La Seconde Guerre mondiale laisse l'Italie anéantie.
Au sens physique, avec la plupart de ses grandes villes en ruines, au sens économique avec une industrie réduite au quart de sa capacité et deux millions de chômeurs (45 millions d'habitants en 1945), et au sens politique, avec une administration gérée de fait par les Alliés anglo-saxons après l'avoir été par les Allemands.
Le roi, héritier du fondateur de l'unité italienne, doit bientôt abdiquer, pour cause de compromission avec le fascisme. La nouvelle République s'installe officiellement le 1er janvier 1948, sur la base d'une Constitution très démocratique. C'est un régime parlementaire qui délègue aux élus de la chambre basse (la Chambre des députés) la désignation du chef de gouvernement, le Premier ministre, ou président du Conseil.
En faisant le choix d'élire les députés au scrutin proportionnel (et non au scrutin uninominal), les constituants vont priver le Parlement de majorités stables et livrer la République à d'éprouvantes combinaisons politiques, autour du principal parti, la Démocratie chrétienne (DC, Democrazia cristiana). Celle-ci va diriger toutes les coalitions jusqu'à son sabordage en 1994, suite à l'opération anticorruption Mains propres (en italien Mani pulite).
Malgré cette faiblesse originelle, la République italienne va conduire le pays sur la voie d'un redressement spectaculaire et lui permettre d'affronter les crises du terrorisme (années 1970), de la corruption (années 1980 et suivantes) et du « Bunga-Bunga ».
Les Anglo-Saxons débarquent en Sicile le 10 juillet 1943, en Calabre le 3 septembre et en Campanie le 9 septembre. À Rome, c'est la panique. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1943, le Grand Conseil fasciste relève Mussolini de sa charge et le roi Victor-Emmanuel III l'assigne à résidence.
Le maréchal Badoglio prend la direction du gouvernement et s'empresse de négocier un armistice avec les envahisseurs. Celui-ci est rendu public le 8 septembre 1943 dans la plus grande confusion.
Hitler ne veut pas laisser l'Italie sortir de la guerre. Il dépêche 30 divisions de la Wehrmacht en Italie pour neutraliser les troupes italiennes et contenir l'avance des Alliés. Après de rudes combats, les Alliés font leur entrée à Rome le 4 juin suivant mais il leur faudra encore près d'une année avant de libérer complètement l'Italie du nord.
Le 25 avril 1945 a lieu l'insurrection générale des partisans antifascistes. Le Duce est exécuté par des partisans le 28 avril 1945, ainsi que sa compagne Clara Petacci. Hitler le suivra dans la mort deux jours plus tard. Les troupes allemandes encore présentes en Italie capitulent face aux Alliés le 2 mai 1945. L'Italie entrevoit la sortie du cauchemar.
La transition vers la démocratie est lente et hasardeuse. Le gouvernement Badoglio n'a aucune prise sur le pays et celui-ci est de fait administré par les Alliés. Le 10 décembre 1945, le gouvernement revient à Alcide De Gasperi, qui a fondé la Démocratie chrétienne en 1942. Celle-ci apparaît comme la principale force politique du pays, devant le parti socialiste et le parti communiste. Très vite, le nouveau Président du Conseil annonce un référendum sur les institutions.
Le roi Victor-Emmanuel III, qui s'est discrédité en amenant Mussolini au pouvoir, tente de sauver la couronne en abdiquant au profit de son fils Humbert II le 9 mai 1946. Mais ce geste ne suffit pas à réhabiliter la monarchie et, par le référendum du 2 juin 1946, les citoyens se prononcent à 54% pour la République. Celle-ci est officiellement instaurée le 18 juin suivant.
En même temps que le référendum a lieu l'élection d'une assemblée constituante. Les démocrates chrétiens recueillent 35% des voix contre 20% aux socialistes dirigés par Pietro Nenni et 19% aux communistes conduits par Palmiro Togliatti. Le 2 juin est depuis lors fête nationale chômée en Italie.
