Les Médicis étaient à Florence, au milieu du Moyen Âge, une famille de banquiers parmi d'autres. Au XVe siècle (le « Quattrocento » italien), ils se hissent à la première place, par leur fortune comme par leur pouvoir.
Cosme de Médicis et ses successeurs gagnent leur entrée dans l'aristocratie européenne en s'appuyant sur les humanistes et les artistes et en les stipendiant. Ils savent reconnaître le génie de leurs contemporains, qu'il s'agisse de l'humaniste Marsile Ficin, des peintres Filippo Lippi et Sandro Botticelli ou encore de l'astronome Galilée, et les protègent le cas échéant des attaques de leurs adversaires.
C'est ainsi que pendant plus de trois siècles, si brutaux qu'ils soient, ils mettent leur richesse au service des arts et des sciences. Ces simples banquiers vont de la sorte réussir à s'inventer un lignage qui, après Laurent le Magnifique, justifiera leur accession au titre ducal et à la fondation d'une dynastie.
C'est à Cosme l'Ancien (1389-1464) que les Médicis doivent d'être devenus l'une des familles plus influentes d'Italie et d'Europe. Il consolide la fortune familiale et, discrètement, asseoit son pouvoir sur la république oligarchique en plaçant ses partisans aux principales magistratures.
Devenu le plus riche marchand de Florence, Cosme (on écrit aussi Côme ; en italien, Cosimo de Medici) dispense généreusement sa fortune dans le mécénat culturel.
Cette pratique est déjà coutumière chez toutes les riches familles florentines depuis le XIIe siècle. C'est à elle que la cité doit un patrimoine déjà exceptionnel au temps de Cosme l'Ancien, tant sur le plan architectural (San Miniato del Monte, Ponte Vecchio...) qu'artistique (Cimabue, Giotto...) et littéraire (Dante, Pétrarque, Boccace).
Cosme attire auprès de lui artistes et philosophes. Ouvert aux idées nouvelles, il demande à différents humanistes, autrement dit des érudits férus en langues anciennes, de traduire en latin, la langue universelle de l'époque, des ouvrages grecs. Il voudrait rien moins que s'assurer que la pensée grecque de l'Antiquité était en accord avec la théologie chrétienne (les penseurs d'avant le Christ auraient été des chrétiens à leur insu).
Dans cette optique, l'humaniste Marsile Ficin s'engage dans la traduction de l'oeuvre de Platon en 1462. Cosme l'installe pour ce faire dans une belle villa de Careggi, à la périphérie de Florence. En ce lieu Marsile Ficin réunit un cercle d'amis et d'élèves et constitue une académie néo-platonicienne.
Il rassemble une collection exceptionnelle de manuscrits, à l'origine de la future Bibliothèque Laurentienne, et prend sous sa protection des artistes comme Fra Angelico. Il se fait construire un palais dans la Via Larga (Grand'Rue).
Laurent le Magnifique, petit-fils de Cosme l'Ancien, poursuit la tradition familiale d'autant mieux qu'il a reçu une éducation humaniste d'avant-garde et montre du talent pour la poésie (« nature d'artiste greffée sur une âme de prince »).
Il rassemble autour de lui artistes et humanistes ; il multiplie les fêtes et encourage l'imprimerie. Il protège les artistes et les humanistes, de Botticelli à Michel-Ange, de Pic de la Mirandole à Marsile Ficin. Il enrichit aussi les collections de manuscrits et d'œuvres d'art de son père Pierre le Goutteux et de son grand-père Cosme l'Ancien (pièces antiques, porcelaines chinoises, vases en pierres dures...).
Après la mort de Laurent en 1492, Florence connaît de longues épreuves et les Médicis en sont à plusieurs reprises chassés. Ils préparent toutefois leur retour à Rome, où le second fils de Laurent le Magnifique a été élu pape sous le nom de Léon X.
Au cours des guerres d'Italie, Florence perd l'essentiel de ses institutions républicaines.
En 1537, une branche cadette des Médicis, issue du frère de Cosme l'Ancien, se réinstalle à Florence. Son représentant, Cosme Ier, prend le titre de duc de Florence puis de grand-duc de Toscane.
Pour manifester son autorité et son prestige, il s'installe en 1555 au coeur de la ville, sur la place de la Seigneurie, dans l'ancien palais du gouvernement, le Palazzo Vecchio.
Jusqu'à sa mort, en 1574, il n'a de cesse d'accroître ses collections et de multiplier les commandes aux artistes.
Il se prend de passion pour les objets étrusques et les fait activement rechercher pour affirmer la filiation entre l'Étrurie pré-romaine et la Toscane (région de Florence).
Plus curieux, le duc Cosme Ier montre aussi un singulier intérêt pour les témoignages du Nouveau Monde et des mondes lointains.
