Il pleut, il pleut...

Le parapluie offre enfin un coin de paradis

Au début du XVIIIe siècle, la pluie battante ne fait plus peur ! En tout cas aux plus favorisés, qui ont les moyens de s’acheter le nouvel objet de luxe à la mode : le parapluie pliant.

Une foule sous parapluies (gravure française, 1798)

Jusqu’au début du XVIIIe siècle, la pluie obligeait les messieurs à se promener couverts d’un chapeau en cuir à large bord et d’une cape qui protégeaient leurs vêtements, mais qui ne les empêchaient pas d’être trempés. Les dames, quant à elles, restaient à la maison ou – si leurs obligations les y contraignaient – s’exposaient aux intempéries en adoptant les mêmes capes que les hommes. Ainsi en était-il jusqu’à ce qu’un Français, Jean Marius, ait une idée pratique et géniale : le parapluie pliant.

Certes, il existait déjà des dispositifs similaires, tels que les parasols. Mais, comme leur nom l’indique, ils servaient exclusivement à protéger des rayons du soleil. En fait, on connaissait les ombrelles depuis l’Antiquité classique, mais elles étaient considérées comme une simple marque de prééminence sociale ou de respect institutionnel: portées par des serviteurs ou des esclaves, elles abritaient de hauts dignitaires.

Beautés revenant des bains sous la neige, par Haranobu (1725-1770)Les prédécesseurs de l’instrument conçu par Jean Marius étaient sans doute le parapluie-parasol, inventé en Chine au 1er siècle apr. J.-C. (un dispositif articulé qui pouvait s’ouvrir et se fermer), ou les modèles d’ombrelle apparus en Italie au XVIe siècle, dont l’étoffe était imperméabilisée par des cires ou des huiles. Mais seul Jean Marius est parvenu, en 1705, à mettre un terme au confinement auquel contraignait la pluie.

Pour cela, il mit à profit son expérience de fabricant de bourses, un accessoire qui possédait à l’époque des fermetures métalliques complexes. Son parapluie était formé d’un tissu de taffetas vert engommé pour le rendre imperméable et disposé sur une structure métallique ressemblant à celle des parapluies actuels, qui permettait de l’ouvrir, de le fermer et de le plier. Il pesait entre 140 et 170 grammes et, une fois plié, on pouvait le mettre dans sa poche ou l’accrocher à sa ceinture. Pour le fermer, on appuyait sur un bouton, et il suffisait pour l’ouvrir de tendre le manche en acier, bois et cuivre. Il disposait aussi d’une corde qui évitait que le vent ne le fasse tourner, et d’un fourreau pour le garder plié.

Histoire & Civilisations

Histoire & Civlisations N°39, mai 2018Cet article est extrait du magazine Histoire & Civilisations n°39, mai 2018) [intertitre et illustrations sont de Herodote.net]. Vous pouvez le découvrir en version originale. On peut aussi lire dans le magazine un dossier sur Les As de l'aviation, les premiers héros du XXe siècle, le Colosse de Rhodes et ses diverses représentations jusqu'à nos jours, les femmes à Rome etc. Notons un dossier illustré sur les oeuvres sombres de Goya.

Chaque mois, sous la plume d’historiens reconnus, Histoire & Civilisations vous emmène sur les traces des cités mythiques, fait revivre le quotidien de nos ancêtres, mais aussi des événements qui ont marqué notre humanité.

L'invention séduit Louis XV

Comprenant que la publicité était indispensable à la promotion et à la vente de son parapluie, Marius se rendit à Versailles, certain que s’il obtenait l’aval de Louis XIV son invention ne tarderait pas à figurer parmi les objets de luxe faisant de Paris le paradis des fashion victims de l’époque. Il ne se trompait pas. Le roi fut si impressionné par cet instrument qu’il promulgua en 1710 un privilège royal –l’équivalent des brevets modernes– garantissant à Marius le monopole de la production du parapluie pliant pour une durée de cinq ans. Ce privilège condamnait en outre quiconque le copierait à une amende de 1 000 livres, soit environ 40 000 euros.

Affiche de Marius, inventeur du parapluie pliant (début du XVIIIe siècle)Marius fit coller des affiches dans Paris. Deux personnes souriantes abritées sous leurs parapluies y annonçaient la vente de la nouvelle invention dans l’établissement que Marius possédait rue des Fossés, tout près du faubourg Saint-Honoré, qui deviendrait au cours des siècles suivants le vaisseau amiral du chic français.

Le directeur du journal Le Mercure galant, Jean Donneau de Visé, publia un article dans lequel il disait avoir déjà dans sa poche un parapluie de Marius, et les savants de l’Académie royale des sciences eux-mêmes donnèrent leur aval, affirmant que cet instrument était « facile à transporter dans sa poche » et « plus résistant que tous ses prédécesseurs ». La promotion fut décisive, et en quelques années l’usage du parapluie se généralisa. C’est ainsi qu’en 1767, en visite à Paris, Benjamin Franklin s’étonna que « tant d’hommes et de femmes aient toujours sur eux un parapluie pliant et l’ouvrent en cas de pluie ».

María Pilar Queralt del Hierro, historienne et écrivaine

Désagréments des parapluies (caricature vers 1800)

Le luxe de ne plus être mouillé

1705
Jean Marius invente le parapluie pliant : couvert de taffetas imperméabilisée, il est articulé et se plie.

1710
Marius présente son invention à la cour et lance pour la vendre une campagne publicitaire qui rencontre un grand succès.

1750-1760
Grâce à sa promotion, l’invention de Jean Marius conquiert le marché français des articles de luxe.

1769
L’usage du parapluie devient si populaire qu’un service de « parapluies publics » est ouvert à Paris pour les louer à l’heure.

Publié ou mis à jour le : 2023-06-05 15:22:26

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net