Wu Zetian (625 - 705)

Le pouvoir envers et contre tout

Femme d'humble extraction, l'impératrice Wu Zetian arrive au sommet par le charme, la ruse et le crime. À la cour de Chang'an (l'actuelle Xi'an, sur la rivière Wei), elle assume le pouvoir suprême d'une main de fer pendant un demi-siècle, de 655 à 705, d'abord dans l'ombre de son mari puis de son fils, et enfin en son nom propre.

André Larané
Orient, Occident

Le règne de Wu Zetian est postérieur d'environ un siècle à celui de deux autres femmes au caractère tout aussi trempé, les reines franques Frédégonde et Brunehaut. Avec une différence majeure : l'impératrice chinoise gouverne un État solide, prospère et d'une civilisation raffinée ; les autres doivent composer avec un environnement barbare qui n'a pratiquement rien conservé de l'antique civilisation romaine.

L'ascension

Entrée au harem en 637, à l'âge de 12 ans, Wu Zetian devient rapidement la favorite de l'empereur Taizong le Grand, fondateur de la prestigieuse dynastie Tang. Elle attire aussi l'attention du fils et héritier de celui-ci.

À la mort de Taizong, le 10 juillet 649, la favorite est expédiée dans un monastère et son histoire aurait pu s'arrêter là si le nouvel empereur Gaozong n'était allé visiter ledit monastère. C'est ainsi qu'il revoit Dame Wu et tombe sous son charme.

L'impératrice en titre s'accommode de cette trahison et juge habile de réintroduire l'ancienne favorite à la cour pour écarter une autre rivale. Mal lui en prend. Wu Zetian conquiert le cœur de l'empereur mais, intelligente et ambitieuse, ne se satisfait pas de ce succès...

En 655, venant d'accoucher d'un premier enfant de l'empereur, une fille, elle l'étrangle discrètement juste après que l'impératrice en titre soit venue la visiter ! Là-dessus arrive à son tour l'empereur. Avec horreur, il découvre le bébé inanimé. Feignant l'indignation, la jeune mère jette le soupçon sur ses suivantes, lesquelles sont bien obligées pour se défendre de rappeler la visite de l'impératrice. C'est ainsi que Wu Zetian se retrouve impératrice à la place de l'impératrice.

La puissance

Elle va désormais s'arroger la réalité du pouvoir, assistant à tous les conseils importants cachée derrière une tenture. Et comme l'empereur continue de visiter en secret l'impératrice répudiée, Wu Zetian fait couper à celle-ci les mains et les pieds !

Gaozong, faible mais bienveillant et appliqué, prolonge l'œuvre de son père et assure à la Chine prospérité et grandeur. Au nord, ses généraux soumettent les trois royaumes qui occupent la péninsule coréenne. Mais, à l'ouest, ils doivent faire face à une offensive des redoutables Tibétains dans le bassin du Tarim, en 670, puis à des attaques redoublées des Turcs contre la Grande Muraille.

À la cour de Chang'an, Wu Zetian consolide son pouvoir en usant de la délation et en attisant les jalousies. Elle fait décapiter les mandarins qui lui résistent et oblige leurs filles et leurs épouses à la servir comme esclaves. Ces malversations minent la santé de l'empereur. Il s'éteint à 55 ans, le 27 décembre 683, et Wu Zeitan va dès lors gouverner en lieu et place de leur fils, le petit empereur Zhongzong.

L'apothéose

En 690, lasse de faux-semblants, elle dépose le souverain et s'arroge le titre d'« empereur », une innovation que ne goûtent pas les membres de la famille impériale, mais leur révolte est noyée dans le sang. Sa puissance ne connaît plus de limites et, bien que d'un âge très avancé, elle s'octroie les faveurs d'un jeune bonze bouddhiste qu'elle fait nommer à la tête d'un monastère de Luoyang, l'ancienne capitale de la Chine.

L'impératrice Wu Zetian, Portraits des empereurs chinois, Royaume-Uni, British Library.Comme on n'en est pas à un paradoxe près, Wu Zetian se montre par ailleurs très dévote ! Elle fait sculpter dans les grottes de Longmen, à quelques kilomètres de Luoyang, les grandes statues de bouddhas qui font la réputation du lieu et lui ont valu d'être classé au patrimoine de l'UNESCO. Elle protège aussi le moine Yi-tsing qui s'embarque pour l'Inde via Sumatra en 671. Il en revient en 695 avec un grand nombre de textes sanscrits à la traduction desquels il va consacrer le reste de sa vie.

Chef de guerre, Wu Zetian reprend les « Quatre garnisons » du bassin du Tarim, à l'ouest de la Chine, essentielles à la sécurité de la Chine. Elle négocie aussi des trêves incertaines avec le khan des Turcs de Mongolie mais celui-ci remet sans cesse les accords en cause, prétextant de l'illégitimité de la souveraine.

Finalement, dans la nuit du 22 février 705, des conjurés se précipitent les armes à la main dans les appartements de la vieille impératrice. Ils assassinent ses favoris et l'obligent à abdiquer.

Wu Zetian meurt quelques mois plus tard, laissant le trône à son fils, Zhongzong. Elle aura dirigé l'immense Chine pendant un demi-siècle ! L'Empire du Milieu aura au total connu trois impératrices : outre Wu Zetian, l'impératrice Lü, épouse de Gaozu (dynastie Han) et l'impératrice Cixi (dynastie Qing)...

Épilogue

L'histoire ne s'arrête pas là ! L'empereur Zhongzong, homme bien intentionné et pieux, a pour son malheur une épouse à la cuisse légère. Celle-ci s'amourache d'un neveu de Wu Zeitan à l'insu de son naïf mari. Indigné, un prince du sang assassine l'amant mais il est désavoué par l'empereur !

Pauvre Zhongzong ! Le 3 juillet 710, il est empoisonné par sa femme. Elle prétend à son tour régner seule mais n'a pas l'envergure de la précédente impératrice. Trois semaines plus tard, des conjurés envahissent le palais et la criblent de flèches. Le chef des conjurés, le prince Li Longji, fait porter sur le trône son propre père, lequel abdique en sa faveur le 8 septembre 712. Sous le nom de règne Tang Xuanzong, le nouvel empereur va diriger la Chine pendant quatre décennies mais devra à son tour abdiquer sous les coups de la rébellion An Lushan.

Bibliographie

Il existe hélas très peu d'ouvrages en français sur l'Histoire de la Chine et plus spécialement sur les époques anciennes ! Citons l'indéracinable Histoire de la Chine par René Grousset (Fayard, 1942), Le monde chinois de Jacques Gernet (Armand Colin, 1972) et La Chine classique par Ivan Kamenarovic (Les Belles Lettres, 1999).


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Histoire de la Chine
Publié ou mis à jour le : 2022-01-12 19:25:10
schott martine (22-02-2016 10:20:52)

Shan, Sa. – Impératrice. – Paris : Albin Michel, 2003. – 440 p. – ISBN 2-226-14183-9. j'ai lu ce livre et l'ai beaucoup aimé, un peu romancé certes. y a t il des invraisemblances dans cet ... Lire la suite

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