Un tableau, une époque

Le « Diptyque de Melun », joyau du XVe siècle

Réalisés en 1456 par Jean Fouquet, peintre officiel du roi de France Charles VII, les deux volets du Diptyque de Melun ont été séparés par les aléas de l'Histoire.

Celui de droite, aujourd'hui à Anvers, représente la Vierge Marie sous les traits d’Agnès Sorel, la favorite du roi. Il est devenu emblématique de l’art du XVème siècle. Le volet gauche, plus méconnu, retrouvé par hasard et conservé aujourd'hui à Berlin, éclaire le sens de l’œuvre.

Leur rapprochement met en lumière la France de la fin du Moyen Âge, qui retrouve sa grandeur après la guerre de Cent Ans. Nous verrons combien il est révélateur des moeurs et de la pensée de l'époque...

Jean Fouquet, Le Diptyque de Melun, 1456. À gauche : Étienne Chevalier et saint Étienne, Gemäldegalerie, Berlin. À droite : la Vierge et l'Enfant, musée royal des Beaux-Arts, Anvers.

Identification d’une icône du XVe siècle

Le Diptyque de Melun, huile sur bois composé de deux parties, est devenu une icône picturale du XVème siècle grâce à la notoriété de son volet droit découvrant un sein de la Vierge Marie.

À contrario, son volet gauche qui représente le commanditaire de l’œuvre, Étienne Chevalier, accompagné de son saint patron saint Étienne, est demeuré longtemps dans l’oubli. Un heureux hasard a permis de retrouver le volet de gauche au XIXe siècle, séparé du reste de l’œuvre par les aléas de l’histoire.

Toutefois, ce n’est qu’au XXème siècle, après une analyse scientifique des qualités de bois, que les deux volets du diptyque ont été formellement identifiés comme faisant partie de la même œuvre placée autrefois au-dessus du tombeau d’Étienne Chevalier, enterré dans une église de Melun.

C’est en 1773, lors de travaux dans l’édifice religieux que le diptyque aurait été vendu et dispersé après la révolution. Le volet gauche est aujourd’hui conservé à la Gemäldegalerie de Berlin, l’autre est visible au musée royal des Beaux-Arts d’Anvers.

Sainte Marguerite et Olibrius, dit aussi Marguerite gardant les moutons  Heures d'Étienne Chevalier, enluminées par Jean Fouquet Paris, musée du Louvre. Agrandissement : Pietà de Nouans, Jean Fouquet, vers 1460-1465, église paroissiale de Nouans-les-Fontaines (Indre-et-Loire), Paris, BnF.

Jean Fouquet, peintre lumineux à la vie obscure

Auteur du premier autoportrait connu de l’histoire de la peinture (musée du Louvre), Jean Fouquet a illuminé le XVème siècle de son talent mais sa vie reste entourée de mystères.

Autoportrait  Jean Fouquet, peu après 1451, Paris, musée du Louvre. Agrandissement : Louis XI préside le chapitre de Saint-Michel, dans les Statuts de l'ordre de Saint-Michel, Jean Fouquet, 1470, Paris, BnF.Né à Tours (son année de naissance comme celle de son décès sont incertaines ), seuls quelques épisodes de sa vie sont connus tel un séjour formateur en Italie durant les années 1440 avant un retour en Touraine où il devient peintre officiel du roi Charles VII, à la fin de la Guerre de cent ans.

Son génie reconnu par ses contemporains lui a offert d’être sollicité par les plus grands de son temps. Il a ainsi peint entre autres un Pape (Eugène IV dont le tableau est aujourd’hui disparu), deux souverains, Charles VII et Louis XI, une maîtresse royale et un proche conseiller du roi (Agnès Sorel et Étienne Chevalier dans ce diptyque).

Le royaume de France sort de la Guerre de cent ans

Le Diptyque de Melun est peint en 1456. Durant la décennie 1450, le long règne de Charles VII (1422-1461) touche à sa fin et la Guerre de cent ans se conclut définitivement dans le fracas des canons de la bataille de Castillon (1453).

L’achèvement de ce long conflit qui a opposé le royaume de France à celui d’Angleterre donne raison à Jeanne d’Arc, brûlée vive depuis plus de 20 ans (1431). La Pucelle prédisait ainsi que les Anglais seraient « boutés hors de France. »

Décryptage du dyptique

Le front, signe de noblesse et d’intelligence, est particulièrement mis en valeur au XVe siècle, hommes et femmes confondus. C’est une façon de repérer sans erreurs un tableau réalisé à cette époque.

Étienne Chevalier et saint Étienne (Volet gauche du diptyque de Melun). Agrandissement : La Vierge à l'enfant (volet droit du diptyque de Melun).Les deux personnages du volet gauche sont Étienne Chevalier et son saint protecteur, saint Étienne. Ils semblent se côtoyer dans un palais de marbre de style italien. Dans ce siècle où l’habitat est encore peu chauffé, le vêtement fourré que porte Étienne Chevalier est un signe évident de richesse.

L'évangéliaire rouge à tranche dorée dans la main de saint Étienne est un livre liturgique caractéristique des milieux aristocratiques de cette époque.

La vierge à l’enfant sous les traits d’Agnès Sorel est accompagnée des trois couleurs associées habituelles des livrées des rois de France : le rouge, le bleu et le blanc. Représenter la mère de Jésus avec le visage de la maîtresse du roi portant un décolleté profond dévoilant sa poitrine est osé et provocateur. Habituellement, le sein des Vierges est dissimulé par l’enfant en train d’allaiter.

Publié ou mis à jour le : 2021-09-22 08:08:01

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net