Le 22 juin 1941, à 4 heures du matin, Staline est réveillé par un coup de fil du général Joukov dans sa datcha des environs de Moscou : « C'est la guerre ! »
Les troupes allemandes viennent de pénétrer en Union soviétique. Cette guerre non déclarée survient un an jour pour jour après l'armistice franco-allemand.
Europe nazie
Le 23 août 1939, Hitler a conclu un pacte de non-agression avec Staline pour avoir les mains libres face aux démocraties occidentales. Ayant attaqué et défait celles-ci au terme d'une guerre-éclair sans avoir pu traverser la Manche, Hitler n'a plus trouvé que l'Angleterre de Churchill pour lui résister. C'était paradoxalement le seul pays étranger qu'il avait en admiration et avec lequel il aurait souhaité une alliance de raison.
Désespérant de vaincre l'Angleterre, le Führer décide malgré tout d'attaquer l'URSS, avec le risque d'ouvrir un double front. Il suit de la sorte un objectif qu'il s'est fixé dès le début de sa carrière politique : offrir au peuple allemand l'« espace vital » (Lebensraum) indispensable à son développement. Sur une suggestion de son ministre des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, le déclenchement de l'invasion est secrètement fixé au 15 mai 1941.
Mais entretemps, le 27 mars 1941, à Belgrade, en Yougoslavie, le gouvernement yougoslave a été renversé par des officiers de l'armée de l'air deux jours après avoir signé un pacte avec l'Allemagne et l'Italie. Hitler craint avec raison que le nouveau gouvernement yougoslave ne prenne le parti des Anglais.
Là-dessus, Mussolini appelle le Führer à l'aide. Le dictateur italien avait conquis l'Albanie avant le déclenchement du conflit mondial et, profitant du conflit européen, avait tenté d'étendre ses conquêtes dans les Balkans en envahissant la Grèce. Mais ses armées ont été refoulées du fait d'une résistance inattendue des Grecs. Hitler, qui conserve de l'admiration pour le Duce, ne peut faire moins que de lui répondre favorablement.
C'est ainsi que le 6 avril 1941, la Wehrmarcht envahit la Yougoslavie. Elle entre à Belgrade le 12 avril et à Athènes le 27 avril. Du fait de ce contretemps, l'invasion de l'URSS est repoussée de cinq semaines ! Ce retard sera lourd de conséquences car il empêchera la Wehrmacht d'atteindre Moscou avant l'hiver.
Opération « Barbarossa »
Malgré la discrétion dont les Allemands entourent leur projet d'invasion de l'URSS, Staline en est très tôt et très complètement informé grâce à ses services secrets et notamment à l'action de son agent en poste à Tokyo, Richard Sorge, qui se fait passer pour nazi et travaille auprès de l'ambassadeur allemand au Japon, Eugen Ott.
Sorge envoie à Staline le 30 mai 1941 une lettre précisant que l'invasion allemande aurait lieu dans la deuxième quinzaine de juin 1941. Dans le même temps, le 10 mai 1941, par un fait stupéfiant, Rudolf Hess, dauphin de Hitler, a gagné l'Écosse à bord d'un chasseur Messerschmitt et sauté en parachute. Capturé, il a prétendu amener une offre de paix et révélé l'imminence d'une attaque de l'URSS. Churchill a transmis l'information à Staline.
Mais le dictateur reste convaincu de la solidité du pacte de non-agression conclu avec les nazis. Non sans raison, il juge absurde que Hitler prenne le risque d'ouvrir un deuxième front et de renoncer aux approvisionnements soviétiques en matières premières, pétrole et produits agricoles, lesquels ont déjà contribué à sa victoire éclair sur la France.
Hitler baptise l'opération secrète : « Barbarossa », du nom de l'ancien empereur germanique Frédéric Ier Barberousse.
Sitôt informé de l'invasion, Staline, incrédule, sombre dans une dépression profonde sans se montrer ni voir personne pendant plusieurs jours. Pour lui comme pour beaucoup de contemporains, la victoire des Allemands paraît une nouvelle fois inéluctable...
Le 3 juillet 1941 enfin, après que des militaires l'aient adjuré de se ressaisir, il prononce un vibrant discours radiodiffusé et sans rien cacher du désastre, en appelle au sursaut patriotique. Il se garde bien d'évoquer dans son discours le parti communiste, honni de beaucoup de ses concitoyens.
L'URSS reçoit l'appui sans condition du plus vieil ennemi du bolchévisme, le Premier ministre britannique Winston Churchill. À la différence de ses conseillers, celui-ci comprend que la défaite de l'Allemagne doit primer sur toute autre considération. Il signe le 16 juillet 1941 une alliance en bonne et due forme avec son vieil ennemi.
Soutenue au nord par les Finlandais et au sud par les Roumains, la Wehrmacht remporte d'abord des succès spectaculaires face à une Armée rouge de 4 millions de soldats et 170 divisions, mais démoralisée et décapitée par la disparition de la moitié des officiers généraux dans les purges staliniennes.
Dès le premier jour de l'invasion, les chars allemands, les Panzers, progressent de 60 kilomètres à l'intérieur du pays. Dans le même temps, l'aviation allemande, la Luftwaffe, détruit 1811 appareils soviétiques, dont 1489 au sol ! Staline, qui ne voulait donner aucun motif de méfiance à Hitler, avait interdit que l'on camoufle ou protège ces avions d'une quelconque façon.
