Le cinéma est apparu en 1895 par la grâce des frères Lumière et de Thomas Edison...
Malgré son succès fulgurant, la bourgeoisie cultivée est d'abord réfractaire à ce divertissement de foire dans lequel elle voit, comme l'écrivain Georges Duhamel, « une machine d'abêtissement et de dissolution, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables abusées par leur besogne », ou encore un « spectacle d'ilotes ». Mais
Mais grâce au génie visionnaire de Georges Méliès, concepteur des premiers films de fiction, le cinéma va très vite être qualifié de « septième art » (1911) et devenir le principal mode d'expression artistique du XXe siècle et sans doute aussi du XXIe.
Par sa présence à l’écran, Sarah Bernhardt, « impératrice du théâtre », incite ses pairs à surmonter leurs préventions. En 1900, elle interprète Hamlet dans l’un des premiers films parlants (Le Duel d’Hamlet, de Clément Maurice), un événement concomitant de l’Exposition universelle de Paris.
L'imagination au pouvoir
Dès 1899, Méliès réalise le premier film politique autour de l'affaire Dreyfus, et en 1901 le premier « docufiction » sur le couronnement du roi Édouard VII, où il mêle le direct et les reconstitutions. L'année suivante, avec Le voyage dans la Lune, il réalise le premier « long-métrage » de l'Histoire : 16 minutes tout de même ! Le succès est planétaire.
Georges Méliès réalise le premier blockbuster dès 1902 avec son Voyage dans la Lune. Las, ce succès ne lui sera guère profitable car, faute de code de la propriété industrielle, les copies pirates se multiplient à travers le monde.
Sous l’impulsion de Ferdinand Zecca, qui réalise Quo Vadis ? en 1902 pour Pathé, et d’Alice Guy, à qui l’on doit La Vie du Christ, chez Gaumont en 1906, les Français inventent aussi ce que l’on nommera plus tard le « péplum » (dico).
Entre 1913 et 1914, Louis Feuillade invente de son côté le le sérial (ou film à épisodes) avec la pentalogie des Fantômas, pour Gaumont.
Outre-Atlantique, Edwin S. Porter réalise en 1903 The Great Train Robbery (Le vol du grand Rapide, 12 minutes). Le succès est une fois de plus au rendez-vous. Mais le créateur inspiré de ce premier western, avec déjà tous les ingrédients du genre, ne va pas avoir plus de chance que Georges Méliès. Comme lui, il va devoir se reconvertir comme ouvrier d'usine et mourra pauvrement.
Les monstres sacrés
Une nouvelle génération se lève dès 1905, avec Max Linder. Celui-ci crève l’écran dans des comédies produites dans les studios Pathé et devient l’une des premières stars mondiales.Ses films loufoques vont inspirer dix ans plus tard un jeune acteur britannique, Charlie Chaplin (Charlot).
Les producteurs, qui font jouer des artistes venus du théâtre ou du music-hall, ne se soucient pas d'afficher leur nom. Ils craignent qu'une trop grande notoriété les amène à réclamer des émoluments plus élevés. Les acteurs eux-mêmes ne souhaitent pas se faire connaître car ils craignent pour leur réputation !
C'est du public que vient la demande. Les lettres de fans affluent dans les maisons de production, à l'adresse de « la fille de la Vitagraph » par exemple.
Le culte des « divas » (ou dive, déesses en italien) ou « stars » (étoiles en anglais) naît en Italie, où le cinéma est dès l'origine très créatif, avec de nombreuses évocations historiques, annonciatrices des futurs péplums.
Jusque-là, le vedettariat concernait les comédien(ne)s et ne dépassait pas le public des théâtres. Par la magie du cinéma, il va pénétrer dans toutes les classes de la société, les villes et les campagnes.
Francesca Bertini, née en 1888 à Florence, morte presque centenaire et richissime à Rome, inaugure une lignée de « monstres sacrés » qui n'est pas près de s'éteindre.
Elle débute au cinéma à 16 ans (La dea del mare, 1904) et rencontre la gloire dans les années 1910. Son dernier rôle remonte à... 1976, dans le film 1900 de Bernardo Bertolucci.