Par le traité de Paris du 10 février 1947, l'Italie fait le sacrifice de tous ses acquis territoriaux depuis la fin de la Première Guerre mondiale ainsi que de ses colonies. Elle est également astreinte à des réparations financières à l'égard de l'URSS, la Grèce, l'Albanie, l'Éthiopie et la Yougoslavie.
Pendant près d'un demi-siècle, la vie politique italienne est rythmée par les combinaisons partisanes autour de la Démocratie chrétienne. Celle-ci dirige tous les gouvernements de coalition jusqu'en 1981 avec des hommes dont le nom est tombé dans l'oubli à l'exception du malheureux Aldo Moro et de Giulio Andreotti.
En dépit de cette instabilité institutionnelle qui n'est pas sans rappeler celle de la IVe République française (1946-1958), l'Italie de l'après-guerre connaît un surprenant développement économique sans équivalent en Europe. On parle à juste titre de « miracle italien ».
Dans l'après-guerre, le cinéma néoréaliste illustre avec des chefs-d'oeuvre mémorables l'état de délabrement du pays (Le Voleur de bicyclette, Vittorio De Sica, 1948).
Mais dès avant les années 1950, le pays connaît un rapide redressement. Il profite pleinement des prêts du plan Marshall et de son intégration dans la CECA puis dans la CEE. L'exode traditionnel des jeunes Italiens vers la France, la Suisse ou les États-Unis se ralentit. Chacun retrousse ses manches et investit à qui mieux mieux dans de petites entreprises industrielles. Celles-ci, loin de jouer en solo, cultivent la solidarité locale et familiale. Des petites villes comme Piacenza ou Busto Arsizio (au nord de Milan) deviennent ainsi des centres majeurs de construction mécanique tout en étant dépourvues de grandes usines.
En jouant sur des salaires beaucoup plus faibles que la moyenne européenne, ces entreprises exportent dans toute l'Europe. Il s'ensuit en quinze ans, de 1950 à 1965, un quadruplement du produit intérieur brut (la richesse nationale) et le taux de croissance économique à la fin des années 1960 dépasse les 5% par an.
L'État lui-même intervient massivement par des investissements dans l'industrie lourde et l'énergie en utilisant un relais créé en 1933 par le régime fasciste : l'IRI (Istituto per la Ricostruzione industriale). Ainsi sont développées Finelettrica (électricité) et Finsider (acier) et créée l'ENI (pétrole), sujette à beaucoup de conflits d'intérêt et à des drames qu'illustre la mort mystérieuse de son patron, Enrico Mattei, en 1962.
L'État italien échoue toutefois à résorber l'écart qui sépare le Nord dynamique et industriel du Sud (Mezzogiorno), traditionnel, rural et pauvre. Ses investissements dans le sud aboutissent pour la plupart à des échecs.
Le cinéma italien est à l'unisson de cette confiance en l'avenir. Il multiplie les chefs-d'oeuvre, notamment dans les studios Cinecittà hérités du fascisme, près de Rome, avec des réalisateurs tels que Fellini, Dino Risi, Pasolini, Rossellini (L'Affaire Mattei, 1972)... et des acteurs mythiques : Marcello Mastroianni, Gina Lollobrigida, Sofia Loren, Vittorio Gassman...
De sombres nuages mettent à mal cette prospérité dès le début des années 1970. Les grèves se multiplient dans les entreprises, ouvriers et syndicats ayant à coeur d'améliorer les salaires, trop longtemps à la traîne. En 1973, le pays compte 212 jours de grève pour 100 salariés contre 24 en France et 3 en Allemagne (source : Michel Mourre).
Dans le même temps, des jeunes gens inspirés par les « événements » de Mai-68 en France se lancent dans l'activisme et dérivent vers le terrorisme. Renato Curcio, un ancien néo-fasciste reconverti dans le gauchisme, fonde les Brigades Rouges (Brigate Rosse) en 1970.
Jouant la politique du pire, il veut déstabiliser la démocratie pour précipiter l'avènement d'une dictature et entraîner contre elle un soulèvement révolutionnaire ! Il est arrêté en 1976 mais ses comparses n'en poursuivent pas moins leurs méfaits : meurtres de magistrats, policiers, officiers, cadres d'entreprise, citoyens ordinaires...
Leur violence culmine avec l'enlèvement et l'exécution d'Aldo Moro en 1978.
Les gauchistes ont assassiné Aldo Moro pour tenter de bloquer le « compromis historique » par lequel Enrico Berlinguer, secrétaire général du parti communiste, a souhaité se rapprocher de la Démocratie chrétienne d'Aldo Moro et Giulio Andreotti.
Cette alliance de raison va se concrétiser en dépit du drame. Mais le PCI, 2e parti italien avec un tiers des voix, y met fin dès l'année suivante pour dénoncer le ralliement du gouvernement au Système Monétaire Européen (SME), prélude à l'union monétaire.
Son déclin va dès lors devenir irrésistible.
L'extrême-droite relaie le terrorisme gauchiste avec, en particulier, le 2 août 1980, le massacre de la gare de Bologne (85 morts). Pour la première fois est mis en lumière le rôle trouble d'une loge maçonnique, Propaganda Due (P2) dont les chefs auraient tenté de dévoyer l'enquête. Les commanditaires de la tuerie ne seront jamais arrêtés.
L'activité économique se ressent de la crise sociale et politique, laquelle est aggravée par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1978. En 1974, la dette publique atteint 80% du PIB (un taux comparable aux taux de 2011) et l'État italien est obligé de contracter des emprunts massifs auprès de l'Allemagne.
L'inflation atteint les 20% par an. Le chômage flambe. Il touche surtout les grandes entreprise étatiques. Les petites et moyennes entreprises se tirent plus ou moins d'affaire en recourant au travail clandestin.
Suite au scandale de la loge P2, les élections législatives amènent à la tête du gouvernement, le 28 juin 1981, Giovanni Spadolini, le représentant d'un petit parti de droite (le Parti républicain italien, PRI). Pour la première fois depuis la Libération, la Démocratie chrétienne lâche les commandes. Deux ans plus tard, c'est un socialiste, Bettino Craxi, qui accède à la Primature (la Présidence du Conseil).
Dans ce régime plus que jamais livré aux combinaisons entre vieux partis incapables de renouvellement, le scandale éclate le 17 février 1992 avec l'arrestation par le procureur adjoint de Milan Antonio di Pietro d'un homme politique important, le socialiste Mario Chiesa, surpris en train de recevoir une grosse enveloppe d'argent d'un entrepreneur du bâtiment.
Peu après, le 23 mai 1992, à Palerme, le juge Giovanni Falcone est assassiné par la Mafia qu'il tentait de combattre. La tragédie se renouvelle avec l'assassinat de son successeur, le juge Paolo Borsellino, le 19 juillet 1992. Dans ce contexte dramatique, où se mêle pots-de-vin (« tangentopoli »), assassinats et collusion entre hommes politiques et chefs mafieux, l'opinion publique prend sans hésiter le parti des petits juges, engagés dans l'opération « Mani pulite » (Mains propres).
Aux élections de décembre, socialistes et démocrates chrétiens perdent la moitié de leur électorat. L'année suivante, Bettino Craxi en personne est contraint de s'enfuir en Tunisie pour échapper à une arrestation.
La Démocratie chrétienne se saborde en 1994 et éclate en plusieurs partis de droite. Sa chute laisse le champ libre à un « extraterrestre », chef d'une droite décomplexée et férue de communication, Silvio Berlusconi.
L'euphorie des années d'après-guerre est loin. Le cinéma italien n'existe pour ainsi dire plus. La fécondité s'effondre, bien plus vite qu'en France, jusqu'à représenter moins de 1,3 enfants par femme au début du XXIe siècle (division par deux du nombre de naissances tous les 30 ans). La famille traditionnelle italienne se racornit. Difficultés économiques et difficultés de logement font que le tiers, voire 40%, des hommes vivent encore chez leurs parents à plus de 30 ans.
Il reste un indéracinable art de vivre et un optimisme qui laisse croire à une possible renaissance.
L'Italie moderne
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Edmond (14-11-2011 23:45:33)
L'article met en lumière de ce que peut être une démocratie qui ne donne pas assez de moyen d'intervention dans la vie politique d'un pays. Notre époque devrait permettre une plus grande participa... Lire la suite