Leclerc est l'officier le plus représentatif de la France libre en lutte contre l'Allemagne nazie. Il entre dans l'Histoire de France le 2 mars 1941.
Ce jour-là, dans l'oasis de Koufra, en Libye, tandis que l'Allemagne triomphe sur tous les fronts, le colonel Leclerc fait avec ses hommes le serment de ne plus déposer les armes avant que le drapeau français ne flotte sur Strasbourg.
D'un tempérament fonceur, débordant d'initiative et d'audace, au grand dam de ses supérieurs, il va tenir sa promesse et conduire ses hommes jusqu'à Paris, Strasbourg et même Berchtesgaden, le nid d'aigle du Führer. Quoique souvent en désaccord avec de Gaulle, il ne se départira jamais de sa fidélité au chef de la France Libre.
Chevalier sans peur et sans reproche
L'auteur du « serment de Koufra » s'appelle de son vrai nom Philippe de Hauteclocque. Issu d'une vieille famille de la noblesse picarde, il a hérité du titre de comte. Né le 22 novembre 1902 dans le château familial de Belloy-Saint-Léonard, passionné de chasse et de musique classique, officier monarchiste et profondément catholique, il est capitaine quand débute la Seconde Guerre mondiale.
Une chute de cheval en 1936 lui occasionne une fracture du talon et l'oblige à ne plus se séparer d'une canne. Malgré ce handicap, il apparaît comme un officier brillant, l'un des plus prometteurs de sa génération. Il fait l'École de cavalerie de Saumur puis l'École de guerre pour devenir officier supérieur. Blessé pendant la campagne de France, il est deux fois capturé mais arrive à s'évader.
Atterré par l'atmosphère de décomposition qui règne à Paris dans les premières semaines de l'occupation allemande, Philippe de Hauteclocque rejoint son château en bicyclette. C'est là qu'il prend connaissance des appels du général de Gaulle en provenance de Londres.
Le 22 juillet 1940, il quitte sa femme et ses six enfants, gagne l'Angleterre et va dès lors participer aux côtés du général de Gaulle à la libération de la France. Pour préserver sa famille, il adopte le pseudonyme de Leclerc, fréquent dans sa région. De Gaulle l'envoie en Afrique avec le grade de commandant avec mission de rallier le Cameroun et l'Afrique équatoriale à la « France Libre ».
Dès sa première mission, Leclerc montre le culot et l'audace dont il ne se départira jamais.
Pour se hisser au-dessus du lieutenant-colonel en poste au Cameroun, il s'attribue comme par enchantement le grade de colonel. Le général de Gaulle acceptera peu après de le confirmer dans ce grade en le dispensant de passer par le grade de lieutenant-colonel.
C'est le début d'une ébouriffante carrière qui le verra promu au grade de général d’armée en 1946, tandis que l’autorité politique qui effectuait ces promotions (Charles de Gaulle) ne progressait plus dans la hiérarchie militaire et se satisfaisait du grade plus modeste de général de brigade à titre provisoire !
Après avoir forcé le Cameroun à rallier la France Libre, Leclerc fait un coup de main sur le Gabon, devançant les ordres de De Gaulle. Le 10 novembre, il entre à Libreville. L'Afrique équatoriale française est désormais tout entière dans le camp gaulliste.
Nommé commissaire général de la France libre au Tchad, Leclerc ne s'attarde pas. Il enlève aux Italiens l'oasis de Koufra, le 2 mars 1941. C'est le début d'une longue marche glorieuse jusqu'à Strasbourg, via Paris.
À la même époque, le maréchal Rommel a pris en Tunisie le commandement de l'Afrikakorps allemande. Celle-ci sera battue à El-Alamein par les Britanniques épaulés par les Français Libres.
Leclerc, avec ses troupes mal équipées, vient en appui des Britanniques pour la conquête du Fezzan. Lui-même, à défaut de mieux, se bricole un képi avec visière en carton, chéchia et étoiles en laiton ! Ainsi habillé, il multiplie les coups de main contre les Italiens puis contre les Allemands jusqu'à Tunis.
Enthousiasmés par ce nouveau Bayard, de jeunes Français d'Afrique du nord viennent renforcer ses effectifs.
Au printemps 1943 est constituée la 2e division blindée (DB) avec des équipements américains. À sa tête, Leclerc, devenu général de division, va pouvoir passer aux choses « sérieuses » : le débarquement en Europe et la libération de la France.
Notons que sur instruction américaine, les troupes noires qui l'ont suivi depuis Koufra ont été exclues de la 2e DB.
La 2e DB, partie intégrante de la 3e armée américaine du général Patton, débarque en Normandie en juillet 1944. Il lui revient l'honneur de libérer Paris, décision qu'il a imposée aux Américains.
Leclerc et ses troupes auront encore l'honneur de libérer Strasbourg le 23 novembre 1944, accomplissant ainsi le « serment de Koufra » !
Là-dessus, la 2e DB est incorporée dans la 1ère armée française du général de Lattre de Tassigny. Il s'ensuit des frictions entre les deux généraux, Leclerc n'appréciant pas l'amalgame dans l'armée des vétérans de la France Libre et des francs-tireurs des Forces Françaises de l'Intérieur.
