Robert Koch (1843 - 1910)

Le chasseur de microbes

Robert Koch, gravure d'après une photographie de Wilhelm Fechner, vers 1900.Le médecin allemand Robert Koch est le fondateur de la bactériologie. À son crédit : la découverte du bacille de la tuberculose mais aussi celui du choléra ainsi que l'origine de l'anthrax.

Il fonda à Berlin un institut de recherche qui porte encore son nom et demeure la référence en matière de lutte contre les épidémies.

Sa rivalité avec Louis Pasteur symbolisa à la fin du XIXe siècle les tensions bellicistes entre l’Empire allemand et la République française.

Viktor Jörgens

Un simple médecin de campagne

Robert Koch, naît en 1843 à Clausthal, dans le royaume de Hanovre. Son père est ingénieur dans l'industrie minière tandis que son oncle, un pionnier du daguerréotype, l’initie à la photographie et la microscopie.

Robert Koch, vers 1870, Julius Cornelius Schaarwächter . Koch fait des études de sciences naturelles et de médecine à Göttingen et décroche un prix universitaire. Médecin à 23 ans, le jeune homme rêve d'émigrer en Amérique comme deux de ses frères, mais sa fiancée l'en empêche !

Il se résout donc au mariage et pour subvenir aux besoins de sa famille ouvre deux cabinets médicaux dans le Brandebourg, lesquels s’avèrent un désastre financier. Il s’installe finalement à Rakwitz (actuelle ville polonaise de Rakoniewice), en Prusse occidentale.

Koch participe à la guerre franco-prussienne de 1870 comme médecin militaire. Deux ans plus tard, il est nommé directeur du service de santé de Wollstein (actuelle Wolsztyn). Ses revenus vont lui permettre de se consacrer à la recherche, en plus de son activité médicale.

La propagation de l'anthrax

Koch s’intéresse à la maladie du charbon (anthrax) qui décime les animaux et peut se transmettre aux humains. À l’époque, la majorité des scientifiques souscrivent à la théorie des miasmes et pensent que les maladies se transmettent par un « mauvais air » qui s'évaporerait du sol. Comment expliquer autrement que même dans les troupeaux où aucun animal n'est malade, l'anthrax se déclare soudainement ?

Microscope utilisé par Robert Koch, Édimbourg, Surgeons' Hall Museums. Agrandissement : Le bacille du charbon Bacillus anthracis, planche extraite de Die Aetiologie der Milzbrand-Krankheit, begründet auf die Entwicklungsgeschichte des Bacillus Anthracis (L'étiologie de la maladie du charbon basée sur l'histoire évolutive du Bacillus Anthracis)., 1876.Quelques années plus tôt, le Français Casimir Davaine, ami de Claude Bernard et médecin de Napoléon III et Marie Duplessis (La Dame aux camélias), a cependant fait une découverte fondamentale : l'anthrax se transmet par le sang d'animaux malades. Mieux : il a réussi à isoler au microscope des « corps filiformes » (c’est-à-dire des microbes) qui sont l’agent pathogène du charbon.

Poursuivant les travaux du Français, Koch aménage un laboratoire de fortune dans son cabinet, dissimulé derrière un rideau, où il se livre nuit et jour à des expérimentations sur des animaux auxquels il transmet l'anthrax. Il s’équipe d’un microscope ultramoderne ainsi que d’appareils photographiques avec lesquels il prend pour la première fois des photographies de bactéries.

Pour rendre celles-ci plus visibles, Koch met au point des méthodes de coloration, basées sur l’aniline. Il démontre ainsi que les bactéries de l'anthrax forment des spores pouvant se maintenir longtemps dans le sol avant de se retransformer en bactéries actives.

Le 29 avril 1876, Koch présente le résultat de ses recherches au botaniste Ferdinand Cohn, de l’université de Breslau (aujourd'hui Wroclaw). Cohn, premier médecin juif en Prusse, est enthousiasmé par les travaux de Koch et lui propose de publier ses résultats dans sa revue.

Chercheur à Berlin

Le 1er juillet 1880, Koch bénéficie d’un nouveau poste au sein du nouvel Institut impérial de la santé où il peut désormais se consacrer entièrement à ses recherches. Son service se compose seulement d'une petite pièce avec une seule fenêtre. Il gagne moins qu'auparavant mais désormais, il peut se consacrer entièrement à ses recherches.

