Il y avait de quoi faire de belles agapes ! C'est ce qu'ont dû penser les archéologues en mettant au jour le contenu impressionnant de la tombe celte de Vix, en Bourgogne. Mais ils n'étaient pas au bout de leurs surprises puisque leur découverte est une des plus belles de l'histoire de l'archéologie nationale...
Il suffit parfois d'un bon coup de pioche pour changer notre vision de l'Histoire. C'est ce qui est arrivé en janvier 1953 à Maurice Moisson sur le mont Lasssois de la commune de Vix, en Côte-d'Or. Têtu, l'homme avait repéré ce qu'il croyait bien être les traces d'un tumulus et avait l'intention de ne pas rentrer chez lui sans une quelconque découverte, malgré le froid et la neige de ce soir du 5 janvier 1953.
Bien lui en a pris ! Alors que René Joffroy, professeur de philosophie et responsable de la campagne de fouilles, vient de quitter les lieux, notre « piocheur paysan » heurte tout à coup un objet en bronze. Après 6 jours d'effort pour dégager l'ensemble, on commence enfin à prendre conscience que cette anse en métal, déjà magnifique, n'est qu'une toute petite partie d'un cratère aux dimensions exceptionnelles : 1 mètre 64 de haut ! Avec ses 208 kg dont 46 rien que pour chaque anse, le pot est aussi un mastodonte capable de recevoir 1100 litres. Mais surtout, les têtes de Gorgone et le défilé d'hoplites qui le ornent ne laissent aucun doute : les fouilleurs sont face au plus grand vase grec connu à ce jour, enterré sur les bords de la Seine ! Comment est-ce possible ?
Pour le comprendre, il faut continuer à creuser et dégager ce qui apparaît vite comme une tombe princière. Sur un char funéraire, c'est une femme de 30 à 40 ans qui repose depuis le Ve siècle avant J.-C., le corps orné de ses plus beaux bijoux : collier de perles et d'ambre, fibules en fer et surtout un lourd torque d'or fin typique de la région.
Mais ce qui interpelle c'est la vaisselle qui l'entoure, comme cette cruche à vin venue d'Italie ou ces coupes en céramique dont l'origine est à chercher du côté d'Athènes, à des milliers de kilomètres de là.
Les archéologues sont devant la plus belle des preuves que, au milieu de l'Antiquité, hommes mais aussi marchandises de prestige parcouraient l'Europe en tous sens. Le vase et ses 200 kg de bronze viendraient ainsi du « talon » de l'Italie et auraient accueilli un vin méditerranéen, mélangé à des épices selon la coutume de l'époque.
Reste à savoir en quel honneur ce bel ensemble s'est retrouvé en Bourgogne. La femme dont il entourait la dépouille était-elle un personnage au statut princier, comme semble l'indiquer la richesse des offrandes ? Ou plutôt faut-il y voir une prêtresse à l'image de celle représentée sur le couvercle du cratère ? Ce dont on est sûr, c'est qu'elle était une femme de pouvoir, comme ses 9 consoeurs de l'époque retrouvées dans ce même type de sépulture.
Nous sommes là face à l'élite d'une société de près de 5000 personnes, parfaitement organisée, qui avait su profiter de la présence du mont Lassois sur les grandes routes commerciales entre nord et sud de l'Europe. Cette communauté celte connut son apogée entre 550 et 450 av. J.-C. en taxant l'étain transporté de Grande-Bretagne en Italie, avant de s'effacer devant l'influence grandissante de la culture de la Tène (450 à 25 av. J.-C.).
L'histoire du vase de Vix ne s'arrête pas à sa découverte puisque sa restauration fut à elle seule toute une aventure ! Elle commence au printemps 1953 avec une première intervention destinée à présenter 6 mois plus tard l'objet au Louvre. Le délai était-il trop court ? En tous cas le résultat fut désastreux : le restaurateur ayant adopté une ossature ne correspondant pas au cratère, il dut « forcer » le vase à prendre une forme impropre. Les serpents d'une anse, ne pouvant du coup plus s'adapter à leur support, furent carrément incisés à coups de scie !
En 1955 est entreprise une seconde tentative de restauration. On commence par réaliser un gabarit en bois placé à l'intérieur pour permettre le redressement des éléments par un chaudronnier, avec soudures à l'étain, armatures en laiton et même mastic de carrossier pour boucher les trous. Le temps de quelques discussions sur le choix de la teinte finale à appliquer, les restaurateurs peuvent se féliciter dans le journal de bord de l'opération : « Terminé boulonnerie, patine et dernières retouches ». Il en résulte un objet certes magnifique mais « re-créé » pour être présenté au public non comme il a été trouvé, mais comme il devait être lors de son dépôt dans la tombe. A ce titre il représente un bel exemple de l'histoire non seulement de l'Art, mais aussi de la restauration.
« Les Celtes. Origine, histoire, héritage », Cahiers de Sciences et vie n°146, juillet 2014.
Archéologie sous-marine
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