Le château de Chantilly, riche d'une prestigieuse histoire, possède l'une des plus belles collections françaises de peintures anciennes, de manuscrits et de documents divers. Dans un site somptueux, il témoigne de l'art décoratif de l'Ancien Régime.
Le château de Chantilly reflète mieux qu'aucun autre site l'art de vivre tel qu'il s'est épanoui dans l'aristocratie française aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Dans l'ancien pays de Valois, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, le château trône au milieu d'un parc de 115 hectares dessiné par André Le Nôtre, le jardinier favori de Louis XIV.
Le Grand Canal, notons-le, dépasse en dimensions celui de Versailles ! La comparaison avec le palais royal vient d'elle-même à l'esprit des visiteurs, tel celui-ci : « Pourquoi m'a-t-on amené sept fois à Versailles et jamais encore ici ? » (exclamation de Richard Nixon, président des États-Unis, en découvrant Chantilly).
Le domaine est entouré par les Trois Forêts de Chantilly, Halatte et Ermenonville, où les anciens propriétaires de Chantilly et leurs hôtes pratiquaient la chasse à courre.
Les Grandes Écuries, qui ont servi de décor à un film de James Bond, témoignent de la passion des aristocrates de l'Ancien Régime pour cette activité.
Notons - c'est appréciable pour les Parisiens comme pour les touristes - que le château, son parc, son hippodrome, ses écuries et bien sûr le musée sont accessibles à pied à partir de la gare ferroviaire de Chantilly, via une allée forestière d'un à deux kilomètres.
Passionné de chevaux et richissime, le prince Karim Aga Khan, chef spirituel des musulmans ismaéliens, s'est porté au secours du domaine de Chantilly en 2005. Il a engagé la rénovation des collections, du parc et des Grandes Écuries, où il projette d'ouvrir un nouveau Musée du Cheval, pour un montant d'environ 180 millions d'euros.
La rénovation est déjà bien engagée et de 400 000 visiteurs annuels, le domaine pourrait passer bientôt à 650 000 (contre 6 millions à Versailles).
Dès avant l'An Mil, les seigneurs de Senlis font ériger sur le site une forteresse qui est détruite pendant la Grande Jacquerie (1358). Le chancelier Pierre d'Orgemont fait alors élever sur le site une imposante forteresse avec sept tours et de larges douves : le Grand Château. Les terres sont léguées en 1484 à l'illustre famille de Montmorency dont le plus célèbre représentant est le connétable Anne de Montmorency.
Compagnon d'armes de François Ier et de Bayard à Marignan, il meurt un demi-siècle plus tard au combat à... 74 ans. On lui doit la construction en 1527 d'un palais de style Renaissance à l'emplacement de l'ancienne forteresse puis, quelques années plus tard, du Petit Château ou Capitainerie. C'est la partie la plus ancienne des constructions actuelles (voir ci-dessus) si l'on met à part les soubassements et les douves du XIVe siècle. Ce palais est l'oeuvre de l'architecte Jean Bulart, qui a aussi érigé le château d'Écouen pour le connétable.
Henri II, petit-fils du connétable, a un sort moins heureux que celui-ci. Mécontent de n'être pas nommé connétable (il est « seulement » Maréchal de France), il se révolte contre Richelieu aux côtés de Gaston d'Orléans, le propre frère du roi Louis XIII. Cela lui vaut d'être décapité à Toulouse en 1632.
Le roi Henri IV, fou amoureux de Charlotte, la soeur de Henri II, arrange en 1609 son mariage avec Henri II de Bourbon-Condé. Mais celui-ci n'entend pas jouer le rôle de cocu complaisant et emmène sa femme à Bruxelles ! Le domaine de Chantilly rentre ainsi en 1643 dans le patrimoine des Condé. La même année, leur fils Louis II s'illustre à 23 ans en remportant la victoire de Rocroi. Devenu le « Grand Condé » et appelé avec déférence « Monsieur le Prince », il participe néanmoins à la Fronde contre Mazarin et son cousin Louis XIV, avec sa soeur, la belle Mme de Longuevillle ! Il s'exile dans les Flandres et se rallie au roi d'Espagne mais obtient le pardon de Louis XIV lors de la paix des Pyrénées.