L'autre diva des débuts du cinéma est Lydia Borelli, révélée en 1913 dans Ma l'amor mio non muore.
En 1910, aux États-Unis, le producteur indépendant Carl Laemmle soudoie la vedette de la Biograph, Florence Lawrence, fait croire à sa mort puis dément bruyamment celle-ci.
Les fans de l'actrice tombent en transes. La presse populaire en fait ses choux gras. C'est le début de la collusion entre les producteurs de cinéma, les acteurs et la presse populaire, le succès des uns alimentant le succès des autres.
Naissance d'Hollywood
Toujours en 1910, un réalisateur de la Biograph, David W. Griffith, s'en va tourner un film en Californie avec sa troupe, qui inclut une actrice au destin prometteur : Mary Pickford.
Il découvre à cette occasion un village plaisant à quelques kilomètres au nord de Los Angeles : Hollywood. C'est là qu'il tourne In old California.
De retour sur la côte Est, il évoque avec des trémolos dans la voix les charmes ensoleillés de l'endroit et d'autres réalisateurs s'y rendent à sa suite, pas mécontents d'échapper à l'envahissante MPPC d'Edison.
En 1912, Mack Sennett, le « roi de la comédie », fonde à Hollywood un premier studio, Keystone, où il va tourner des films burlesques. C'est avec lui que Charlot fait ses débuts en 1914. La même année, Cecil B. DeMille tourne à Hollywood un premier long métrage, The Squaw Man (Le mari de l'Indienne).
Ville-champignon, Hollywood accueille dès lors le gratin du cinéma américain.
Dans le même temps, les jeunes pionniers du cinéma européen gagnent les tranchées. Pour eux, l'heure n'est plus à la gaudriole.
Les Américains en profitent pour prendre la relève. Portés par leur immense marché intérieur, ils asseoient leur domination sur le cinéma mondial. En 1915, D. W. Griffith présente la première superproduction de l'Histoire : Naissance d'une Nation. Ce sera l'un des films les plus rentables de l'histoire. Il sera vu par cinquante millions d'Américains !
Né en France vingt ans plus tôt, le cinéma va devenir l'une des industries les plus représentatives du dynamisme américain. Il l'est encore un siècle plus tard. Mais plus encore qu'une source de profit, il est devenu le fer de lance du soft power américain, autrement dit de la capacité des États-Unis à séduire et conquérir par la culture et la pensée le reste du monde.
En 1930, soucieux de contourner la pression des ligues de vertu, les studios d'Hollywood chargent William Hays, un élu républicain de confession presbytérienne, d’établir un code d’autocensure. Les cinéastes se l'appliqueront dès 1934. Alors que précédemment, ils s’octroyaient de grandes libertés, ils vont dès lors ruser avec les règles pour faire passer des messages codés aux spectateurs.
Il s’ensuit quelques beaux chefs-d’œuvre. Ainsi, quand Rita Hayworth enlève langoureusement un gant, chacun comprend qu’elle se déshabille et l’émotion est immense. Quand les spectateurs voient un acteur se verser une rasade de whisky en compagnie de sa dulcinée, ils comprennent que le couple en est à l’accomplissement de l’acte sexuel…
En marge des aspects sexuels et pornographiques, les films se doivent aussi d'avoir une fin morale avec le triomphe du Bien et la sanction du Mal.
Ce règlement et ces codes vont tomber en désuétude en 1972 avec la sortie d’un premier film hors des règles : Gorge profonde ! Le cinéma ne se connaît plus depuis lors de limites tant dans les scènes de sexe que dans les aspects proprement moraux. Ainsi devine-t-on à la fin du film American Beauty (1999) que des innocents seront exécutés pour un meurtre qu'ils n'ont pas commis…
Je recommande le très complet et didactique livre de David Robinson : Panorama du cinéma mondial (2 tomes, Denoël-Gonthier, 1973) ainsi que le Dictionnaire du cinéma, sous la direction de Jean-Louis Passek (2 tomes, Larousse, 1999, épuisé). On peut aussi lire avec plaisir le très richement illustré Larousse du cinéma (Laurent Delmas, Jean-Claude Lamy).
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