La Libye est un vaste territoire (1 750 000 km2, soit trois fois la France) à 90% désertique et peuplée de seulement six millions d'habitants (2010), dont 20% d'immigrés. Un chiffre négligeable en comparaison des 80 millions d'habitants du voisin égyptien.
Son unité n'est que de façade, avec trois grandes régions très dissemblables séparées par de grands déserts.
Au sud, le Fezzan garde sur les parois rocheuses de ses montagnes quelques beaux témoignages de peintures rupestres, souvenir du temps lointain, entre le VIe et le Ier millénaires avant JC, où certaines parties du Sahara se présentaient encore comme une savane giboyeuse et hospitalière.
Notre patron Hérodote a célébré le haut niveau de civilisation de ses habitants, les Garamantes, sans doute des Touareg. Ces Garamantes tirent leurs ressources du commerce entre Carthage et le Soudan (le pays des Noirs). Ils ramènent de celui-ci de l'or, de l'ivoire, des plumes d'autruche et également des esclaves.
Encore peuplé de nomades touareg et toubous, le Fezzan est une voie de pénétration privilégiée entre la Méditerranée et l'Afrique noire.
Au nord-ouest, sur la côte, la Tripolitaine est tournée vers la Tunisie et le Maghreb. Sa capitale, Tripoli, est proche de l'ancien port romain Leptis Magna, dont le plus illustre représentant est l'empereur Septime Sévère.
En allant vers l'est, on traverse le grand désert de Syrte, au fond du golfe du même nom, avant d'arriver en Cyrénaïque.
Orientée vers l'Égypte, cette région rappelle par son nom l'ancienne ville grecque de Cyrène, dont le grand homme est le mathématicien Ératosthène. Ses anciens habitants, les Troglodytes, ont donné bien du fil à retordre aux pharaons, si l'on en croit Hérodote.
La métropole actuelle, Benghazi, est la ville de l'ancien roi de Libye Idriss 1er. C'est le siège de la tribu majoritaire des Warfallah.
La conquête arabe suit les épisodes carthaginois, romain et byzantin. Les Berbères et les nomades finissent par être islamisés et pour la plupart arabisés, en dépit de fortes résistances.
Tripoli est conquise par les Espagnols au début du XVIe siècle, de même que de nombreux autres ports du littoral nord-africain : Melilla, Ceuta, Oran, Alger, La Goulette... Ces ports, aussitôt fortifiés, deviennent des plaza de soberania (en français « présides ») par lesquels l'Espagne affirme sa prééminence en Méditerranée. Mais celle-ci ne dure pas. En 1551, le corsaire barbaresque Dragut Raïs, vassal du sultan Soliman le Magnifique, s'empare ainsi de Tripoli et en devient le représentant du sultan, ou beylerbey, dans la nouvelle Régence.
Sous la tutelle lointaine de la Sublime Porte (le gouvernement ottoman), Tripoli mais aussi Benghazi vont devenir des repaires de corsaires très actifs dans le commerce des esclaves, comme les autres ports du Maghreb, en particulier Alger.
Le 29 juillet 1711, un janissaire du nom d'Ahmed Karamanlis assassine le gouverneur ottoman de Tripoli et s'impose comme le nouveau pacha. Il étend son autorité à la Cyrénaïque et au Fezzan. Sa descendance va se maintenir au pouvoir jusqu'en 1835 sans cesser de faire allégeance au sultan.
Le trafic d'esclaves noirs et européens ne manque pas d'irriter les puisances occidentales, lesquelles bombardent à plusieurs reprises les ports libyens.
En 1801, pour ne rien arranger, le pacha Youssouf Karamanlis se pique d'imposer un tribut aux navires qui longent ses côtes. Le président américain Thomas Jefferson prend mal la chose, d'autant qu'une centaine de ses concitoyens sont capturés et réduits en esclavage par les Libyens.
Il s'ensuit une première « guerre barbaresque » (Barbary wars en anglais), en octobre 1803, avec un blocus du port de Tripoli.
