Qianlong est choisi par son père, le médiocre Yongzhen, pour lui succéder sur le trône, à sa mort qui survient le 9 octobre 1735.
Le nouvel empereur va dès lors prendre exemple non sur son père mais sur son grand-père, l'illustre Kangxi, deuxième empereur de la dynastie Qing, fondée par des barbares mandchous en 1644... Et pour ne pas lui faire de l'ombre et ne pas régner plus longtemps que lui, il va volontairement abdiquer au bout de 60 ans de règne, le 9 février 1796.
Pendant ce long règne, l'empereur Qianlong porte la Chine à son apogée et étend ses frontières plus loin que jamais. La Mongolie, le Tibet, le Népal, la Birmanie... se reconnaissent tributaires du « Fils du Ciel » (surnom de l'empereur). Ils s'astreignent à lui verser un tribut et ses représentants pratiquent la prosternation rituelle, le kotow, en sa présence.
L'empereur, lettré, peintre et poète à ses heures, manifeste comme son grand-père une grande affection pour les savants jésuites qui l'entourent tout en renouvelant l'interdiction de la prédication du catholicisme.
Par leurs lettres, les Jésuites entretiennent en Europe l'image d'une Chine idéalisée. « Elle fournissait le premier exemple d'un État policé, riche et puissant, qui ne devait rien au christianisme et semblait fondé sur la raison et le droit naturel » (Jacques Gernet, Le monde chinois, 1999).
Les « philosophes », tel Voltaire, exaltent les mérites de l'autocratie mandchoue... pour mieux souligner les défauts de la monarchie française. Celle-ci, sous le règne de Louis XV, emprunte aux Chinois le principe de recrutement des hauts fonctionnaires par concours.
Toute l'Europe aristocratique, au XVIIIe siècle, s'entiche de chinoiseries de luxe : peintures laquées, porcelaines... Certains souverains comme l'Électeur de Saxe ou le roi de France mettent un point d'honneur, d'ailleurs, à imiter et concurrencer les porcelaines chinoises.
Les Anglais découvrent le thé et l'importent en grande quantité au point de s'inquiéter de leur déficit commercial avec l'Empire du Milieu. Ils vont y remédier de la pire des façons, en cultivant de l'opium dans leurs possessions des Indes et en le revendant aux Chinois.
Qianlong maintient à peu près l'ordre à l'intérieur des frontière en s'appuyant sur les lettrés confucéens et les mandarins, de hauts fonctionnaires recrutés sur la base de concours littéraires.
Comme ses prédécesseurs, le quatrième empereur mandchou sévit contre les grands propriétaires terriens. Il procède à différents partages des terres, jusqu'à faire de la Chine un pays de petits paysans propriétaires. Les propriétés de moins de 3 hectares en viennent à représenter la moitié du sol agricole et la moitié de la population rurale vit exclusivement du produit de ses propriétés. Un autre quart doit compléter ses revenus avec des terres en affermage. Le restant travaille comme manouvriers.
Ces mesures, conjuguées à un léger réchauffement climatique et de meilleures récoltes, entraînent une hausse rapide de la population, signe évident de prospérité : d'après les recensements officiels, la population chinoise passe de 60 millions en 1578 à 105 millions en 1661, 182 millions en 1766 et 330 millions en 1872.
Sur la fin de son règne, Qianlong s'en remet à un favori, Heshen, ancien soldat dont la beauté l'a émerveillé. Ministre tout-puissant, il développe dans l'administration le cancer de la corruption. Le nouvel empereur Jiaqing lui imposera de se suicider sitôt après la mort de Qianlong.
Malheureusement, du fait même de leurs succès, l'empereur Qianlong et son entourage de hauts fonctionnaires sont demeurés imperméables aux sollicitations européennes. Ils ont connaissance de la pénétration des Anglais aux Indes et se méfient à juste titre de ces « diables roux », surnom expressif donné aux Anglais.
Intelligents mais dogmatiques et enferrés dans leurs certitudes, les dirigeants chinois ne voient aucun besoin d'ouvrir l'Empire du Milieu à leurs commerçants. Ainsi Qianlong et ses successeurs vont-il laisser passer l'occasion de réformer leur administration.
Il s'ensuivra deux siècles d'humiliations, de guerres civiles et d'invasions, enfin un appauvrissement vertigineux, si l'on songe que les paysans chinois de la fin du XVIIIe siècle n'étaient en moyenne guère plus pauvres que leurs homologues européens et que la région du bas-Yangzi était à peu de chose près aussi développée que l'Angleterre elle-même.
Histoire de la Chine
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Kim (22-12-2019 13:31:45)
Bonjour, Je trouve l'adjectif "médiocre", utilisé pour qualifier Yongzhen, père de Qianlong, non seulement fort, mais en plus, erroné. Yongzhen n'a pas eu la longévité de son père, ni celle de... Lire la suite