Depuis toujours, le chocolat est associé à des vertus exceptionnelles, réservées aux connaisseurs. On le déguste en carré, en poudre, en mousse, en pâtisserie ou sous forme de glace… Sous tous ces aspects, avec des goûts divers, il reste le produit favori des gourmets.
Avec en 2018 une production mondiale de cacao supérieure à 5 millions de tonnes par an (dont deux millions en Côte d'Ivoire), la consommation moyenne de chocolat s’élève à plus de 500 g environ par habitant et par an sur le globe, avec des pointes à 10 kilos environ pour les Suisses, à la fois gourmets et maîtres incontestés des techniques de transformation du cacao (5 à 7 kilos pour les Français).
L'histoire de ce produit singulier est à son image : palpitante, surprenante et… délectable !
La saga mexicaine
Tout commence sur le sol américain où les fèves de cacao poussent depuis des milliers d’années, sous les latitudes de l’équateur. On suppose que les premiers consommateurs de chocolat furent les Olmèques, un peuple précolombien apparu au IIe millénaire av. J.-C. et qui occupait une partie de l’actuel Mexique et du Costa-Rica.
Ils devaient consommer les fèves sous forme de boisson épicée, à l'occasion de rituels sacrés. Il s'agissait d’une boisson alcoolisée fabriquée à partir de la pulpe des cabosses.
Les autres peuples de l’actuel Mexique adoptent à leur tour cette boisson. Parmi eux les Mayas qui la nomment « kakaw ».
Ils maîtrisent dès le Ve siècle la culture du cacao, à partir des immense arbres, poussant à plus d’une dizaine de mètres dans les forêts vierges du Yucatan et du Guatemala. Les fèves sont grillées dans une poêle de terre, puis écrasées entre des pierres et la poudre obtenue peut être alors mélangée à de l’eau bouillante. On rajoute soit du piment, pour les guerriers qui partent au combat, soit de la farine de maïs, pour lutter contre la faim ou la fatigue.
Les Aztèques, quand ils occupent les territoires mayas, adoptent à leur tour cette boisson divine et l’intègrent à leurs coutumes – leur dieu Quetzalcoatl n’est-il pas lui-même le grand créateur, jardinier du paradis, celui qui offrit le maïs à l’humanité ?
Dans tous les cas, l’absorption de cette décoction est bien codifiée et garde un caractère sacré, d’où son utilisation ciblée vers les nobles et les guerriers. C’est une drogue douce aux multiples propriétés, censée donner force, vitalité, virilité et puissance à son consommateur.
Les archéologues retrouveront d’ailleurs de la poudre de cacao dans certaines tombes de dignitaires.
Sa valeur et ses qualités sont si appréciées que les fèves deviennent également une unité de mesure et une monnaie d’échange au cœur de l’empire aztèque et chez d’autres peuples amérindiens.
Le procédé de fabrication est dès lors bien rodé : les fèves extraites des cabosses, le fruit du cacaoyer, sont séchées au soleil ett grillées puis leur coque est retirée. Enfin, elles sont broyées dans un récipient appelé metate par les Mexicains, jusqu’à l’obtention d’une pâte.
Mélangée à des épices, du piment ou une bouillie de maïs, cette pâte est servie chaude ou froide et prend le nom de « xocoatl », bientôt traduit par « chocolat », ou « xocolata » en langue catalane, quand les Grands d’Espagne découvrent à leur tour ce breuvage.
La saga espagnole
À l’arrivée des Espagnols, dans le sillage de Christophe Colomb, le cacao entre dans les mœurs européennes. La boisson est goûtée par des Blancs dès la fin du XVe siècle, dans les Caraïbes, sans doute offerte par des tribus plus accueillantes que les autres à des visiteurs pris au départ pour des dieux. Il est donc logique de leur offrir cet élixir de choix… mais très amer et franchement désagréable au goût.
Il semblerait que Christophe Colomb lui-même soit resté insensible à ces fèves de cacao, mais il est vrai qu’il avait des préoccupations plus urgentes et que les différentes variétés de produits ne manquaient pas dans ces nouveaux territoires… Le grand navigateur note tout de même que les « Indiens » accordent beaucoup de valeur à ce fruit inconnu.
Mais avec le débarquement des fameux conquistadors, avides de conquête et de commerce, le cacao trouve soudain un intérêt aux yeux des Européens.
Ainsi, quand Hernan Cortés conquiert l’empire aztèque en 1519, il se rend vite compte de la valeur du cacao : l’empereur Moctezuma ne visite jamais son harem avant d’en consommer. Il dispose d’une plantation royale où les ouvriers doivent faire preuve d’abstinence pendant treize jours avant toute récolte. Celle-ci donne lieu à des orgies rituelles. La boisson est alors dégustée en présence de la Cour dans deux mille coupes d’or servies par des vierges. De quoi émerveiller les conquistadors !
Cortés découvre le breuvage sacré des mains même de l’empereur aztèque qui le lui offre en signe de respect… Il écrit en 1520 à l’empereur Charles Quint : « Les fèves de cacao sont comme des amandes. Les Indiens les utilisent comme monnaie et comme boisson, qui donne de la force à l’organisme et le protège contre la fatigue. »
Mais quand le conquistador ramène les fèves dans les cales de ses navires pour en faire don à la Cour d’Espagne, lors de son voyage de retour en 1528, il semblerait que l'empereur n’aurait guère apprécié cette mixture, au goût encore étrange et singulier…