Henri Deterding (1866 - 1939)

Le « Napoléon du pétrole »

Fils d’un marin d’Amsterdam, autodidacte de génie, Henri Deterding s’est acquis dans les années 1920, à la tête de la Royal Dutch Shell, la réputation d’être « l’homme le plus puissant du monde ».  D’aucuns le qualifient de « Napoléon du pétrole » ! Il est vrai que John D. Rockefeller n’était plus là pour lui faire de l’ombre.

Une ascension foudroyante

Henri Deterding (19 avril 1866, Amsterdam ; 4 février 1939, Saint-Moritz)Suite à la mort de son père, Henri Deterding travaille à seize ans comme simple clerc dans une banque d’Amsterdam. À 24 ans, il est reçu sur concours dans une société de négoce de matières premières et devient son agent à Sumatra, dans les Indes néerlandaises (l’actuelle Indonésie).

Sa réputation de négociant lui vaut d’entrer en relations et en amitié avec Jean-Baptiste Auguste Kessler, patron de la Royal Dutch, une modeste compagnie fondée en 1890 pour exploiter les gisements de pétrole découvertes à Sumatra.

Henri Deterding lui obtient des financements grâce auxquels la Royal Dutch va pouvoir construire un pipeline et évacuer son pétrole.  Il a l’idée de gager les prêts sur la production de pétrole.

Suite à ce premier coup de maître, Deterding devient en 1896 l’adjoint de Kessler à la tête de la Royal Dutch. Et quand, quatre ans plus tard, ce dernier meurt d’un arrêt cardiaque le jour de ses 47 ans,  le conseil d’administration nomme sans hésitation Henri Deterding (33 ans) à la tête de la compagnie.

Le nouveau patron est pleinement conscient de la faiblesse de sa compagnie face aux menées de ses rivales et notamment de la Standard Oil de Rockefeller.  Il va donc chercher à tisser une alliance avec l’homme d’affaires britannique Marcus Samuel.

Issu d’une famille juive d’Irak, ce dernier a hérité d’une société spécialisée dans l’import-export et notamment la commercialisation des coquillages du golfe Persique, d’où son nom, Shell (« coquillage » en anglais) et son actuel logo. Marcus Samuel a très vite réorienté sa compagnie vers le transport du pétrole, puis vers l’exploitation de gisements à Bornéo, dans les Indes néerlandaises.

Henri Deterding fait appel au savoir-faire d’un négociant arménien, Calouste Gulbenkian, pour négocier le rapprochement avec la Shell.  C’est enfin en mai 1907 que Marcus Samuel s’y résout. Il devient président de la nouvelle compagnie, la Royal Dutch Shell avec un siège à La Haye (Pays-Bas) et un autre à Amsterdam. Directeur général, Henri Deterding est le véritable maître à bord.

En 1911, la compagnie profite de ce que la Royal Navy se convertit au fioul, en lieu et place du charbon, à l’initiative du Premier Lord de l’Amirauté Winston Churchill et de son conseiller, l’amiral Fischer. La même année, la Standard Oil est contrainte au démantèlement en vertu des lois anti-trusts, ce qui fait de la Royal Dutch Shell la première compagnie pétrolière du monde.

Dur en affaires

Anobli par le roi George V en 1920, sir Henri Deterding étend les affaires de son groupe dans le Caucase russe, en dépit ou grâce à la révolution bolchévique, ainsi qu’en Perse (aujourd’hui l’Iran).

En 1927, une délégation soviétique arrive à Londres pour négocier un prêt important. Craignant que les Soviétiques n’inondent le marché avec leur pétrole, Henri Deterding monte une campagne d’intoxication contre la délégation commerciale, accusée d’être un nid d’espions. Les Soviétiques sont renvoyés chez eux et le prêt est annulé… Bien évidemment, ce n’est pas aujourd’hui que l’on se permettrait de pareilles choses !

Inflexible en affaires et sans scrupules, le patron de la Royal Dutch Shell réunit aussi en 1928 ses principaux concurrents dans sa résidence écossaise d’Achnacarry, sous le prétexte d’une chasse au coq de bruyère. Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, les cinq nababs du pétrole, peu soucieux de déranger les coqs de bruyère, vont négocier entre eux une entente sur les prix, pour maintenir au plus haut leurs profits !  Cet accord perdurera jusqu’en 1952.

La suite est moins reluisante. Sensible aux sirènes du nazisme, sir Henri Deterding va jusqu’à s’installer à Berlin et épouse en troisièmes noces, en 1936, une Allemande de trente ans sa cadette. Obligé de quitter la tête de la compagnie,  il meurt trois ans plus tard, le 4 février 1939, à Saint-Moritz. Les dignitaires nazis lui rendront un hommage appuyé lors de ses funérailles.

André Larané

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Publié ou mis à jour le : 2020-02-26 11:31:25

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