Simon de Montfort père et fils

L'un combat les hérétiques, l'autre le roi

Simon IV de Montfort, chef de la croisade contre les Albigeois, fut un guerrier à la fois pétri d'une foi sincère et capable des pires cruautés.

D'une croisade à l'autre

Né vers 1160, il hérita de la modeste seigneurie de l'Yveline, au sud de l'Île-de-France. Inféodée au roi de France Philippe Auguste, elle inclut le château de Montfort-L'Amaury. Plus chanceuses, d'autres branches de sa famille avaient acquis par le jeu des héritages et des guerres féodales le comté d'Évreux, en Normandie, et le comté de Leicester, en Angleterre.

Au cours d'un tournoi, le dimanche 28 novembre 1199, près de Reims, Simon entend l'appel de Foulque de Neuilly à une quatrième croisade et s'empresse de le suivre.

Lancée par le pape Innocent III, cette croisade vise à s'emparer des ports de l'Égypte en vue de les troquer contre Jérusalem. Les croisés attendent à Venise de s'embarquer. Comme ils manquent d'argent pour payer les armateurs vénitiens, ceux-ci leur demandent un petit service. Il s'agirait de mettre à la raison une ville dalmate, Zara.

Les chefs croisés obtempèrent, au grand scandale du pape qui les excommunie car Zara est chrétienne. Mais, conscients du sacrilège, Simon de Montfort et quelques autres chevaliers refusent de participer à l'opération et à la suite, encore plus insensée : la mise à sac de Constantinople.

Cette circonstance vaudra plus tard à Simon de Montfort d'être élu chef de l'armée en guerre contre les Albigeois... Le seigneur de l'Yveline, de retour chez lui, ne tarde pas en effet à répondre à un nouvel appel à la croisade, en 1208. Cette fois, il ne s'agit plus de combattre les infidèles musulmans mais les hérétiques cathares qui gangrènent le Languedoc et le comté de Toulouse.

C'est la première fois, à vrai dire, qu'une croisade est lancée contre des gens qui se réclament du Christ. Cette croisade-là se révélera plus impitoyable que toutes les autres. Conduite de concert par le légat pontifical Arnaud-Amalric, qui supervise les aspects religieux, et Simon de Montfort, qui s'en tient aux aspects militaires, elle va déboucher très vite sur une lutte inexpiable entre deux sociétés, la société féodale et brutale du Nord et celle, plus policée et plus urbaine, du Midi.

Simon de Montfort n'en verra pas le terme, tué d'une pierre devant les murailles de Toulouse en 1218, à près de 60 ans, après neuf ans de campagnes inlassables. Pour les uns, il restera le bourreau du Midi, pour les autres (plus rares) un martyr de la cause catholique et un « chevalier du Christ », l'incarnation d'un idéal religieux et moral qui œuvrait au salut de tous.

Bon sang ne saurait mentir !

Simon V de Montfort, 6e comte de Leicester (1200 ; 4 août 1265), d'après une ancienne transcription d'un vitrail de la cathédrale de Chartres (1711)Le quatrième fils de Simon IV de Montfort, lui aussi prénommé Simon, fera quant à lui carrière outre-Manche avec le titre de comte de Leicester hérité de sa grand-mère. En 1230, le roi Henri III Plantagenêt, fils de Jean sans Terre, le confirme dans son titre. En 1238, il lui donne pour épouse sa soeur Aliénor et en 1248 il le nomme gouverneur d'Aquitaine !

Dix ans plus tard, guère reconnaissant à l'égard de son bienfaisant beau-frère, Simon V de Montfort prend la tête de la rébellion des barons, lesquels ne supportent plus l'incompétence du roi et ses extravagances. Au terme de cette Première guerre des Barons, il impose au roi la convocation d'un Parlement extraordinaire à Oxford et lui arrache les concessions politiques connues sous le nom de Provisions d'Oxford.

En janvier 1264, le roi et les barons demandent au roi de France Louis IX d'arbitrer leur différend, ce que fait le saint roi dans un compromis connu sous le nom de « mise d'Amiens ». Il annule les Provisions d'Oxford et se montre plutôt favorable à Henri III. 

Mécontents, les barons reprennent les armes. Cette Seconde guerre des Barons débute le 14 mai 1264 près du prieuré de Saint-Pancrace, à Lewes, dans le Sussex, près de Brighton. La bataille se solde par la victoire de Simon de Montfort sur les troupes royales malgré des effectifs deux fois inférieurs en nombre. Le roi et ses fils sont capturés.

Par cette victoire, le comte de Leicester devient le maître de l'Angleterre. Il convoque un Parlement où sont admis des bourgeois, aux côtés du clergé et de la noblesse.

Mais l'heure n'est pas venue d'instaurer une monarchie parlementaire et une partie des barons abandonne Simon de Montfort qui se fait finalement tuer le 4 août 1265 par Édouard, fils et héritier du roi Henri III, à la bataille d'Evesham, non loin de Stratford-upon-Avon, ville natale de Shakespeare. C'est la fin d'un destin très... shakespearien.

Champion de la lutte contre l'absolutisme royal, Simon V de Montfort sera longtemps honoré par le peuple anglais.

André Larané

Bataille de Lewes (12 mai 1264)

Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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