Lyon a été la métropole des Gaules à l'époque romaine puis, après une longue éclipse, est devenue à la fin du Moyen Âge la deuxième ville de France.
Centre industriel, commercial et intellectuel très actif, la ville bénéficie encore aujourd'hui de sa situation privilégiée au carrefour de trois cultures : la France, l'Italie et le monde germanique, héritier du Saint Empire romain germanique.
L'agglomération lyonnaise, aujourd'hui riche de deux millions d'habitants, est née sur la « Presqu'île » formée par le confluent de la Saône, grande rivière de plaine descendue du nord, et du Rhône, puissant fleuve d'origine alpine.
Le site est fermé au nord par la colline de la Croix-Rousse et, à l'ouest, par la colline de Fourvière et les monts du Lyonnais. Il est ouvert à l'est sur une vaste plaine, lieu principal d'extension de l'agglomération (centre d'affaires, cités populaires, industries, aéroports...).
Grâce à des ressources agricoles très variées (plateau des Dombes, monts du Lyonnais, Beaujolais...), la ville s'est taillée une réputation gastronomique de premier plan.
Les Trois Gaules
Au départ, il y a une bourgade gauloise au pied de la colline de la Croix-Rousse, entre Rhône et Saône. Son nom, Condate, signifie confluent en gaulois (il se retrouve dans le nom gaulois de Rennes, au confluent de l'Ille et de la Vilaine). Cette cité appartient à la « Gaule chevelue » indépendante mais commerce volontiers avec la « Gaule Narbonnaise », autrement dit la vallée inférieure du Rhône et le littoral méditerranéen, soumis à Rome.
Arrivent Jules César et les Romains. Toute la Gaule ou à peu près (cf Goscinny et Uderzo) tombe sous la férule de Rome. Des colons chassés de Vienne s'établissent sur la colline de Fourvière. Là, un ancien officier de César fonde la Colonia Copia Felix Munatia, future Lugdunum, le 9 octobre de l'an 43.
Trois décennies plus tard, l'inauguration du sanctuaire des Trois Gaules par Drusus, beau-fils de l'empereur Auguste, consacre Lugdunum comme la capitale de l'ancienne « Gaule chevelue », divisée en trois provinces romaines.
L'empereur Claude, attaché à sa ville natale, accorde aux notables gaulois réunis au sanctuaire des Trois Gaules le droit de cité et l'accès aux magistratures et au prestigieux Sénat romain : le discours qu'il prononce à cette occasion en l'an 48 de notre ère est gravé sur une table en bronze, la « table Claudienne », et exposé dans le sanctuaire. La table, brisée en deux morceaux, a été retrouvée en 1528 dans le jardin d'un marchand et trône aujourd'hui en bonne place au musée gallo-romain de Fourvière.
Sous la « pax romana » (paix romaine), si relative soit-elle, Lugdunum connaît un grand essor grâce à l'artisanat (poterie, verre...), au commerce (du vin, entre autre), mais aussi à l'administration. Ainsi la ville possède-t-elle un important atelier monétaire. Elle compte 50 000 à 200 000 habitants.
Bien que située au confluent de deux puissants cours d'eau, la métropole est alors alimentée en eau potable par quatre aqueducs dont le plus important vient du Gier, à 85 km. On peut en voir un vestige à Beaunant, au sud-ouest de Lyon ; c'est en fait un siphon grâce auquel l'aqueduc franchissait la vallée de l'Yzeron.
Dans l'amphithéâtre des Trois Gaules, le 2 août 177, sous le règne de Marc-Aurèle, 48 chrétiens sont livrés aux bêtes. Ce sont les premiers martyrs des Gaules. Parmi eux sainte Blandine et saint Pothin. Cette tragédie vaudra plus tard à la ville la réputation de première ville chrétienne de Gaule et à son archevêque le titre honorifique de Primat des Gaules, toujours en vigueur. Le sanctuaire des Trois Gaules a disparu et seuls subsistent quelques gradins de l'amphithéâtre. Des fragments nous sont aussi parvenus, ainsi que des représentations sur des pièces de monnaie.
Le 19 février 197, c'est le drame. À l'issue d'une guerre civile qui ravage l'empire depuis quatre ans, le gouverneur de Bretagne, Clodius Albinus, est battu à Lugdunum par son rival Septime Sévère. Considérée comme favorable au vaincu, la ville est livrée au pillage et à l'incendie. Elle ne retrouvera plus sa splendeur d'antan.
Au VIe siècle, la paix romaine n'est plus qu'un lointain souvenir. Sous les premiers rois barbares, burgondes puis francs, Lyon se dépeuple et se resserre au bord de la Saône, autour de la cathédrale, et au pied de la Croix-Rousse. La ville ne comptera qu'un pont sur la Saône jusqu'à la fin du XVIe siècle, date de construction du premier pont sur le Rhône.
