1189-1291

Ultimes croisades

Suite à la victoire du sultan Saladin à Hattîn et à la chute de Jérusalem, les Francs de Palestine ont fait appel une troisième fois à leurs coreligionnaires d'Occident. Mais la nouvelle expédition n'a pas réussi à reprendre Jérusalem, du fait des dissensions entre les rois Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste. Après le retour chez eux des deux souverains, les Francs n'ont plus conservé en Palestine qu'un droit d'accès au tombeau du Christ, le Saint-Sépulcre, et quelques ports sur le littoral du Levant.

Le scandale de la quatrième croisade (1204)

Un siècle après l'appel du pape Urbain II, la chrétienté occidentale est en pleine transformation (mutation, dirait-on aujourd'hui).

Le commerce et l'urbanisation se développent, le niveau de vie s'améliore, le servage disparaît. Des États modernes émergent. L'art gothique est en plein essor... Les gens n'ont plus autant d'enthousiasme pour aller reconquérir Jérusalem. En Terre sainte même, les ports francs d'Acre, Tyr et Tripoli (au nord de l'actuel Liban) sont devenus de très fructueux lieux d'échanges entre l'Orient et l'Occident. Ils font la fortune des marchands italiens.

Il faut toute l'énergie du pape Innocent III pour mettre sur pied une nouvelle expédition. Celle-ci est confiée à de simples chevaliers. Pour le transport, on fait appel aux navires de Venise. Mais les Vénitiens exigent des chevaliers, en guise de paiement, qu'ils s'emparent pour leur compte de la ville chrétienne de Zara en Dalmatie et rétablissent sur le trône de Byzance un empereur à la solde de Venise.

Le pape a beau protester et excommunier les Vénitiens, rien n'y fait. Au lieu d'aller combattre les infidèles, les croisés s'emparent de Byzance le 12 avril 1204 et mettent à sac la ville. Ils instaurent pour finir un « Empire latin » avec à sa tête l'un des leurs. Ce détournement de la 4e croisade scandalise à bon droit la chrétienté et élargit le fossé qui sépare la chrétienté orthodoxe de rite grec de la chrétienté catholique de rite latin.

« Croisade des enfants » et 5e croisade (1217)

La suite n'est plus qu'une interminable agonie... malgré les qualités du nouveau roi de Jérusalem. Celui-ci, Jean de Brienne, est un seigneur champenois élu par les barons de Terre sainte sur les conseils du roi de France Philippe Auguste.

Énergique sexagénaire, au demeurant bel homme, il se marie en 1208, pour la bonne cause, à l'héritière du royaume de Jérusalem, la fille d'Isabelle et Conrad de Montferrat, alors âgée de 17 ans.

En 1212, en France et en Allemagne, des enfants ou « pastoureaux » se rassemblent au sein d'une improbable expédition, à l'appel d'un jeune illuminé, et malgré les avertissements du pape et des seigneurs, tentent de se rendre à Jérusalem. Leur sort est tragique. Beaucoup, s'étant livrés de confiance à des armateurs, sont vendus comme esclaves en Égypte. Les autres périssent sur les routes.

Là-dessus, le pape Innocent III lance au concile Latran IV l'idée d'une nouvelle croisade. Celle-ci sera mise en oeuvre par son successeur, Honorius III et placée sous le commandement du duc d'Autriche Léopold VI, du roi de Hongrie André II et du roi de Jérusalem. Les deux souverains débarquent à Acre en septembre 1217 mais ils rechignent à s'unir sous le commandement avisé du roi Jean de Brienne. Après de vaines escarmouches avec les musulmans, André II se lasse et rentre chez lui.

Comme de nouveaux renforts débarquent, Jean de Brienne décide alors d'attaquer... l'Égypte. Son objectif est d'asphyxier le poumon du monde arabe en s'emparant de ses débouchés maritimes, Alexandrie et Damiette, puis de négocier leur rétrocession de Jérusalem. Ce calcul n'est pas loin de réussir. Toujours portés par la supériorité militaire que leur confèrent leur discipline et leurs armures de fer, les croisés débarquent devant Damiette le 29 mai 1218.

Le sultan d'Égypte Mélik el-Kâmil, neveu de Saladin, se montre disposé à céder Jérusalem contre la levée du siège... Hélas, le mauvais sort s'acharne sur les croisés, cette fois en la personne du légat pontifical, un Espagnol du nom de Pélage. À peine débarqué, ce nouveau-venu repousse l'offre du sultan. Il prétend obtenir à la fois Damiette et la Ville sainte.

Le légat ordonne d'en finir avec Damiette puis enlève le commandement de l'armée à Jean de Brienne. Tandis que ce dernier rentre en Syrie, le légat repousse une nouvelle offre du sultan et lance une folle expédition vers Le Caire ! Jean de Brienne, consterné, revient dare-dare par souci de sauver ce qui peut l'être.

Las, comme on est au mois d'août 1221, l'armée des croisés se rend prisonnière de la crue annuelle du Nil. Elle est contrainte à la reddition. Le sultan, magnanime, la renvoie dans ses foyers cependant que Jean de Brienne se livre en otage... Pélage rentre à Rome où il se fait copieusement tancer par le pape Honorius III.