Anthropologue avant l'heure, il collectionne des porcelaines chinoises et aussi bien des cuillères en ivoire originaires du royaume du Bénin (Nigéria actuel).
Elles auraient été rapportées par des navigateurs portugais et acquises par son épouse Éléonore de Tolède, de même qu'un manteau en plumes d'ibis rouge ayant appartenu à un dignitaire indien du Brésil.
En 1549, Éléonore de Tolède achète sur la rive gauche de l'Arno le palais Pitti, construit au siècle précédent par un banquier florentin. Elle le fait réaménager et agrandir par Giorgio Vasari. Le palais et ses jardins sont destinés aux fêtes grand-ducales.
Entre le Palazzo Vecchio et le palais Pitti, Vasari aménage un corridor de plus de 1000 mètres, qui passe au-dessus des rues et du Ponte Vecchio, sur l'Arno. Il permet au grand-duc de se rendre d'une résidence à l'autre en toute discrétion et sans escorte.
Le palais Pitti va inspirer Marie de Médicis, fille de François Ier et nièce de Ferdinand Ier, quand, régente de France, elle décidera en 1615 de construire un palais à Paris. Ce sera le palais du Luxembourg, sur des plans de Salomon de Brosse.
Le fils et successeur de Cosme Ier, François Ier de Médicis élargit ses centres d'intérêt aux sciences. C'est qu'en cette fin du XVIe siècle, les élites intellectuelles délaissent l'étude de l'Antiquité et lui préfèrent l'étude de la nature.
Le grand-duc commande ainsi à des artistes des dessins de plantes et animaux dans un but scientifique. Il ouvre aussi au Palazzo Vecchio un cabinet de curiosités (ou cabinet des Merveilles ; en allemand Wunderkammer).
Enfin, il ne délaisse pas les arts plastiques pour autant et inaugure en 1580 la galerie des Offices (Galeria degli Uffizi). Entre la place de la Seigneurie et l'Arno, elle abrite encore aujourd'hui les plus belles collections des Médicis. Le grand-duc François, par ailleurs débauché et tyrannique, est victime d'un empoisonnement.
Son frère, le cardinal Ferdinand, lui succède à la tête du grand-duché. Il quitte pour l'occasion la pourpre et se marie. S'il est heureusement d'un naturel plus honnête et affable que son frère, il est comme lui passionné par les arts et les sciences. Ainsi laisse-t-il à Rome une splendide villa riche de magnifiques collections, qui porte encore son nom, la villa Médicis. Elle héberge depuis 1803 l'Académie de France à Rome.
Ferdinand Ier apporte par ailleurs son appui à un astronome plein de promesses, Galilée, lequel, en manière de reconnaissance, dédie aux Médicis les quatre satellites de Jupiter, qu'il nomme «satellites médicéens».
Galilée, sur la fin de sa vie, savoure un ultime réconfort dans la protection que lui accorde Ferdinand II de Médicis, petit-fils du précédent.
Mais le frère du grand-duc, le cardinal Léopold de Médicis (1617-1675), n'est pas moins attentif aux sciences. Il fonde en 1657 à Florence l'Accademia del Cimento (Académie de l'Expérience), en hommage aux méthodes galiléennes d'observation et d'expérimentation.
C'est la première académie de sciences naturelles en Europe. Elle témoigne de l'extraordinaire bond accompli par les sciences et la recherche au XVIe siècle, le siècle scientifique par excellence.
Le cardinal initie par ailleurs en 1664 une exceptionnelle collection d'autoportraits d'artistes célèbres. Il l'installe dans le corridor Vasari qui relie le Palazzo Vecchio au palais Pitti. Depuis lors et jusqu'à nos jours, tout artiste de renom tire fierté de voir son autoportrait installé dans ledit corridor, lequel en contient un peu plus de 200.
Les grands-ducs suivants, dans une Italie appauvrie et remisée au second rang, ne s'illustrent plus guère dans le mécénat. Ils préservent cependant les acquis passés et ce n'est déjà pas si mal.
Anne Marie-Louise (1671-1737), dernière représentante de la dynastie, sans enfant, fait rédiger le 31 octobre 1737 un « Pacte de famille » qui prescrit de léguer l'ensemble des collections à la ville de Florence afin qu'elles restent « à la disposition de toutes les nations ».
Cette disposition vaut à Florence d'être encore aujourd'hui un conservatoire exceptionnel de l'art occidental.
Au musée Maillol (Paris) s'est tenue en 2010-2011 une belle exposition consacrée aux trésors des Médicis. Nous lui devons une partie de nos informations et le rappel de cette épitaphe, empruntée à Alexandre Dumas :
« Que les Médicis dorment en paix dans leurs tombeaux de marbre et porphyre, ils ont fait plus pour la gloire du monde que n'avaient jamais fait avant eux et que ne feront jamais depuis, ni princes, ni rois, ni empereurs ».
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