Samarcande

Le fantôme de Tamerlan

Le nom de Samarcande évoque la Route de la Soie, les chevauchées mongoles, les splendeurs persanes et par-dessus tout celui de Tamerlan, le conquérant qui a sortie la ville de l’anonymat au XIVe siècle.

La réalité est plus triviale. Samarcande est aujourd’hui une capitale provinciale de l’Ouzbékistan, l’un des États turcs d’Asie centrale issus de la décomposition de l’URSS. C’est une ville d’un demi-million d’habitants au milieu de la steppe, ni riche ni misérable, tout juste un peu ennuyeuse, si ce n’était son héritage timouride (de Tamerlan).

Samarcande, Madrasa Chir Dor, Ouzbekistan (photo : Gérard Grégor, pour Herodote.net)

Les Mille et Une Nuits au cœur de la steppe

Au premier millénaire de notre ère, la Route de la Soie, ensemble de routes caravanières entre la Chine et la Méditerranée, a fait la prospérité des oasis étapes comme Samarcande et ses rivales Khiva et surtout Boukhara, connue pour le dynamisme de ses négociants juifs. Successivement conquise par les Huns, les Chinois, les Arabes (qui y introduisent l’islam), les Perses et les Turcs, Samarcande est ravagée en 1220 par le Mongol Gengis Khan. Enfin, en 1369, Tamerlan en fait sa capitale.

Pour l’embellir, le conquérant turco-mongol y fait venir les meilleurs architectes et artisans de son empire. En 1399, Samarcande est dotée de l’une des plus imposantes mosquées du monde, la mosquée Bibi-Khanym, longue de 167 mètres pour 109 mètres de large.

Avec le déclin de la Route de la Soie et l’avènement des États modernes, Samarcande tombe dans l’oubli. Le 1er mai 1868, une armée russe sous les ordres du général Constantin von Kaufmann entre dans la ville. Elle devient alors une ville de garnison avant que les Soviétiques ne songent à restaurer son patrimoine architectural.

Samarcande, Gour Emir (tombe de Tamerlan), Ouzbekistan, DR

La malédiction du « Boiteux de fer »

Ne cherchez pas Tamerlan : le conquérant est toujours dans sa tombe, à Samarcande (Ouzbékistan), au coeur de l'Asie centrale. Il fait en effet partie des rares souverains qui n'ont jamais quitté leur dernière demeure et continue d'être honoré dans cette ville dont il a fait la gloire et la beauté.

Samarcande, mausolée Gour Émir, tombe de Tamerlan.Rapatrié non sans difficulté par sa famille après sa mort en 1405 sur la route de la Chine, le corps du « Boiteux de fer » fut déposé dans la crypte du mausolée Gour-Émir, un des chefs-d’œuvre de Samarcande, construit à l'origine pour son petit-fils préféré.

Sous la haute coupole de la salle principale, sa pierre tombale, formée d'une seule pierre de jade noire (malheureusement brisée), impressionne le visiteur. Mais imaginez donc la surprise des scientifiques soviétiques lorsqu’ils décidèrent d'ouvrir, en 1941, le cercueil d'ébène du souverain.

Après avoir dû s'éloigner quelque peu pour laisser s'évaporer les vapeurs de plantes aromatiques, ils purent observer à loisir l'ancien conquérant : ils avaient face à eux le squelette assez bien conservé d'un homme roux, haut de 1,70m, avec des traces de handicap au niveau d'un bras et d'une jambe. Aucun doute, il s'agissait bien du « boiteux » !

Victime à la fin de sa vie d'une tumeur au coude, cet homme indestructible s'était vu obligé de faire ses dernières campagnes en litière.

Mikhaïl Guerassimov, Reconstitution du visage de Tamerlan.Pour l'anthropologue Mikhaïl Guerassimov, l'occasion était trop belle : il allait enfin pouvoir appliquer sa nouvelle méthode de reconstitution des têtes des défunts.

Le résultat a certainement été influencé par ce portrait d'un voyageur de l'époque : « Tamerlan était particulièrement grand et robuste. Il avait une tête massive au front élevé, la peau blanche et saine, une belle allure, les épaules larges, les jambes longues et les mains puissantes. Il était manchot et boiteux du côté droit. Il portait la barbe longue. La lueur de son regard était difficile à supporter et sa voix était haute et profonde. » (Ibn Arabshah)

La terrible réputation du souverain a-t-elle fait trembler ceux qui ont violé sa sépulture ?

On se plaît à rappeler que ce 22 juin 1941 est le jour précis où Hitler lança l'opération Barbarossa contre l'Union soviétique, qui allait faire des millions de morts. Peut-être aurait-il fallu se méfier de cette malédiction inscrite sur le tombeau du prince : « Lorsque je reviendrai à la lumière du jour, le monde tremblera. »

Publié ou mis à jour le : 2020-05-09 11:38:32
Francis (05-05-2018 23:14:43)

Merci pour cet excellent article qui permet de connaître un peu Ulugh Bey , cet homme d’état savant et sage , dont des sots ont voulu effacer la mémoire ... Tout à fait d’ accord avec le comme... Lire la suite

lefranc (01-05-2018 09:57:48)

une visite qui éblouit et enrichit au milieu d'un peuple qui aime son histoire et ses richesses. Il faut y aller avec passion et curiosité...

pierre (12-07-2016 17:54:58)

Caractéristique de cette religion qui, en décapitant Ulugh bey, a englouti toute percée évolutive pour amener les peuples soumis à la stagnation et à l'obscurantisme dont nous subissons encore ... Lire la suite

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