Robert Koch dans son laboratoire, vers 1885.C’est ainsi qu’il améliore la technique de culture des bactéries et sa publication Zur Untersuchung von pathogenen Organismen (« L‘examen des organismes pathogènes ») devient en 1881 la Bible de la bactériologie. Parallèlement, il observe que la vapeur d'eau chaude tue les bactéries beaucoup plus efficacement que toutes les méthodes connues jusqu'alors. C’est la naissance de la stérilisation à la vapeur !

La présentation de ses travaux au Congrès médical international de Londres de 1881 lui vaut l’admiration des scientifiques, à commencer par Louis Pasteur et le pathologue Rudolf Virchow de Berlin.

La découverte du bacille de la tuberculose

L’objectif de Koch est désormais d’isoler la bactérie de la tuberculose dont le Français Jean-Antoine Villemin vient de prouver qu’elle était une maladie infectieuse.

Dans son petit laboratoire, il se livre à de nouvelles expérimentations animales. Comme souvent, c’est du simple hasard que naissent les découvertes fondamentales. Un jour, pour la coloration, le savant utilise par mégarde un flacon de bleu de méthylène périmé, devenu basique. Et contre toute attente, la bactérie de la tuberculose apparaît au microscope dans des échantillons de tissus.

Lésions tuberculeuses cutanées, 1886. Agrandissement : Tuberculosis, Ludvig Karsten, 1892, musée national de l'Art, de l'Architecture et du Design de Norvège.L’Allemand découvre que la tuberculose n’affecte pas seulement les poumons mais aussi les reins, la peau, les intestins et les os. Il réussit à multiplier les bactéries en culture et à déclencher les formes les plus diverses de tuberculose chez des animaux de laboratoire. Les hypothèses fumeuses sur les origines de la maladie sont définitivement réfutées.

Le 25 mars 1882, devant la Société physiologique de Berlin, Robert Koch prononce une conférence intitulée : « Sur la tuberculose ». Les plus grands noms de la médecine berlinoise sont présents : Rudolf Virchow, père de l’anatomopathologie, Hermann von Helmholtz, inventeur de l'ophtalmoscope, Emil du Bois-Reymond, fondateur de l'électrophysiologie ou encore le jeune Paul Ehrlich, futur prix Nobel.

Koch a installé plusieurs microscopes dans lesquels les participants peuvent observer les préparations contenant le bacille tuberculeux. En l’honneur de son découvreur, celui-ci sera appelé « bacille de Koch ».

Tout le monde est impressionné par cette présentation et Ehrlich écrira plus tard : « Cette soirée est toujours restée dans ma mémoire comme ma plus grande expérience scientifique ». La salle où a eu lieu cette conférence historique est toujours conservée. Quant au 25 mars, il sera décrété Journée mondiale de la tuberculose par l'OMS.

Le texte de la conférence est publié dans la foulée dans la revue de médecine Berliner Medizinische Wochenschrift. Loin de s’en tenir à la théorie, Koch suggère une marche à suivre pour combattre efficacement la maladie : « Il faut supprimer, dans la mesure du pouvoir humain, les sources d'où s'écoule l'agent infectieux. L'une de ces sources, et certainement la plus importante, est le crachat des malades. »

Robert Koch (troisième à partir de la droite) et ses compagnons lors de l'expédition allemande contre le choléra en Égypte en 1884.

La découverte de l'agent pathogène du choléra

En 1883, Koch est envoyé par le gouvernement allemand en Égypte où sévit une épidémie de choléra. Un groupe de chercheurs français est déjà arrivé de Paris, pas Pasteur lui-même mais son assistant Émile Roux. Les scientifiques des deux pays cherchent fébrilement l'agent pathogène du choléra, mais aucun ne le trouve. Après le décès dû au choléra de Louis Thullier, âgé de 27 ans, les Français partent. Koch quitte également l'Égypte, les conditions de travail y étant très mauvaises et l'épidémie s'étant calmée.

Le docteur Thuillier, mort du choléra en Égypte, Paris, Bibliothèque interuniversitaire de Santé. Agrandissement : Image de la bactérie du choléra Vibrio cholerae avec un microscope électronique.Quelques mois plus tard, une nouvelle épidémie est signalée à Calcutta. Koch se rend sans attendre aux Indes. Il y arrive le jour de son 40ème anniversaire, le 11 décembre 1883. Et un mois à peine après son arrivée, son équipe découvre enfin l'agent pathogène du choléra : le Vibrio cholerae.

L'Empire allemand célèbre cette découverte comme un triomphe national. Dans un journal berlinois, on peut lire : « Bienvenue à nos vainqueurs (...) dans la Nouvelle Allemagne fière de ses armes ». On vend des couvercles de pipe et des mouchoirs avec le portrait de Robert Koch !

