De la succession de tragédies du XXe siècle se dégage une troublante similitude entre tous les fanatiques criminels. On la perçoit dans le témoignage ci-dessous.
Pin Yathay, rescapé du génocide cambodgien de 1975-1979, a retracé la stratégie du PCK (parti communiste khmer) à l'origine du génocide dans un livre mémorable, L'utopie meurtrière (Bruxelles, Complexe, 1989). À l'égal du parti communiste chinois à ses débuts, celui-ci recruta des vagabonds, trafiquants, alcooliques et autres déclassés du Cambodge rural qui trouvèrent une nouvelle dignité dans l'exécution aveugle des ordres de l'Angkar.
« Les Khmers rouges avaient bouleversé l'ordre des valeurs,» écrit Pin Yathay. « L'homme privé d'attache familiale, de propriétés et de penchants individualistes était bien considéré. Il était hissé à un poste assez élevé dans la hiérarchie révolutionnaire. Ce qui m'a frappé, dans ce phénomène social, c'était la transformation physique et mentale des humbles que l'Angkar prenait en main. L'ivrogne, désintoxiqué et remodelé par l'Angkar, était métamorphosé. Grâce à l'éducation révolutionnaire, il avait retrouvé une incontestable personnalité. Signe de cette force recouvrée: tout le monde le craignait (...). Il se prenait pour un autre homme mais on lui avait injecté une personnalité factice. L'ignorant, malgré tous les lavages de cerveau, demeure un ignorant. Les slogans politiques maquillaient passagèrement la brutalité intrinsèque de l'ennemi récupéré. Ces hommes réhabilités par l'Angkar, investis de missions de commandement, pouvaient tuer leurs compatriotes sans remords, sans scrupules. Ils s'étaient enrôlés chez les Khmers rouges pour assouvir une vengeance sociale. »
La Shoah
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible