Au cours de l'été 2014, les lecteurs d'Herodote.net et Notre Temps ont été invités à raconter un souvenir marquant de la libération de leur commune, 70 ans plus tôt. Ces témoignages complètent notre récit de la Libération de Paris (25 août 1944).
Voici l'ensemble des témoignages recueillis par Herodote.net. Au total près de 150 récits émouvants, drôles ou tragiques, toujours sincères et inattendus, qui inspireront peut-être plus tard des historiens ou des romanciers.
Trois témoignages ont été primés le 30 septembre 2014 par le ministre délégué aux Anciens Combattants, M. Kader Arif.
Il s'agit de ceux de Lucienne Delannoy (Saône-et-Loire), Gilbert Garibal (Boulogne-Billancourt) et Michel Pesneau (Manche). La lauréate se verra offrir une croisière en Méditerranée pour deux et les deux lauréats un voyage familial en Grande-Bretagne...
Témoignage de Paul BREVIER à Saint -Martin- Boulogne sur Mer
Le 3 septembre 1944 à 19h30 par la fenêtre ouverte, je perçois le crépitement d'une mitrailleuse en action du côté du Bois Julien. « Ils seront là demain » annonce papa d'une voix péremptoire.Le lendemain à 9h un passant énervé nous apprend qu'une colonne alliée est à la Belle-Croix.J'y fonce à la vitesse d'un Jesse Owens aux jeux olympiques de Berlin en 1936.Me faufilant parmi les badauds surexcités me voici enfin devant nos libérateurs vivement applaudis et salués de vivats véraces.Les automitrailleuses avancent à la vitesse d'un homme au pas au milieu d'une foule débridée au bonheur accompli.Au bout d'une demi-heure, ils sont tous passés,se dirigeant vers Boulogne dont la délivrance sera si difficile et si chère en vies humaines.10h je retourne vers la maison, abasourdi par le spectacle extraordinaire que je viens de vivre!Là papa accroche à la fenêtre du premier étage le drapeau tricolore confectionné en cachette à partir d'un manche à balai et de tissus réformés.Soudain l'atmosphère se crispe:dix soldats allemands aux abois, grenade à la main, descendent vers la ville alors que quelques jeunes FFI armés de bric et de broc montent vers la gare.Pressentant un choc dramatique je me réfugie dans la salle à manger pour suivre derrière le voilage préservateur les éventuelles et délicates péripéties de cette scène fortuite.Craignant les résistants parfois imprévisibles sur les lois de la guerre,la horde teutonne par l'intermédiaire d'un sujet bilingue demande à se rendre à des militaires organisés.Cependant nos libérateurs ont déjà tous quittés l'agglomération.Alors on va chercher deux pilotes américains dont l'avion a été abattu du côté du Pilbois en 1942 par la DCA "boche" et qui fêtent leur liberté retrouvée après deux ans de clandestinité écoulés chez un courageux résistant.Les deux hommes sont tout éberlués de passer de l'état de militaires clandestins à celui de faiseurs de prisonniers. 15h trois autochenilles partant vers Menneville pour réduire une poche de résistants, s’arrêtent devant la maison.Je fraternise tout de suite avec le conducteur de la première qui me donne forces sucreries et cigarettes pour papa. Je remercie ce Canadien généreux qui frôle la mort à chaque instant pour nous donner la liberté.18h mes parents accueillent les voisins pour célébrer la délivrance avec un biscuit fait maison et un verre de Château-neuf-du-pape.21h je vais au lit repassant dans ma jeune tête les événements vécus de cette journée mémorable.