Élevé au rang de héros national, le savant reçoit une médaille de l'empereur ainsi qu’une récompense de 100 000 reichsmarks, somme colossale pour l’époque. La notoriété du savant allemand dépasse les frontières et résonne jusqu’en France. Si bien que lorsque Marseille est touchée par une épidémie de choléra en 1884, les autorités républicaines n’hésitent pas à solliciter les services du scientifique le plus célèbre du Reich.

En 1885 le Kaiser crée une chaire d'hygiène pour Koch. L’Université, représentée par Rudolf Virchow, n'apprécie pas cette décision car normalement, c’est elle qui attribue les chaires, mais l'empereur passe outre.

Un petit garçon chez un apothicaire : S'il vous plaît, vos bouteilles de Kochr ! Reproduction d'une lithographie de A. Holswilder, v. 1890.

Échec de la tuberculine et crise sentimentale

Le dixième Congrès international de médecine qui se tient à Berlin en août 1890 réunit plus de 5000 participants qui attendent avec impatience la conférence de Koch sur la tuberculose. À la fin de son exposé, le scientifique annonce avec prudence la découverte d’un remède contre la tuberculose, ajoutant : « Tout ce que je peux dire, c'est que chez des cobayes déjà fortement atteints de tuberculose générale, le processus de la maladie a pu être totalement stoppé. »

La nouvelle fait sensation et se répand aussitôt dans le monde entier. Une cohorte de patients afflue à Berlin avec l’espoir de voir la maladie enfin vaincue. Dès novembre 1890, le « remède de Koch » est disponible à Berlin sous le nom de tuberculine. Pour tester la tolérance du remède, le savant se l'administre à lui-même ainsi qu'à sa jeune maîtresse… ce qui leur vaut une violente fièvre. Il publie aussi le résultat du traitement de 50 patients qui semble être encourageant : « Un début de tuberculose peut être guéri en toute sécurité par le remède ». Koch devient une superstar.

Institut Robert Koch à Berlin en 1900. Agrandissement : Institut Robert Kochr aujourd'hui.

Fort de ce succès, le Reich planifie la création d'un institut de recherche piloté par Koch et concurrent de l'Institut Pasteur, ouvert deux ans plus tôt. L’enthousiasme sera cependant de courte durée.

Contrairement à ce qu’a annoncé Koch, la tuberculine s’avère inefficace. Pire : le traitement aggrave même l'évolution de la tuberculose chez les grands malades et provoque des décès. Une délégation de trois médecins français de retour de Berlin se montre très critique. On peut lire dans le Figaro du 6 décembre 1890 : « Nous devons être extrêmement prudents et circonspects, rien ne nous prouve son efficacité. Aucun des malades que nous avons vus était guéri et plusieurs d'entre eux sont morts. »

Hedwig Koch, née Freiberg. C'est comme ça que j'étais quand j'ai rencontré Robert Koch en 1889.Inopérante, voire dangereuse, la tuberculine est abandonnée. Des analyses plus précises montreront que le produit ne valait rien. Koch en avait gardé la composition secrète, contrairement aux prescriptions en vigueur à l'époque, et dès janvier 1891, il dut publier la manière dont il avait fabriqué sa « tuberculine ». Mais on n'a jamais su exactement ce que contenaient ses extraits.

À l'époque, les médicaments étaient vendus sans études contrôlées ni autorisation de l'État. Comment en est-on arrivé à ce désastre ? Koch a-t-il été poussé par l’appât du gain ou sa soudaine célébrité lui a-t-elle fait oublier sa méticulosité scientifique ?

Au même moment, une affaire de mœurs vient ternir un peu plus son étoile. Malheureux en ménage, Koch s’est emmouraché en 1890 d’une maîtresse nommée Hedwig Freiberg, une belle jeune fille rousse de bonne famille formée aux langues étrangères et passionnée par les arts. Il a 47 ans, elle en a 17…

Cette liaison fait les choux gras de la presse en sensation et la bonne société berlinoise se détourne peu à peu du célèbre savant qui ne cache plus son désir de divorcer. Le divorce est finalement prononcé en 1893, Koch prenant tous les torts à sa charge et épouse sa maîtresse. Le couple va dès lors se montrer inséparable, la jeune Hedwig accompagnant son époux dans tous ses voyages.

Médecine des XVIIIe et XIXe siècles, Veloso Salgado, 1906, Faculté des sciences médicales de la nouvelle université de Lisbonne. Pasteur, debout au centre, Robert Koch, assis devant lui à sa droite, tenant un document. Agrandissement : Robert Koch lisant son discours à une conférence au St James's Hall, Piccadilly, F.C. Dickinson, 1901.

La traque des microbes partout dans le monde

Malgré l’échec de la tuberculine, Koch est nommé le 8 juillet 1891 à la tête de l'Institut des maladies infectieuses, nouvellement créé.

Les professeurs Koch et Pfeiffer travaillant dans un laboratoire, enquêtant sur la peste à Bombay. Photographie attribuée au capitaine C. Moss, 1897. Nombre de ses collaborateurs vont y faire des découvertes exceptionnelles. Paul Ehrlich et Emil von Behring reçoivent le premier prix Nobel de médecine pour la découverte du sérum de l'antitoxine de la diphtérie, August von Wassermann invente un test diagnostiquant la syphilis, qui porte son nom.

Mais Koch passe plus de temps en voyage que dans son institut. Jeune homme, il a rêvé d'émigrer en Amérique comme deux de ses frères ; lors d'une tournée de conférences aux États-Unis, il peut les revoir après des décennies.

Ses voyages le mènent aussi en Afrique de l'Est, en Nouvelle-Guinée, en Inde et au Japon. Il s'occupe entre autres de la maladie du sommeil, de la malaria et de la peste bubonique. En Afrique de l'Est, ses études sont entachées d’expériences sur les populations locales, avec des effets secondaires parfois désastreux…

Robert Koch au Japon. Au premier plan, la femme de Koch, Hedwig Freiberg, avec deux enfants japonais dans ses bras.

Il est toujours accompagné de sa jeune épouse, avec laquelle il passe 17 années de mariage heureux. Le couronnement de sa carrière est le prix Nobel en 1905, nouvelle qui lui parvient en Afrique.

En 1910, Robert Koch se rend à Baden-Baden pour une cure où il meurt le 27 mai, probablement d'une crise cardiaque. Il est incinéré et ses cendres seront déposées dans son Institut de Berlin où elles sont encore conservées aujourd'hui.

Koch, Pasteur et le poison du nationalisme

La renommée concomitante de Pasteur et de Koch a transposé sur le terrain scientifique la rivalité franco-allemande née de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, chacune des deux puissances érigeant son savant en symbole national.
Une première polémique éclate en 1881, lorsque Koch attaque durement son aîné dans une publication. Il met en doute la théorie de Pasteur selon laquelle les agents pathogènes de l'anthrax sont transportés à la surface par des vers de terre à partir de cadavres d'animaux enterrés dans les profondeurs du sol. Koch, qui a raison, sauve les vers de terre que Pasteur voulait éradiquer ! Koch emploie un ton agressif en écrivant que les travaux de Pasteur n'ont « en aucun cas enrichi les connaissances sur l'anthrax ».
Un violent quiproquo met le feu aux poudres l’année suivante, en septembre 1882, au Congrès international d'hygiène de Genève. Koch est assis dans le public alors que Pasteur fait une présentation. En mentionnant les travaux de Koch, Pasteur parle de « recueil allemand ». L’Allemand maîtrise mal le français et son collègue assis à côté de lui comprend à tort « orgueil allemand » et lui en fait la traduction. Indignation de Koch qui se lève d'un bond.
Par la suite, Koch n’aura de cesse de chercher à invalider les travaux de Pasteur sur la vaccination contre l'anthrax sous prétexte qu’il n’est pas médecin. Tandis que Pasteur fait figure en France d’héros intouchable, l'Empire allemand exalte Koch comme preuve vivante de la supériorité germanique. Sous le national-socialisme, il est porté au pinacle et sa biographie par Unger, collaborateur des nazis et haut fonctionnaire médical, publiée en 1936, devient un best-seller. Le désastre du traitement à la tuberculine y est présenté comme un succès. La mémoire d'Emil von Behring est également glorifiée tandis que les travaux de Paul Ehrlich, élève juif de Koch, sont retirés des instituts. Ce n'est qu'en 1947 qu’on honora de son nom l’Institut fédéral des vaccins et des médicaments biomédicaux, devenu Paul Ehrlich Institut.
Il faudra attendre longtemps pour que le rêve de l'hygiéniste français Apollinaire Bouchardat devienne réalité, lui qui écrivait en 1866 dans son livre sur l'hygiène : « Dans un temps qui n'est peut-être pas aussi éloigné qu'on le pense, l'Europe ne formera plus qu'une grande république dont tous les États n'auront d'autres rivalités que de développer et de perfectionner à l'envie l'agriculture, le commerce, les sciences, les arts et les lettres. »

Publié ou mis à jour le : 2022-10-21 17:20:56

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