La fausse croisade de Frédéric II (1229)

La tentative suivante de reconquête de Jérusalem n'a rien d'une expédition militaire. Elle est le fait de Frédéric II de Hohenstaufen, titulaire de l'empire d'Allemagne et héritier par sa mère du royaume normand de Sicile.

Cultivé, curieux, ami des lettrés musulmans, ce prince manifeste par ailleurs un grand cynisme et une absence totale de piété. L'historien René Grousset dit de lui : «Si Frédéric II affectait de tant admirer l'islam, c'était un peu à la façon de Montesquieu et de Voltaire, moins pour l'islam lui-même que contre l'Église romaine».

À l'occasion de son sacre, en 1220, l'empereur allemand fait au pape Honorius III, en 1220, le voeu de se croiser... Bientôt veuf, il se propose d'épouser la fille du roi de Jérusalem Jean de Brienne, Isabelle. Celle-ci a 11 ans et lui-même 28.

Jean de Brienne, ébloui, envoie sa fille en Sicile. Elle y mourra bientôt de chagrin cependant que son père, victime d'un marché de dupes, devra, dès le soir des noces, céder ses droits sur la couronne de Jérusalem à son cynique gendre.

 En 1227, lassé d'attendre la croisade promise par Frédéric II, le nouveau pape Grégoire IX excommunie l'empereur.

Encore sous le coup de l'excommunication, Frédéric II se résigne à prendre le chemin de l'Orient. Il traite avec le sultan Mélik el-Kâmil et achète le droit d'entrer dans la Ville sainte et de s'y faire couronner roi de Jérusalem. En échange, il convient de mettre ses troupes au service du sultan d'Égypte dans la guerre que celui a engagée contre... son frère, le sultan de Damas. Mais le temps que l'empereur arrive en Terre sainte, le sultan de Damas est mort et avec lui la guerre fratricide.

De mauvais gré, le sultan d'Égypte livre à Frédéric Jérusalem, Bethléem, Nazareth et Sidon par l'accord de Jaffa du 11 février 1229. Détesté par les Francs de Palestine et leur chef, le seigneur de Beyrouth Jean d'Ibelin, méprisé par les musulmans qui ne goûtent pas son athéisme et son cynisme, Frédéric II reprend sans attendre le chemin de la Sicile. Dès le 23 août 1244, des bandes de Turcs Khwarizmiens allaient définitivement enlever Jérusalem aux Francs et restituer la ville au sultan.

La septième croisade (1249-1254)

Le roi de France Louis IX (futur Saint Louis) se montre très affecté par la perte de Jérusalem. Il entreprend une nouvelle croisade avec les encouragements du pape Innocent IV. S'embarquant avec son armée à Aigues-Mortes, en Provence, il atteint le delta du Nil et s'empare de Damiette. Il bat à el-Mansourah (le Champ de la victoire en arabe), plus au sud, l'armée du sultan, composée de mercenaires appelés mamelouks.

Mais son avant-garde s'aventure imprudemment sur la route du Caire en dépit de ses ordres. Bientôt, toute l'armée est bloquée sur place par la crue du Nil et menacée par la famine et l'épidémie. Elle tente de battre en retraite. Le 8 septembre 1250, Saint Louis est capturé en protégeant son arrière-garde. Le vainqueur est un mamelouk turc promis à un grand destin, Baïbars l'Arbalétrier. Sa dynastie, se substituant à celle de Saladin, règnera sur l'Égypte jusqu'à la conquête par le sultan turc Sélim Ier en 1517. Les Mamelouks n'en continueront pas moins de dominer la société égyptienne jusqu'à l'arrivée de Bonaparte en 1798.

Hôte forcé des Égyptiens, Saint Louis impressionne ses geôliers par sa piété et sa grandeur d'âme. Libéré contre une rançon et la restitution de Damiette, il rentre en France après un séjour de quatre années dans les échelles franques du Levant dont il restaure l'administration et les défenses.

Huitième et dernière croisade (1270)

Saint Louis est encore à l'origine de la huitième et dernière expédition. Comme précédemment, il s'embarque avec son armée à Aigues-Mortes mais se dirige vers... Tunis. Son objectif est de convertir le sultan hafside El-Moutansir et de le dresser contre le sultan mamelouk d'Égypte Baïbars, celui-là même qui l'a capturé lors de la précédente croisade.

Mais les barons francs sont las et à peine débarquée à Carthage le 17 juillet 1270, l'armée est frappée par une épidémie de typhus. Le roi lui-même est atteint et meurt pieusement sous les murs de Tunis, emportant avec lui l'idéal religieux de la croisade.

Les ultimes vestiges de la présence franque en Palestine disparaissent en 1291 avec la chute de Saint-Jean-d'Acre aux mains des mamelouks.

André Larané

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La Reconquista
Publié ou mis à jour le : 2023-02-01 18:54:59
Christian (16-10-2022 07:47:35)

Selon les chroniques de l'époque, la "croisade des enfants" de 1212 avait été prêchée par deux jeunes bergers, Etienne de Cloyes en France et Nicolas de Cologne en Allemagne. Cet événement, qui... Lire la suite

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