Avec le traité de Verdun entre les petis-fils de Charlemagne, en 843, Lyon est rattachée à la Lotharingie, puis au royaume de Bourgogne et Provence, enfin, en 1032, au Saint Empire romain germanique.
Sa position excentrée explique les changements fréquents de suzerain. L'autorité de l'évêque local s'en trouve renforcée. En 1157, l'empereur Frédéric Barberousse lui concède les droits régaliens sur la rive gauche de la Saône. Établis au pied de la colline de Fourvière, l'évêque et ses chanoines font édifier à cet endroit la primatiale Saint-Jean, l'actuelle cathédrale. Lyon reçoit cinq papes et accueille deux conciles (1245, 1274).
Le roi de France Philippe le Bel impose progressivement son autorité sur la ville. Le 10 avril 1312, l'archevêque lui remet ses pouvoirs. Un peu plus tard, la ville reçoit du roi une charte communale. La bourgeoisie s'enrichit et prospère du fait d'une situation exceptionnelle au croisement des routes vers le bassin parisien, les Flandres, l'Italie et la Rhénanie. Ses foires et ses établissements bancaires sont parmi les plus réputés d'Europe et rivalisent avec Genève.
Le « beau XVIe siècle »
Dès 1473, deux décennies après l'invention de Gutenberg, Lyon accueille une première imprimerie et devient très vite un centre majeur de l'édition européenne.
Elle va contribuer à l'effervescence de la Renaissance avec des poètes remarquables : Maurice Scève, né en 1601, et surtout Louise Labbé, née en 1524. Mais aussi avec les architectes Pierre Lescot et Philibert Delorme, nés en 1510.
Dans le même temps, Lyon prend l'habitude d'accueillir la Cour. Les rois, de Charles VIII à François 1er, se rapprochent de cette façon de l'Italie convoitée, avec laquelle ils sont en guerre de façon quasi-permanente.
François 1er s'attache si bien à la ville qu'il songe même un moment à en faire la capitale du royaume, ainsi que le rappelle Fernand Braudel (L'Identité de la France). Sous son règne, à l'époque de la première Renaissance, la ville compte 60 000 à 70 000 habitants. Elle est dirigée par un consulat. Les quartiers comportent une milice urbaine, le « pennonage », ainsi appelée d'après le « pennon », le drapeau caractéristique de chaque quartier.
Mais la prospérité de la ville, fragile, tient à la présence du roi et aux guerres d'Italie. Lorsque François 1er, lassé par une succession d'échecs, suspend à la fin des années 1520 ses expéditions outre-monts, tout s'écroule et cela d'autant plus vite que la France affronte plusieurs années de mauvaises récoltes.
Pour cette raison éclate le 25 avril 1529 la « Grande Rebeyne », une émeute de la faim. La foule affamée pille les greniers mais la bourgeoisie lyonnaise se ressaisit et réprime avec sévérité les émeutiers. Onze meneurs sont pendus. À la suite de quoi, deux ans plus tard, est fondée par souscription publique l'Aumônerie publique, une institution laïque. En 1622, elle sera à l'origine de la construction de l'hôpital de la Charité.
En 1536, le roi François 1er accorde une lettre patente à un négociant piémontais désireux de produire des soieries à Lyon. Les ouvriers lyonnais se forment auprès des Italiens et bientôt se multiplient les « fabriques », en concurrence avec celles de Tours, fondées à la génération précédente par Louis XI. Au siècle suivant, Henri IV, conseillé par l'agronome Olivier de Serres, développe la culture des mûriers dans la vallée du Rhône, les feuilles de mûriers servant à nourrir les vers à soie.
L'activité de la soie va de la sorte se développer avec succès jusqu'à faire vivre en 1780 la moitié de la ville, soit 30 000 habitants sur 60 000 environ ! On y compte 3300 maîtres tisseurs et plus de 8.300 métiers.
L'enfant rebelle de la monarchie
Lyon, cité des imprimeurs et des poètes, proche qui plus est de Genève la calviniste, montre de l'intérêt pour la Réforme protestante. C'est ainsi qu'en 1560, sous le règne de François II, deux réformés entrent au consulat.
Là-dessus se répand la nouvelle d'un massacre d'innocents protestants à Wassy (Champagne) par les hommes du duc de Guise. Le baron des Adrets, un disciple méridional de Calvin, entreprend une chevauchée vengeresse à la tête de quelques milliers de soudards. Dans la nuit du 29 au 30 avril 1562, ses troupes s'emparent de Lyon et se livrent à des destructions iconoclastes. C'est le point de départ des guerres de religion dans la capitale des Trois Gaules. Beaucoup de Lyonnais choisissent de s'établir à Genève.
Le Siècle des Lumières rayonne comme il se doit sur la grande cité rhôdanienne. En 1700, sous Louis XIV, Jules Hardouin-Mansart reconstruit l'Hôtel de ville. Un peu plus tard, sous le règne de Louis XV, il dessine la façade de l'Hôtel-Dieu.
L'urbaniste Antoine-Michel Perrache étend la ville vers le sud en repoussant le confluent du Rhône et de la Saône jusqu'à la Mulatière. En 1784, les frères Montgolfier lâchent un ballon au-dessus de la plaine des Brotteaux.
Mais l'industrie de la soie entre bientôt en crise. La ville connaît une première grève en 1786. Le pire survient quand les guerres de la Révolution ferment aux négociants lyonnais les marchés étrangers. la Révolution, en engageant la guerre contre toute l'Europe, ruine le commerce de la soie.
Les Lyonnais, soutenus par Roland de la Platière, un ministre girondin, tentent de faire valoir leurs droits auprès de la Convention. Mandaté par Robespierre, le montagnard Chalier amène une guillotine pour rétablir l'ordre. Mais il est arrêté le 29 mai 1793 par les rebelles et c'est lui qui en définitive étrenne la « machine » ! Il s'ensuit un siège de Lyon par les troupes de la Convention, du 8 août au 9 octobre 1793. Le général Kellerman, héros de Valmy, bombarde la ville et obtient enfin sa reddition.
Les sanctions ne se font pas attendre. La ville est rebaptisée « Commune-Affranchie » et le département de Rhône-et-Loire coupé en deux ! Le 4 décembre 1793, 60 « rebelles pris les armes à la main » sont mitraillés au canon dans la plaine des Brotteaux. La répression se solde au total par 700 exécutions sommaires à l'initiative des commissaires Fouché et Collot d'Herbois.
La Convention songe un moment à raser la ville. Mais elle se contente de destructions limitées. Collot d'Herbois tape avec un marteau d'argent sur les beaux immeubles de la place Bellecour, place d'armes créée par Louis XIV, qu'il veut voir démolir pour « effacer toute trace de la magnificence royale ». Sous le Consulat, en 1800, Bonaparte redressera les immeubles, mais dans un style et des matériaux moins nobles.
La soierie en crise
La fin de la Révolution et l'avènement du Consulat rendent le sourire aux soyeux lyonnais et pour mieux restaurer leurs affaires, ils font le pari de la mécanisation.
C'est l'époque où un fils de canut, Joseph Jacquard, reprend les recherches de Vaucanson sur les cartes perforées. Il invente en 1801 le métier à tisser qui porte son nom. Avec cette mécanique, un homme tisse 15 cm par jour au lieu de 2 à 3 par jour à 8 ou 10 personnes selon la manière traditionnelle. Comme de bien entendu, le chômage frappe la ville...
Vers 1808, un canut au chômage, Laurent Mourguet, devient colporteur et arracheur de dents.
Il monte un spectacle avec Polichinelle puis crée des marionnettes. Ainsi naît Guignol, son autoportrait caricatural.
Le premier café-théâtre permanent de Guignol est fondé par son fils Étienne en 1838.
La crise de la soierie débouche le 22 novembre 1831 sur la révolte des canuts. Née sur la colline de la Croix-Rousse, elle se propage à tous les quartiers ouvriers de la métropole. Les insurgés prennent pour emblème le drapeau noir et la devise : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ».
Le Président du Conseil Casimir Perier rétablit l'ordre sans violence excessive. On ne peut en dire autant de son successeur, le ministre de l'Intérieur Adolphe Thiers qui, confronté à une nouvelle révolte, trois ans plus tard, laisse les manifestants ériger des barricades puis fait donner la troupe. Celle-ci va méthodiquement reconquérir la ville au prix de 600 morts et 10.000 arrestations au cours de la « Sanglante semaine » du 9 au 15 avril 1834.
Épilogue
Sous le Second Empire sont enfin oubliés les troubles des guerres de religion et la crise de la soierie...
Métropole industrielle prospère et sûre d'elle-même, Lyon vit désormais au rythme de la France. Apaisée et satisfaite, la métropole des Gaules inaugure en grande pompe le 8 décembre 1852, au sommet de Fourvière, sur l'ancienne Lugdunum, un clocher surmonté d'une statue de la Vierge. Lyon se voue à la Vierge et depuis lors, s'illumine chaque année en son honneur, pour la joie des petits et des grands.
Suite à un voeu émis pendant la guerre franco-prussienne de 1870, les Lyonnais inaugurent aussi le 2 juin 1884, à proximité du clocher, une nouvelle basilique consacrée à Notre-Dame... Son style néo-byzantin d'une esthétique très particulière (en forme d'éléphant renversé) surprend régulièrement les visiteurs et les Lyonnais eux-mêmes.
Histoire de cités
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Chimèle (13-11-2012 18:11:35)
" Le sanctuaire des Trois Gaules et son amphithéâtre ont disparu, mais des fragments nous sont parvenus, ainsi que des représentations sur des pièces de monnaie." il reste tout de même ... Lire la suite