Jean-Baptiste Say est l'un des plus grands économistes français, l'un des plus clairvoyants aussi, en particulier sur les aventures coloniales.
À la veille de la Révolution, la lecture de l'ouvrage majeur d'Adam Smith (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776) décide de sa vocation. Dans ses premiers écrits, il clarifie et enrichit la pensée de l'économiste écossais tout en tirant les premiers enseignements de la révolution industrielle naissante.
Jean-Baptiste Say fait un bref passage au Tribunat, sous le Consulat, et publie en 1803 son ouvrage majeur : Traité d'économie politique ou Simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses.
En 1815, il publiera aussi un petit ouvrage à vocation pédagogique : Catéchisme d'économie politique, , ou instruction familière qui montre de quelle façon les richesses sont produites, distribuées et consommées dans la société ; ouvrage fondé sur les faits, et utile aux différentes classes d’hommes, en ce qu’il indique les avantages que chacun peut retirer de sa position et de ses talents.
Démissionnant du Tribunat pour conserver sa liberté de penser, l'économiste fonde une filature dans le Nord, ce qui lui vaut la fortune, et finit sa carrière au Collège de France. Il meurt le 15 novembre 1832 à Paris.
La loi des débouchés
L'économiste et entrepreneur affiche sa confiance dans la capacité de l'économie industrielle à surmonter les crises. Il est à l'origine d'une loi qui porte son nom et est parfois dite « loi des débouchés », selon laquelle les produits s'échangent contre des produits et l'offre crée sa propre demande (ces formules qu'on lui prête ne sont pas de sa plume).
Il écrit : « L'homme dont l'industrie s'applique à donner de la valeur aux choses en leur créant un usage quelconque, ne peut espérer que cette valeur sera appréciée et payée, que là où d'autres hommes auront les moyens d'en faire l'acquisition. Ces moyens, en quoi consistent-ils? En d'autres valeurs, en d'autres produits, (...) ! d'où il résulte, quoiqu'au premier aperçu cela semble un paradoxe, que c'est la production qui ouvre des débouchés aux produits ».
Cela dit, Jean-Baptiste Say mesure le caractère quelque peu subjectif de la valeur prêtée aux choses. Il écrit ainsi dans son Catéchisme d’économie politique : « Vous n’entrevoyez pas l’utilité des choses (telles la bague ou la fleur) parce que vous n’appelez utile que ce qui l’est aux yeux de la raison, tandis qu’il faut entendre par ce mot tout ce qui est propre à satisfaire les besoins, les désirs de l’homme tel qu’il est. » En cela, il s'écarte de l'idée d'Adam Smith, reprise par David Ricardo puis Karl Marx, selon laquelle le travail serait l'étalon de mesure de la valeur des choses.
Dans une optique libérale et optimiste, l'économiste réprouve toute intervention de l'État et voit dans la monnaie un intermédiaire neutre, avec seulement un rôle transitoire. Mais cette conception de la monnaie a été plus tard violemment critiquée par John Maynard Keynes. Confronté à la crise de 1929, celui-ci à l'encontre de Jean-Baptiste Say, voit dans le crédit et la dette de puissants stimulants pour la production.
La pensée de Jean-Baptiste Say s'inscrit dans la continuité de La Richesse des Nations d'Adam Smith mais elle se tient éloignée de la Théorie des sentiments moraux du même auteur. Lui-même en vient à penser que la possession et la consommation de biens matériels sont la finalité de l'existence...
Il oublie que la production repose en dernier ressort sur les hommes et qu'elle sera d'autant meilleure que les hommes seront qualifiés et motivés. C'est ainsi qu'il tire argument des thèses de Malthus pour se féliciter de la dénatalité : « Les institutions les plus favorables au bonheur de l’humanité sont celles qui tendent à multiplier les capitaux. Il convient donc d’encourager les hommes à faire des épargnes plutôt que des enfants » (Cours complet, 1828, VIe partie).
Avec une singulière prescience, Jean-Baptiste Say a contesté les conquêtes coloniales à venir : « Les vraies colonies d'un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple commerçant doit désirer qu'ils soient tous indépendants pour devenir plus industrieux et plus riches, car plus ils seront nombreux et productifs, plus ils présenteront d'occasions et de facilités pour les échanges. Les peuples deviennent alors pour nous des amis utiles et qui ne nous obligent pas de leur accorder des monopoles onéreux, ni d'entretenir à grands frais des administrations, une marine et des établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où on sera honteux de tant de sottise et où les colonies n'auront plus d'autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives à donner et à recevoir, le tout aux dépens du peuple » (Cours complet d'économie politique, 1830).
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nadine M (17-01-2017 18:46:13)
je suis tout à fait de cet avis ,.J'ai vécue presque 5 ans au Cameroun à Douala, dans les années 55 59 mon mari est retouné à Douala 20 ANS APrès.... une catastrophe, rien n'avait été entr... Lire la suite
Pierre Brivot (05-01-2017 17:04:55)
J’ai connu Dakar peu d’années après l’indépendance, j’y suis retourné de nombreuses années après… l’indépendance avait fait ses ravages… Loin de tout village, sur la côte NO de ... Lire la suite