Forts de 3 millions d'hommes, 3 600 chars et 4 200 avions, les envahisseurs capturent en quelques semaines... 600 000 soldats soviétiques ainsi que des milliers de chars.
Le 10 juillet, ils entrent dans Vitebsk, grande ville de Biélorussie que l'Armée rouge a évacuée après l'avoir incendiée.
En août, ils encerclent Kiev, capitale de l'Ukraine, et le 19 septembre entrent dans la ville. Ils font au passage 650 000 prisonniers supplémentaires et s'emparent de 900 chars et 3 000 pièces d'artillerie. Au nord, ils entament le 8 septembre le siège de Léningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg). Celui-ci durera 900 jours.
Sur le terrain, la guerre se fait impitoyable. Les paysans biélorusses, ukrainiens et russes dédaignent de soutenir le gouvernement soviétique, que généralement, ils exècrent. Contre les partisans qui tentent de mettre en oeuvre la « stratégie de la terre brûlée », ils prennent le parti de l'envahisseur. Pas moins d'un million de « volontaires orientaux » sont ainsi recrutés par les Allemands pour traquer environ 250 000 partisans.
Mais Hitler et les nazis, imbus de leur sentiment de supériorité raciale, n'exploitent pas cet atout. Ils dédaignent le soutien des populations slaves et des minorités ethniques exacerbées par la terreur communiste et laissent mourir les foules de prisonniers qui tombent entre leurs mains.
Considérés par Staline comme des traîtres, ces derniers seront au total 5,7 millions de juin 1941 à février 1945 ; 3,3 millions mouront dans les camps de maladie, de faim et de mauvais traitements ! Les nazis multiplient aussi les exécutions sommaires de civils et surtout entament l'extermination des Juifs.
Retournement de situation
En juillet 1941, Hitler croit avoir eu une nouvelle fois raison contre ses généraux qui doutaient du succès de l'invasion. Mais très vite il doit déchanter.
Le régime soviétique résiste contre toute attente au choc des premières semaines de l'invasion. Très vite, la hiérarchie communiste se ressaisit et, d'une poigne de fer, mobilise toutes les forces du pays sans égard pour la vie humaine. Le potentiel industriel est préservé grâce au déménagement des grandes usines d'armement dans la région de l'Oural, à l'est de Moscou. Le gouvernement soviétique lui-même abandonne Moscou le 16 octobre 1941 et se réfugie plus à l'est.
Dans les régions envahies par la Wehrmacht, les minorités et les paysans changent d'attitude devant la haine des Allemands à leur égard. La guerre des partisans se fait plus brutale.
Or, la Wehrmacht souffre très vite d'un équipement logistique insuffisant. Elle manque dramatiquement de camions et de trains. Qui plus est, elle se disperse dans trois objectifs, Hitler et ses généraux n'ayant pu s'entendre sur un objectif prioritaire.
C'est ainsi qu'un groupe d'armées se dirige au nord vers Léningrad, un autre vers Moscou, un troisième au sud vers les plaines céréalières de l'Ukraine et les gisements pétroliers du Caucase. Aucun de ces objectifs n'est en définitive atteint.
Le 5 décembre 1941, épuisée par l'arrivée précoce de l'hiver et le harcèlement des résistants soviétiques, l'armée allemande interrompt son avance à 30 kilomètres de Moscou.
Née à Minsk en 1924, Masha (Maria) Bruskina est cantonnée dans le ghetto juif de la ville à l'arrivée des Allemands en juillet 1941. Infirmière volontaire dans un hôpital sous administration allemande où sont soignés des prisonniers de guerre soviétiques, elle aide ceux-ci à s'évader avec faux papiers et vêtements civils. Dénoncée par un patient, elle est arrêtée le 14 octobre 1941, torturée et pendue le 26 octobre 1941 avec deux autres résistants, Kiril Trus et Volodia Shcherbatsevich (16 ans), que l'on voit ici à côté d'elle.
Cette image tragique a fait le tour du monde mais il faudra attendre 1996 pour que des historiens révèlent l'identité des victimes et leur judéité, car il était pour Staline inconcevable qu'une juive symbolise l'héroïque résistance soviétique (note).
Contre-offensive
Alors débute sur tous les fronts la contre-offensive soviétique. De gré ou de force, tous les Soviétiques font bloc autour de leur Vojd (Guide en russe) Staline. Il n'est plus question de marxisme-léninisme mais de « Grande Guerre patriotique » contre l'oppresseur héréditaire.
L'arrière et les usines d'armement sont tout autant mobilisés que les unités combattantes. Plus important encore, celles-ci bénéficient des armements qui arrivent par convois maritimes des États-Unis et sont débarqués dans les ports de l'Arctique, Arkangelsk et Mourmansk.
Pour la première fois depuis le début de la guerre, la Wehrmacht cède du terrain devant l'ennemi. Dans le même temps, les États-Unis entrent officiellement dans le conflit suite à l'attaque japonaise sur Pearl Harbor. C'est le tournant de la Seconde Guerre mondiale.
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Bagration (22-06-2022 09:39:11)
Bonjour, Il est à rappeler que le sacrifice de Masha et Volodya a été exécuté par la Wermacht et non les SS, ce qui, entre autres exactions, invalide la Wermacht propre, promue par Guderian, Mans... Lire la suite