Frédéric II le Grand, qui a régné sur la Prusse de 1740 à 1786, fait l'objet en Allemagne de profusion d'anecdotes plus ou moins véridiques. C'est la « rançon de la gloire ».
Amoureux des lettres et administrateur consciencieux
Enfant, le futur Frédéric II avait été sérieusement malmené par son père au tempérament de soudard. Ses penchants homosexuels et ses dispositions pour la musique, la poésie et la réflexion philosophique n'étaient pas de nature à amadouer Frédéric-Guillaume 1er, dit le « Roi-Sergent ».
Frédéric Il était aussi imprégné d’esprit français. Sa langue de travail était évidemment le français, encore que la citation : « Je ne parle allemand qu’à mes chevaux » soit plus probablement de Charles-Quint, dont le français était la langue maternelle et qui parlait en outre espagnol, allemand, néerlandais et probablement italien.
L’Académie Royale des Sciences de Berlin était considérée comme une « province » de celle de Paris et présidée dès 1745 par Maupertuis.
Le tempérament déterminé du souverain, son endurance et son courage personnel ont été abondamment célébrés. Il n’était cependant pas qu’un conquérant, mais aussi un administrateur avisé et un déiste à la mode du temps qui accueillait volontiers outre les huguenots, catholiques, juifs et jésuites en perdition par suite de la dissolution de l’ordre. Il trouva en Catherine II une partenaire à sa mesure et une complice à bien des égards.
Jean-Charles Laveaux publia vers 1785 une Vie de Frédéric II, roi de Prusse, où l’on pouvait découvrir une kyrielle d’anecdotes pétulantes, telles ce qui suit :
Au cours de son séjour à Potsdam (1750-54), Voltaire reçut du roi-philosophe un billet portant le rébus « P / A a 6 / 100 », auquel il adressa la réponse suivante « G a ». Il fallait entendre : « A Souper à Sans-Souci ? », avec la réplique : « J’ai grand appétit ! ».
L’idylle entre le « philosophe » et le « despote éclairé » se terminera par un congé sans ménagement du souverain déclarant : « Lorsque le citron est pressé, je jette l’écorce ! ».
Le roi, parcourant les environs de sa résidence de Sanssouci, à Potsdam, au sud-ouest de Berlin, se trouva gêné par la présence d'un moulin, qui déparait la vue et dont le bruit gênait ses invités. S’adressant à son propriétaire, il lui déclara : « Je suis le roi, et désire acquérir votre bien. Décidez vite votre prix, car je ne tarderai pas à m’en saisir ! ».
À quoi le meunier Arnold rétorqua : « Sire, vous oubliez qu’il y a des juges à Berlin ! ». Le roi fut si impressionné de cette répartie qu’il renonça à son entreprise...
De la quarantaine de moulins présents sur le site à l'époque du grand Frédéric, il n'en reste toutefois qu'un seul, construit à la fin du XVIIIe siècle, à quelques dizaines de mètres du palais de Sanssouci.
Un jour qu’il visitait une prison, le roi recevait force témoignages de dévotion des détenus qui se jetaient à ses genoux pour implorer leur grâce, jurant qu’ils avaient été condamnés sans motif. L’un d’eux restait pourtant silencieux à l’écart. Frédéric s’approcha de lui pour l’interroger : « Qu’est-ce qui t’amène ici ? », à quoi l’autre répondit : « Une agression à main armée ». « Tu mérites donc ce châtiment ! - Certainement, Votre Majesté ! ».
Alors le roi se tourna vers le geôlier : « Veuillez élargir ce bonhomme sur le champ, de crainte qu’un vrai coupable ne vienne à corrompre toute cette bande d’innocents ! ».
Une universitaire a découvert récemment un poème inédit du grand homme datant de son accession au pouvoir (1740), lequel éclaire le caractère contrasté du personnage :
La Jouissance
De Königsberg à Monsieur Algarotti, cygne de Padoue
Cette nuit, contentant ses vigoureux désirs
Algarotti nageait dans la mer des plaisirs.
Un corps plus accompli qu’en tailla Praxitèle,
Redoublait de ses sens la passion nouvelle.
Tout ce qui parle aux yeux et qui touche le cœur,
Se trouvait dans l’objet qui l’enflammait d’ardeur.
Transporté par l’amour, tremblant d’impatience,
Dans les bras de Cloris à l’instant il s’élance.
L’amour qui les unit, échauffait leurs baisers
Et resserrait plus fort leurs bras entrelacés.
Divine volupté! Souveraine du monde!
Mère de leurs plaisirs, source à jamais féconde,
Exprimez dans mes vers, par vos propres accents
Leur feu, leur action, l’extase de leurs sens!
Nos amants fortunés, dans leurs transports extrêmes,
Dans les fureurs d’amour ne connaissaient qu’eux-mêmes:
Baiser, jouir, sentir, soupirer et mourir,
Ressusciter, baiser, revoler au plaisir.
Et dans les champs de Gnide essoufflés sans haleine,
Etait de ces amants le fortuné destin.
Mais le bonheur finit; tout cesse le matin.
Heureux, de qui l’esprit ne fut jamais la proie
Du faste des grandeurs et qui connut la joie!
Un instant de plaisir pour celui qui jouit,
Vaut un siècle d’honneur dont l’éclat éblouit.
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