Le mot président apparaît à partir de 1776 dans les anciens colonies anglaises d'Amérique pour désigner le chef du pouvoir exécutif. Il tire son nom d'un vieux terme dérivé du latin prae sidens (« assis en tête »). La Constitution américaine de 1787 prolonge la tendance avec un président des États-Unis à la fois chef de l'État et chef du gouvernement, élu au suffrage universel à deux degrés. Ses pouvoirs sont très étendus mais limités par une stricte séparation des pouvoirs.
S'inspirant de l'exemple américain, la France reprend à son tour la fonction et le mot en 1848, faisant de Louis-Napoléon Bonaparte le premier président de la République française.
Après un détour par le Second Empire, la fonction présidentielle est restaurée par les républicains, non sans hésitation. Le 17 février 1871, à Bordeaux où elle s'est réfugiée, l'Assemblée nationale désigne Adolphe Thiers « chef du pouvoir exécutif » avec des pouvoirs considérables.
« Chef, c’est un qualificatif de cuisinier ! » lance le vieil ambitieux qui fait ajouter « de la république française » à son titre. Le 31 août 1871, le voilà enfin comblé par la loi Rivet dont l’article premier énonce : « Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de président de la république française ». Comme le mal-aimé Louis-Napoléon Bonaparte, Adolphe Thiers réintègre le palais de l'Élysée, depuis lors demeure officielle de tous les présidents.
Adopté à une voix de majorité, l'amendement Wallon du 30 janvier 1875 institue l'élection du président par le Sénat et la Chambre des députés réunis à Versailles en « assemblée nationale » avec un mandat de sept ans renouvelable. Après la « crise du Seize Mai » qui entraîne la démission du président Mac-Mahon,aucun président de la IIIe République n'ose plus utiliser son droit de dissolution de la Chambre des députés. Celle-ci s'arroge la réalité du pouvoir et la désignation du Président du Conseil des ministres.
Elle ne laisse au président qu'un rôle de représentation. Le général de Gaulle le résumera en une expression : « inaugurer les chrysanthèmes ». Cette tradition est reprise et amplifiée par la Constitution de 1946 qui institue la IVe République et prive tout bonnement le président du droit de dissolution.
Cette orientation hérisse le général de Gaulle qui établit un lien entre la faiblesse de la fonction présidentielle et l'instabilité ministérielle du régime. En 1958, quand il soumet à référendum le projet de Constitution qui donnera naissance à la Ve République, il veille à renforcer considérablement les pouvoirs du président. De parlementaire, le régime devient semi-présidentiel.
Toujours élu par un collège électoral, pour un mandat de sept ans renouvelable, le président nomme le Premier ministre, peut dissoudre l'Assemblée nationale (députés), proposer un référendum et même instaurer un régime d'exception si la situation l'exige (article 16 de la Constitution).
Avec le référendum du 28 octobre 1962 qui institue l'élection du président au suffrage universel direct, Charles de Gaulle voit tous ses voeux exaucés : le président de la République, par l'onction du suffrage universel, fait désormais figure de monarque républicain en digne héritier des anciens souverains !
Ce régime assez franchement présidentiel est une exception en Europe...
Le Royaume-Uni et les monarchies du Continent sont depuis longtemps converties à la démocratie parlementaire, à cette particularité près que le chef de l'État est héréditaire et désigné par le nom de roi ou reine, un système qui n'a pas que des inconvénients ! Le régime parlementaire gouverne aussi toutes les jeunes républiques européennes fraîchement émancipées de la dictature ou de l'oppression, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Irlande, de la Finlande ou des États du sud et de l'est.
Seul le Portugal s'en distingue. S'étant libéré de la dictature en 1974, à un moment où la France faisait encore figure de modèle politique, il a adopté un régime semi-présidentiel très semblable à celui de la Ve République.
Le référendum de trop
En France, les pouvoirs du président de la République vont être encore accrus par le référendum du 24 septembre 2000 qui introduit le quinquennat, soit un mandat de même durée que l'Assemblée législative (cinq ans). Ce référendum de trop va déséquilibrer les institutions au profit de l'hôte de l'Élysée...
En effet, comme l'élection des députés se déroule dans la foulée de l'élection présidentielle et que les citoyens ne changent en général pas d'opinion en quelques semaines, le parti du président est quasiment assuré d'une confortable majorité. Qui plus est, la menace d'une dissolution permet au président de mettre au pas les éventuels « frondeurs » et d'éviter que son gouvernement ne soit renversé par une motion de censure.
En l'absence de contre-pouvoirs et avec la mainmise sur les nominations aux postes les plus importants de l'administration, le président de la République peut ainsi se prévaloir de pouvoirs supérieurs à ceux de Louis XIV ! Autant dire qu'il doit être d'une trempe supérieure à la moyenne, avec un dévouement à l'État à toute épreuve, pour échapper à la « folie des cimes » et à la tentation de jouer les Caligula. La fonction exige plus que jamais une personnalité respectée et respectable, capable de se hisser sans trembler au-dessus de ses concitoyens. Tout le contraire d'un président « normal ».
Ce cas de figure s'est présenté avec de Gaulle. Ses successeurs immédiats, forts de leur expérience et de leur autorité, ont correctement assumé la fonction. On ne peut en dire autant des premiers présidents du XXIe siècle, Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui ont rapidement épuisé l'estime de leurs concitoyens. Et tout laisse craindre que leur successeur, qui doit être élu le 6 mai 2017, ne bénéficiera pas d'une plus grande stature.
Insoluble contradiction
Plus qu'une question de personnes, on peut y voir la conséquence de l'engagement européen de la France, qui a volontairement fait don de sa souveraineté aux institutions de Bruxelles (Commission), Francfort (BCE) et Luxembourg (Cour de Justice). Elle se distingue en cela du Royaume-Uni, qui a finalement « choisi le grand large », mais aussi de l'Allemagne, dont la souveraineté est jalousement préservée de toute immixtion supranationale par la cour constitutionnelle de Karlsruhe.
Comment, dans ces conditions, lorsqu'il est obligé de rendre des comptes à un quelconque président Barroso ou Juncker, voire au ministre alllemand Schäuble, le présumé « monarque républicain » peut-il encore trôner au-dessus de ses concitoyens ? Et pourquoi se dévouerait-il à l'État et lui sacrifierait-il sa vie dès lors qu'il se voit commander par des personnages moins légitimes et d'une incommensurable médiocrité ?
Ce n'est pas un hasard si, en 2017, les deux seuls candidats à la fonction présidentielle qui aspirent à revêtir les habits du « monarque républicain » sont aussi les seuls à revendiquer une prise de distance vis-à-vis des institutions européennes, à savoir les tribuns Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
Quel que soit l'heureux(se) élu(e) du 6 mai, il est hautement probable qu'il bénéficiera d'une adhésion par défaut. Par manque de prestige et de consensus...
La Ve République
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