L'USS Philadelphia, un navire américain qui participe au blocus, est capturé par les Barbaresques et enrôlé dans leur flotte.
Le lieutenant Stephan Decatur capture alors un navire turc (ketch), le rebaptise USS Intrepid et avec lui, pénètre nuitamment dans la rade de Tripoli le 16 février 1804. Il neutralise les soixante hommes de l'Intrepid, met le feu à celui-ci et se retire sans dommage...
Après le blocus et différentes autres interventions navales et terrestres contre Tripoli, il impose un traité au pacha le 10 juin 1805.
En 1815, le pacha tente de prendre sa revanche. Il s'allie avec le dey d'Alger et le bey de Tunis contre les Occidentaux qui veulent en finir avec la piraterie et l'esclavage. La riposte ne se fait pas attendre : une flotte anglo-hollandaise bombarde Alger cependant que les Américains imposent une nouvelle reddition aux Libyens. C'en est fini de la piraterie en Méditerranée.
Après la conquête de l'Algérie par la France et l'indépendance de la Serbie et de la Grèce, la Sublime Porte craint de se voir arracher l'empire par lambeaux. Le 26 mai 1835, les troupes du sultan chassent le dernier Karamanlis et restaurent l'autorité du sultan sur les wilayets de Tripoli et Benghazi.
Pour la Libye ottomane, le répit est de courte durée. Après que la Tunisie, à l'ouest, et l'Égypte, à l'est, sont passées respectivement sous protectorat français et anglais, c'est au tour de l'Italie de se manifester.
Désireuse de prendre part au dépeçage de l'empire ottoman, elle adresse un ultimatum à Constantinople et fait débarquer des troupes à Tripoli le 5 octobre 1911. Un an plus tard, par le traité de Lausanne du 15 octobre 1912, le sultan se résout à lui céder les deux provinces libyennes. Elles seront réunies en une seule colonie en 1934, dénommée Libye.
L'Italie fasciste encourage l'immigration de quelques milliers de colons italiens en dépit d'un maigre potentiel agricole et d'une vigoureuse résistance des tribus bédouines, surtout en Cyrénaïque.
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, la colonie italienne ne résiste pas à l'offensive britannique venue d'Égypte.
Venue au secours des Italiens, l'Afrikakorps de Rommel est défaite par les Alliés en novembre 1942 à Bir-Hakeim et El-Alamein (Cyrénaïque). Les noms de Tobrouk et de Koufra rappellent la participation glorieuse des Français à cette bataille décisive.
La Libye, pays le plus pauvre du littoral méditerranéen, est devenue indépendante en 1951, sur décision de l'ONU.
À sa tête, le roi Idriss Ier est l'ancien émir de Cyrénaïque. Pour s'attirer les crédits occidentaux, il accepte l'installation de bases britanniques et américaines.
Tout change brusquement en 1959 avec la découverte de pétrole. Dépassé par la nouvelle donne, le vieux roi est déposé par l'ineffable Mouammar Khadafi (27 ans) dix ans plus tard.
L'or noir fournit aujourd'hui les ¾ du budget de l'État et place le pays au 4e rang des exportateurs de pétrole africains. Il vit de sa rente pétrolière mais est en revanche obligé d'importer la quasi-totalité de ses besoins en nourriture et produits d'équipements, faute d'agriculture et d'industrie.
Bénéficiant de la levée de l'embargo qui la frappait depuis le début des années 1990, la Libye a enregistré une très forte croissance économique au début du XXIe siècle - plus de 10% en 2010... mais c'était avant que la chute du dictateur Khadafi ne la replonge dans la plus totale anarchie.
• 20 octobre 2011 : fin de Kadhafi
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Christian (13-03-2023 08:24:40)
Le premier souverain de la Libye indépendante, Mohammed Idris al-Senoussi, né en 1889, était le petit-fils de Mohammed ibn Ali al-Senoussi, fondateur de la confrérie des Senoussis. Il fut reconnu ... Lire la suite