces : le jeune prince disparaît presque sous la crinière sans fin de sa belle monture blanche !
Sultan, La Truffe, Marengo... En s'engageant dans la Galerie Haute, on découvre les représentations de certains de ces fidèles compagnons qui bénéficiaient d'écuries aussi monumentales que leur réputation. Pour les représentants de la « dignitas majestatis », il fallait en effet le meilleur ! On ne sera donc pas étonné qu'une partie de l'exposition soit consacrée à leur précieuse santé, avec notamment d'étranges mannequins anatomiques grandeur nature.
À la fête ou à la guerre, couvert d'or ou d'armures, le cheval nous rappelle au fil des salles à quel point il était indispensable à l'éclat comme aux combats des siècles passés. Cela explique peut-être la large place qu'il occupe dans notre imaginaire si l'on en croit les représentations de Pégase ou de Morvac'h, dont la silhouette hante les légendes bretonnes.
Les Romantiques ne s'y sont pas trompés, qui en ont fait à la suite de Delacroix le symbole fougueux de leur amour de la liberté.
Avant de quitter l'exposition, on ne s'attardera pas trop sur les peintures de champs de batailles recouverts de cadavres humains ou équins. Mieux vaut en effet se réfugier dans les appartements de la Dauphine où nous attend dans un coin la toile magnifique de Théodore Géricault, sobrement intitulée Tête de cheval blanc (1815). Dans un face-à-face muet, l'animal semble se demander ce que le visiteur fait là...
Ce dialogue conclut en beauté une exposition qui remplit parfaitement son objectif, montrer la force symbolique du cheval, mais qui a pour défaut de se disperser quelque peu. On voit mal en effet le lien entre « Le cheval en majesté » et les représentations des champs de bataille couverts de cadavres d'animaux devenus de simples auxiliaires de guerre... Si cette évocation d'un aspect capital de notre relation au cheval comme outil de prestige est originale et intéressante, elle ne concerne finalement qu'une petite partie de notre riche histoire commune. Les percherons n'ont plus qu'à attendre une prochaine exposition !
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible