Le jeu d’échecs est-il né parmi les soldats grecs désœuvrés qui assiégeaient Troie ? La légende a persisté longtemps avant de céder devant des éléments plus réalistes. L’Inde du Ve siècle serait le vrai berceau du « jeu des rois » qui se répand en Europe au Moyen Âge. Ce divertissement oriental va s’adapter aux sociétés médiévales qui vont voir dans ses règles et ses personnages un reflet de leurs valeurs.
Revivons le cheminement étonnant de cet échiquier dont les tribulations reflètent aussi les mutations du monde...
Au pied des murailles de Troie ?
On imagine fréquemment que la création du jeu d’échecs remonte à des temps immémoriaux. Jusqu’au XIXe siècle, on a ainsi attribué son invention au Grec Palamède, compagnon d’Ulysse.
Pausanias le Périégète (IIe siècle de notre ère) prétend que Palamède aurait créé ce jeu au cours de la guerre de Troie pour tromper l’ennui des soldats grecs désœuvrés. Il présente en outre Palamède comme l’inventeur de l’alphabet, des jeux de dés et des signaux de feu servant à transmettre les messages.
Cette légende fut tenace. Elle courut pendant tout le Moyen Âge. À telle enseigne qu’on trouve dans la geste arthurienne, la trace d’un Palamède, chevalier « échiqueté ».
Le jeu d’échecs naît en Orient
Au XIXe siècle, on se dit que le jeu d’échecs serait né en Inde au Ve siècle.
L’Inde était alors un chapelet de petits royaumes perpétuellement en guerre. C’est dans cette mosaïque d’États vindicatifs que serait né un jeu à l’image de ce pouvoir éclaté, le chaturanga.
Ce jeu de chaturanga, littéralement jeu des « Quatre Rois » met en scène l’affrontement entre quatre armées, chacune symétriquement disposée dans un coin d’un échiquier. On n’y trouvait ni Fou, ni Dame, mais des ministres, des chars et des éléphants. Chacun jouait pour soi-même sur ce plateau de 64 cases où un lancer de dés désignait à chaque tour l’une des six pièces à jouer. Le chaturanga était alors adoubé comme véritable ancêtre des échecs.
Une aura légendaire entoure sa création. On raconte qu’un brahmane, répondant au nom de Sissa, aurait eu l’idée du chaturanga pour distraire son souverain et lui rappeler son devoir d’humilité envers son peuple. Ce dernier, conquis par l’ingéniosité de la découverte, voulut en récompenser l’inventeur.
Sissa refusa tous les présents et fit une bien modeste requête au souverain. Il ne lui demanda pas plus qu’un grain de blé sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, huit sur la quatrième et ainsi de suite jusqu’à la soixante-quatrième case de l’échiquier. Surpris et amusé, le monarque accorda à Sissa cette juste récompense.
Il déchanta cependant rapidement. On calcula ce qu’il fallait donner au brahmane : 18 quintillions de grains, soit 1 200 fois la production annuelle mondiale actuelle !
Une diffusion rapide dans le bassin méditerranéen
Aujourd'hui, trois hypothèses s’affrontent ou se complètent sur la naissance du jeu : soit en Inde du Nord ; soit en Chine, où des textes du IIIe siècle avant J.-C. mentionnent le xiangqi, nom que les Chinois donneront ultérieurement aux échecs ; soit dans les pays traversés par l’antique Route de la soie, tous à l’époque de culture et de langue iranienne. La trace archéologique la plus ancienne et la plus tangible donne raison à cette dernière hypothèse.
En effet, les plus anciennes pièces d’échecs connues sont les sept pièces qui ont été trouvées en 1977 à Afrassiab près de Samarkand en Ouzbékistan. Il s’agit de petites figurines en ivoire, hautes de 3 à 4 cm datant environ du VIIe siècle.
Le jeu d’échecs arrive en Europe par plusieurs canaux. D’abord en Espagne, au début du VIIIe siècle, où le royaume des Omeyades accueille le jeu d’échecs dans ses universités.
On pense qu’il fut aussi introduit au sud de l’Italie et dans l’Empire byzantin par les commerçants arabes, en Europe occidentale par les Normands, en Europe de l’Est et en Russie au rythme des incursions varègues le long du Dniepr et par capillarité avec le monde byzantin... À suivre.
Le cyclisme
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