De Gaulle replace la 2e DB sous commandement américain et la transfère à Châteauroux, au coeur de la France ! Leclerc réprime son dépit et envoie ses chars liquider la poche de résistance de Royan, sur la côte Atlantique. Il obtient enfin le droit de participer aux derniers combats en Allemagne. D'une traite, il s'empare du nid d'aigle de Hitler à Berchtesgaden, dans les Alpes bavaroises, qu'il atteint le 4 mai 1945.
Le 6 mai 1945, tandis que Leclerc et ses hommes prennent leurs quartiers près de Berchtesgaden, les Américains leur remettent douze Waffen-SS français de la division Charlemagne, qu'ils ont capturé. Leclerc les interroge brièvement puis s'en éloigne avec dégoût. « Débarrassez-moi de ces gens-là ! » lance-t-il sans plus de précision. On apprendra plus tard que les douze prisonniers ont été fusillés sans jugement. Le doute demeure sur les responsables de ce déni de justice que la forfaiture des captifs ne saurait excuser.
Après la libération de la France, Leclerc aurait souhaité être muté au Maroc, pays alors sous protectorat français, qu'il connaît et apprécie. Las, de Gaulle l'envoie en Asie avec le titre de commandant supérieur des troupes d'Extrême-Orient. Il représente son pays lors de la reddition du Japon, le 2 septembre 1945, à bord du cuirassé USS Missouri.
Sous les ordres de l'amiral Georges Thierry d'Argenlieu, Leclerc a mission de restaurer la souveraineté française sur l'Indochine. Il débarque à Saigon avec son corps expéditionnaire et à force d'audace, chasse les Japonais et les Chinois de l'ancienne Indochine.
En mars 1946, il rencontre Hô Chi Minh, leader indépendantiste et communiste vietnamien et se convainc de l'inanité d'une restauration française, s'opposant sur ce point à Thierry d'Argenlieu et, plus gravement, au général de Gaulle.
De retour en France en juillet 1946, le bouillant général est nommé inspecteur des forces terrestres d'Afrique du nord. C'est une mise à l'écart à peine camouflé. Il trouve la mort prématurément dans un accident d'avion au-dessus du Sahara le 28 novembre 1947.
Après des obsèques nationales émouvantes, Leclerc sera inhumé dans la crypte des Invalides, auprès des autres gloires militaires de la France. Il sera hissé à la dignité de Maréchal de France à titre posthume cinq ans plus tard, le 11 janvier 1952, en même temps que Jean de Lattre de Tassigny (il aurait eu alors 49 ans).
On peut lire sur le héros l'excellente et fiable biographie écrite par le général Jean Compagnon (CR), l'un de ses compagnons d'armes : Leclerc, Maréchal de France (Flammarion, 1991).
Élevés ensemble et à titre posthume à la dignité de Maréchal, Leclerc et de Lattre ont de nombreux points communs (famille noble, engagement dans la France Libre et dans la guerre d'Indochine...). Ils sont aussi l'un et l'autre unis par le malheur d'avoir perdu un fils dans la guerre d'Indochine.
Le lieutenant Bernard de Lattre de Tassigny a été tué à Nin-Binh (Tonkin) le 30 mai 1951, tandis que son père commandait le corps expéditionnaire. Stoïque, celui-ci a ramené en métropole les corps de son fils unique (23 ans) et de deux compagnons tombés en même temps que lui. Les trois cercueils ont traversé Paris sur des auto-mitrailleuses, témoignant du sacrifice des jeunes Français à l'autre bout du monde...
Moins médiatisée, la fin du lieutenant Henri Leclerc (26 ans) a été tout aussi héroïque. Le 4 janvier 1952, alors qu'il commandait sa compagnie en appui de l'attaque de Trung Khu, il fut grièvement blessé à la jambe et évacué par son adjoint qui le prit sur son dos. Lucide jusqu'au bout et constatant que l'ennemi les talonnait, il ordonna à son adjoint de le laisser sur place après lui avoir donné tous les documents et munitions qu'il avait sur lui. Son corps fut retrouvé derrière le muret de l'église locale où il avait réussi à se traîner avant de mourir. Avant l'Indochine, il avait déjà combattu en Alsace en 1944.
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Emile (28-11-2022 08:04:35)
« à El-Alamein par les Britanniques épaulés par les Français Libres ». ! En 42 les Américains sont a Alger Capitale de la France(.) comme le rappelle deGaulle a Roosevelt a son retour de Yal... Lire la suite
Emile (27-11-2022 16:47:47)
« à El-Alamein par les Britanniques épaulés par les Français Libres ». ! En 42 les Américains sont a Alger Capitale de la France(.) comme le rappelle deGaulle a Roosevelt a son retour de Yal... Lire la suite
Anonyme (01-10-2017 15:27:08)
Bonjour, On peut lire aussi (par exemple à Montparnasse, au Memorial), le livre du Colonel Brouillard (Pierre Nord, dans la Résistance), qui servit avec lui au Maroc : "£eclerc et ses Hommes". ... Lire la suite