De retour à Chantilly, il va dès lors se consacrer à l'embellissement du château et engager en particulier la construction des Grandes Écuries.
Le jardinier André Le Nôtre dessine pour le compte du Grand Condé les jardins et le Grand Canal de Chantilly.
Au XVIIIe siècle, le duc Louis-Henri de Bourbon (1692-1740), arrière-petit-fils du Grand Condé, établit à Chantilly des manufactures de porcelaine tendre, de laques et de toiles peintes qui contribueront à la réputation de la ville.
Il embellit le château (voir ci-dessous une chambre avec ses boiseries de 1720) et construit les Grandes Écuries, superbes dépendances de style classique, en bordure de l'hippodrome actuel. L'architecte en est Jean Aubert.
Dans sa résidence de Chantilly, le prince Louis II de Condé engage à son service les plus grands talents de son temps, en particulier Boileau et Racine. Le château conserve le souvenir tragique du maître d'hôtel Vatel, qui se suicida par surmenage à l'issue d'une grande réception. Lors de ses précédentes fonctions à Vaux-le-Vicomte, chez le surintendant Fouquet, Vatel avait inventé une crème fouettée. Elle a pris le nom de « crème Chantilly » après son entrée au service du Grand Condé.
Jean Aubert réalise aussi les Grands Appartements, lesquels incluent une « Grande Singerie » (1737), pièce aux boiseries décorées de singes savants dans le goût chinois (il reste dans le monde dix décors de ce type en tout et pour tout dont quatre en France).
En 1774, sensible à la pensée de Jean-Jacques Rousseau, le prince fait aménager dans le domaine, non loin du château, un hameau de sept chaumières (cinq subsistent encore à l'heure actuelle). Dans ce décor d'opérette qui va inspirer le Hameau de la reine Marie-Antoinette, Condé et ses invités peuvent se donner l'illusion d'un retour à la vie bucolique.
Arrive la Révolution. Le duc est contraint d'émigrer ; ses collections sont dispersées et le Grand Château livré aux démolisseurs. Quand la famille récupère son domaine à la Restauration, le coeur n'y est plus. C'est que le dernier rejeton des Condé, le duc d'Enghien, a été fusillé sur ordre du Premier Consul Napoléon Bonaparte le 21 mars 1804. Son père sera quant à lui retrouvé pendu à l'espagnolette d'une fenêtre du château de Saint-Leu le 27 août 1830. La fortune des Condé reviendra dès lors à son petit-neveu, le duc Henri d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe Ier, alors âgé de 8 ans.
Le duc d' Aumale, héros de la conquête de l'Algérie, doit fuir la France lorsque son père est chassé du trône en 1848. Il revient à Chantilly en 1871 après avoir accru sa fortune en Angleterre et se consacre dès lors à l'embellissement du domaine. Amateur avisé, il enrichit considérablement les collections de peintures.
Prince des bibliophiles, il réunit aussi à Chantilly 1500 manuscrits de valeur dont 500 manuscrits enluminés, ainsi que 700 incunables. Les plus célèbres sont évidemment les Très Riches Heures du duc de Berry et le Livre d'Heures d'Étienne Chevalier, enluminé par Jean Fouquet.
À sa mort, en 1897, les collections comptent pas moins de 800 peintures qu'il a achetées et rassemblées de façon qu'elles témoignent de la grandeur de la France. Le duc, qui n'a pas d'héritier direct, lègue le tout à l'Institut de France, à la seule condition que l'on ne déplace pas les oeuvres. L'Institut, siège de cinq académies dont l'Académie française, a ouvert au public les galeries de Chantilly le 17 avril 1898, moins d'un an après la mort du duc d'Aumale.
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Gilles (29-01-2016 01:46:20)
J'ai visité Chantilly en 2013 et j'en sus tombé amoureux. J'y retournerai, pour sûr.
Gilles (29-01-2016 01:45:36)
J'ai visité Chantilly en 2013 et j'en sus tombé amoureux. J'y retournerai, pour sûr.
Joelle (01-01-2014 02:27:44)
Magnifiquement inspirant, je garde l article au coeur de mes resolutions 2014,
Merci Herodote, let's be success, et joyeuse sante, bonnes annees. Cordialement jd