Elle nous a offert la lune, presque sur un plateau. Sans Miss Hamilton, pas de mission Apollo 11 ! Pourtant son nom ne vous dit certainement rien.
Suivez-nous 50 ans en arrière au cœur de cette épopée fabuleuse pour sortir de l'ombre cette pionnière de l'informatique.
Pour Margaret Hamilton, rien n'est plus agréable que de voyager dans les chiffres. C'est donc fort logiquement que la jeune fille, née le 17 août 1936 dans l'Indiana, se dirige tout droit vers des études de sciences pour décrocher à 22 ans un master de Mathématiques et Philosophie.
Après une petite pause pour laisser son mari obtenir son propre diplôme de droit, la voici qui s'installe à l'Institut de Technologie du Massachussetts (MIT). Objectif : développer des logiciels spécialisés dans la météorologie. Mais les pronostics sur les nuages sont vite remplacés par un domaine encore plus pointu, les missiles, qu'elle étudie pour le SAGE (Semi-Automatic Ground Environment) Project.
Dans ce centre de recherche à la pointe de la technologie, elle se fait vite remarquer par ses capacités qui lui permettent de travailler sur le prototype du plus gros ordinateur jamais construit. La voici embauchée par la NASA, en 1963, au moment même où le programme Apollo se met en place. En route pour l'aventure !
Lors de son entrée au SAGE Project, Margaret Hamilton subit un bizutage un peu particulier :
« Ce qu’ils avaient l’habitude de faire, quand vous veniez de débuter dans l’organisation, c’était de vous assigner à un programme que personne n’avait été capable de comprendre et de faire fonctionner. Quand j’ai débuté, ils m’ont mise dessus également. C’était une programmation piégée, et la personne qui l’avait écrite s’était amusée à mettre tous les commentaires en grec et en latin. Donc on m’a assignée à ce programme, et je l’ai finalement fait fonctionner. Il imprimait même ses réponses en latin et en grec. J’étais la première à le faire marcher » (citée par Pierre Ropert, France Culture, 2018).
À 27 ans, elle intègre le laboratoire Draper chargé de gérer les logiciels qui doivent envoyer les astronautes sur la lune et, si possible !, les ramener. Elle dirige alors une équipe responsable du système embarqué dans la capsule, et ne compte pas ses heures.
Ce n'est pas du goût de tout le monde : comment cette mère de famille, jeune divorcée, peut-elle faire dormir sa fille dans son laboratoire le week-end pendant qu'elle-même travaille toute la nuit ?
Mais c'est peut-être à cette petite fille de 4 ans, Lauren, que les astronautes d'Apollo 8 doivent leur survie. Écoutons-là : « Un jour, elle était avec moi quand je faisais une simulation de mission sur la Lune. Elle aimait m'imiter et jouer à l'astronaute. Elle a commencé à taper sur les touches et tout à coup, la simulation a commencé. Elle a appuyé sur d'autres touches et cela a planté ».
Pour Margaret, l'avertissement est clair, et elle propose de modifier le programme pour supprimer le risque. Ses supérieurs commencent par refuser mais doivent revenir sur leur décision lorsque leurs astronautes font la même erreur que l'enfant. Le virus Lauren avait frappé, sans conséquence cette fois-ci, mais Margaret eut l'autorisation de modifier le programme. Ouf !
Margaret tire la leçon de l'incident et finit par créer un programme de priorisation des tâches qui se révèle capital au moment de l'atterrissage d'Apollo 11, le 21 juillet 1969. Au moment crucial en effet, les ordinateurs de bord, saturés d'informations, commencent à paniquer, rendant la manœuvre plus que délicate, voire totalement irréalisable.
Alerte ! Les alarmes se déclenchent les unes après les autres. Mais l’ordinateur Apollo Guidance Computer (AGC) choisit alors d'obéir au programme mis en place par Margaret, et place l'alunissage à la première place sur sa liste de tâches à effectuer.
C'est le soulagement ! L'option du crash a été écartée pour laisser place au fameux « petit pas pour l'Humanité » d'Armstrong. Margaret a compris l'importance capitale de la détection des erreurs en informatique, et choisit d'y consacrer la suite de sa carrière en fondant une société en 1976.
Femme et mère dans un milieu scientifique encore largement masculin et aux préjugés tenaces, elle devra attendre des années avant de recevoir une reconnaissance officielle. C'est chose faite en 2016 lorsque Barack Obama lui remet la Presidential Medal of Freedom, une des plus hautes distinctions civiles des États-Unis.
« L'ordinateur complet, qui avait l'apparence d'une valise dorée accompagnée du boîtier DSKY, pesait 32 kilogrammes. La programmation a nécessité plusieurs années avec une équipe de 350 personnes [...]. Les différentes tâches exécutées par l'ordinateur avaient chacune une priorité, et il pouvait ignorer une tâche secondaire pour se concentrer sur les processus prioritaires, contrairement aux autres ordinateurs de l'époque qui répartissaient simplement le temps de calcul entre les différentes tâches. Cette conception a d'ailleurs été salvatrice, puisqu'une erreur de mémoire liée au radar est apparue au moment de la descente vers la surface dans le module lunaire. L'erreur étant considérée comme secondaire, ils ont pu continuer la mission. L'ordinateur a redémarré et a pu reprendre les programmes critiques au même point, en ignorant les tâches liées au radar et évitant ainsi aux astronautes de devoir annuler le premier atterrissage sur la Lune » (Fabrice Auclert, Futura-science.com, 2019).
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