L’Éthiopie n’a pas fini de nous étonner : ce pays de la Corne de l’Afrique, que l’on avait laissé en proie à des famines et des affrontements, est en train de devenir une nouvelle puissance africaine.
Pour comprendre cette mutation, nous vous proposons d’aller à la rencontre de la reine de Saba, s’enquérir du prêtre Jean, croiser Rimbaud et découvrir les négus qui ont fait la richesse de la longue histoire de ce pays, le seul en Afrique à n’avoir jamais été colonisé.
NB : cliquez sur les images pour lire les légendes et découvrir les images agrandies ou cachées.
La République fédérale d'Éthiopie est l'un des plus grands pays africains avec 1100000 km2 et 105 millions d'habitants (2017). La population est en augmentation rapide avec un indice de fécondité de 4,6 enfants par femme, dans la moyenne africaine. Elle devrait atteindre les 190 millions en 2050 !
Situé entre la Corne de l'Afrique et le bassin du Nil, le pays est constitué pour l'essentiel de hauts plateaux situés à plus de 2000 mètres d'altitude, bien arrosés à l'ouest, arides à l'est. La faille nord-sud (Rift) qui le traverse est piquetée de lacs. L'un d'eux donne naissance à l'Abbai ou Nil bleu. Chargé en limons et gonflé par les neiges d'hiver, ce cours d'eau rejoint le Nil blanc au Soudan. Il est à l'origine des crues qui fertilisent depuis la haute Antiquité la vallée du Nil.
Christianisée dès le IVe siècle, l'Abyssinie ou Éthiopie a pu majoritairement résister à la poussée de l'islam grâce à ses montagnes et ses hautes vallées.
La grandeur d'Axoum
L'Éthiopie qui, il est vrai, recèle de très nombreux sites paléontologiques, en particulier dans la vallée de l'Omo où ont été mis à jour les premiers restes de l'Homo Sapiens, mérite sa renommée de « berceau de l'Humanité ».
Pendant que l'Homme se dispersait sur l'ensemble du globe, les terres éthiopiennes continuèrent d’accueillir des peuplades nomades, et bien décidées à le rester. La révolution néolithique, très peu pour elles ! Dans la vallée du Rift, certains groupes sont en effet restés attachés à leur mode de vie de chasseurs fort longtemps, puisqu'on pouvait encore les croiser au XIVe siècle, au moment de l'arrivée des monothéismes.
À leur côté se mettent en place les premières civilisations de la région : si l'on hésite à y localiser le pays de Pount, cher aux Égyptiens, on n'a aucun doute sur l'existence du royaume de Daamat (IXe-Xe av. J.-C.), en lien avec les peuples de Saba (Yémen). Contrôlant les échanges liés aux aromates, ces habiles commerçants vont apporter leur langue, leur écriture et leur religion, dont témoigne encore, 27 siècles après sa construction, l'exceptionnel grand temple de Yeha (nord du pays).
Au Ier siècle avant J.-C., c'est une avancée scientifique qui va changer le destin de la région avec la découverte par les Grecs du mécanisme de la mousson. Désormais les flottes romaines et gréco-égyptiennes peuvent rejoindre les Indes en faisant des haltes sur les côtes de la mer Rouge. Le nouveau royaume d'Axoum va pleinement profiter de ces allers et venues pour acquérir stabilité et prospérité, multipliant les échanges avec les grandes puissances de l'époque jusqu'à Rome, Palmyre et Ceylan.
Cela ne suffit pas à contenter les rois d'Axoum qui lancent des expéditions militaires en Arabie, s'emparant en 272 du port d'Aden. Pour imaginer aujourd'hui cet âge d'or, on peut admirer les stèles géantes de granit de 20 à 30 mètres de haut qui, pour certaines, n'ont pas bougé depuis cette époque.
Un empire chrétien en Abyssinie
Quelle activité ! Au royaume d'Axoum se croisent des commerçants venus de tous horizons, et en particulier des chrétiens qui forment, dès le IVe siècle, une belle communauté dans ce qui est donc la plus vieille nation chrétienne au monde, après l’Arménie.
Un élément va alors jouer un rôle primordial : il s'agit d'une écriture de type alphabétique venue du Yémen qui permet de retranscrire la langue de la région, le guèze, et donc de traduire la Bible dès le Ve siècle. En 340, le roi Ezana, qui avait l'habitude de dédier ses victoires au dieu de la guerre Mahrem, change d'avis. Il fera désormais graver sur ses inscriptions : « À Dieu Père et Saint-Esprit et en son Fils Jésus-Christ ».
À ses côtés c'est son ancien précepteur, Frumence, qui devient le premier évêque de l'Église éthiopienne, sous l'autorité de celle des coptes d'Égypte. Ce lien hiérarchique, qui perdurera jusqu'en 1959, explique aussi que l'Éthiopie ait suivi sa grande sœur sur certains points doctrinaux importants comme l'affirmation de l'union du divin et de l'humain dans le Christ, doctrine rejetée par le concile de Chalcédoine (451 après J.-C.).
Monastères et églises se multiplient jusqu'à Sanaa où le dernier grand roi d'Axoum, Kaleb, fait construire une cathédrale (VIe siècle). Mais au VIIe siècle, le royaume est fragilisé par des révoltes et une perte d'influence dans le commerce de la région due à l'arrivée des négociants musulmans qui bloquent l'accès à la mer. Il faut appeler Alexandrie au secours. On assiste alors à un retournement de situation inattendu avec l'arrivée de la dynastie des souverains Zagwé (XIIe-XIIIe siècles), particulièrement pieux.
Parmi eux, le roi Lalibela va marquer l'histoire de son pays en ordonnant la construction d'églises hors du commun, taillées dans la roche. S'il y gagne la sainteté, il ne peut empêcher l'arrivée des rois salomonides (ou salomoniens) qui légitiment leur pouvoir par de soi-disant liens de parenté avec Salomon. Rien que cela ! Et cela marche : la dynastie est restée au pouvoir jusqu'en 1974, longévité qu'on ne retrouve qu'au Japon.
Afrique, que d'Histoires !
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible